Afrique de l’Ouest : Les radios peinent à profiter des Tics

Les radios demeurent le médium de communication le plus approprié à la communication sociale et à la communication de développement en Afrique. Après deux premières enquêtes en 2001 et 2003, l’IPAO vient de réaliser une nouvelle étude sur les radios et les technologies numériques de communication. Dans cette étude, il s’agissait de faire l’état des lieux de la connectivité des radios ouest-africaines aux (N)TIC (internet, satellite, ordinateur, outils de stockage numérique, etc.), d’analyser les usages mis en œuvre, d’identifier les contraintes, opportunités, et de faire des recommandations aux différents acteurs.

L’étude est principalement axée sur sept pays cibles (Ghana, Bénin, Sénégal, Mali, Sierra Leone, Burkina Faso, Niger) et concerne toutes les radios (communautaires ou associatives, commerciales, confessionnelles et religieuses). Deux cent vingt (220) radios ont été enquêtées. Les principaux outils de recherche utilisés sont le questionnaire, l’interview, l’analyse documentaire.

Les résultats révèlent que, de manière globale, les radios des sept pays ont un taux d’accès moyen à l’internet (51,8 %), avec une grande disparité selon les pays et les types de radios. En effet, d’une part, alors que le taux de connectivité est de 72,2% pour les radios privées commerciales, il se limite à 31,5% pour les radios communautaires ou associatives. D’autre part, au niveau des pays, les radios ghanéennes présentent 93,5% de taux de connectivité, les radios sénégalaises 89,7%, alors que seulement 20% des radios de la Sierra Leone sont connectées.

Au Ghana et au Sénégal, pratiquement toutes les radios commerciales sont connectées. En outre, 72,7% des radios communautaires sénégalaises disposent de l’Internet, alors que seulement 8,3% des radios communautaires nigériennes sont dans ce cas. Le taux de connectivité, toutes radios confondues, au Burkina, Faso, au Bénin et au Mali, sont respectivement 61,5%, 55% et 34%.

C’est grâce à la technologie ADSL que la majorité des stations de la sous-région se connecte, en particulier au Sénégal, où plus de 92 % des stations accèdent au réseau mondial grâce à cette solution. Comme l’illustre les coûts d’accès présentés, dans certains pays, l’utilisation de l’internet devient de plus en plus accessible, mais ceci se limite aux régions ayant de bonnes infrastructures. La forte pénétration de la téléphonie mobile sur le continent permet aux stations d’en faire un outil incontournable de reportage et d’échanges avec les auditeurs ; cet usage remporte aujourd’hui l’adhésion de tous les auditeurs de radio.

Même s’il a été identifié environ 70 sites web de radios, celles-ci sont encore très faiblement et de manière très précaire présentes sur l’internet. Dans la plupart des pays, la diffusion en live sur internet est très instable (streaming régulièrement inaccessible) ou inexistante, bien que souvent annoncée. En outre, un grand nombre de ces sites web ont très peu - ou pas du tout - de contenus. Le Sénégal et le Ghana sont les pays où les radios disposent davantage de sites web, mais la diffusion en direct sur l’internet est beaucoup plus stable au niveau des radios ghanéennes. La présence sur le web illustre encore que ces deux pays sont ceux dont les radios tirent davantage profit des TIC.

Par ailleurs, les services à valeur ajoutée du mobile, en particulier le SMS, utilisé par 83,8% des stations interrogées, connaissent un énorme succès auprès des populations. Ces nouveaux services sont considérés comme d’importants outils d’interactivité entre stations radio et auditeurs, et constituent de plus une source potentielle de revenus substantiels pour l’entreprise radiophonique.

Globalement, le satellite est peu utilisé par les radios. Il sert principalement à la réception des programmes. Les radios communautaires sont les plus nombreuses à l’utiliser, à 57,7%, alors que cette statistique est de 28,8% pour les radios commerciales. Le fort taux d’utilisation de ce moyen de communication par les radios communautaires s’explique par les appuis internationaux dont elles bénéficient dans ce cadre. En ce qui concerne la diffusion de programmes par le satellite, quasiment seules les radios publiques, disposant de subventions publiques conséquentes, peuvent se permettre de l’utiliser, notamment vers l’Afrique, l’Europe et les USA.

Par manque d’information ou par méconnaissance des TIC, il a été également remarqué une confusion dans certains esprits entre logiciels libres et logiciels propriétaires, voire au sujet du type de connexion internet dont dispose la radio. Les besoins en formation restent énormes et concernent tous les domaines des NTIC, en particulier celui de la production numérique, de l’utilisation basique des ordinateurs, de l’Internet et celui de la création ou la maintenance de services avancés de diffusion et de téléchargement en ligne. Les coupures de courant sont particulièrement indexées dans les pays ayant les meilleures connectivités comme un véritable obstacle.

Plusieurs recommandations ont été faites à l’attention de tous les acteurs interpellés par le développement du secteur médiatique, au niveau national, régional et international. A titre d’exemple, on peut mentionner les recommandations suivantes :

1. Mettre en place, en impliquant toutes les parties prenantes, des stratégies nationales et régionales spécifiques et dédiées à la prise en compte des nouvelles technologies dans les radios et les médias en général;
2. Développer la connectivité dans les pays par l’augmentation de la bande passante, la consolidation des infrastructures, l’extension de la couverture des réseaux téléphoniques et la baisse des coûts d’accès ;
3. Former le personnel des radios en gestion du streaming audio et vidéo pour favoriser la présence des radios sur l’internet ;
4. Favoriser la mise en place de serveurs pouvant héberger les sites web des radios faisant du streaming à des coûts relativement abordables ;
5. Renforcer l’intégration des TIC dans la formation des journalistes et animateurs de radio, au niveau des structures et dispositifs de formation académique et alternative (auto-formation, formation par les associations et les réseaux de radios, etc.);
6. Faciliter les négociations auprès des opérateurs de télécommunications pour réduire les coûts d’accès aux TIC aux stations radios, en particulier celles qui sont communautaires ;
7. Favoriser la prise en compte de la convergence par les organes de régulation des TIC, en créant des mécanismes de collaboration entre régulateurs des médias et des télécommunications, ou en créant des organes de régulation uniques convergés ;
8. Mettre en place des actions dans les différents pays pour une meilleure compréhension et prise en compte des enjeux nationaux et internationaux de la radio numérique.

Supervisée par le Programme TIC de l’IPAO, l’étude a été coordonnée par Malick Ndiaye, avec la collaboration de Hyppolite Djiwan (Bénin), Abdoulaye Diallo (Burkina Faso), Kwami Ahiabenu II (Ghana), Aziz Diallo (Mali), Abdourahamane Ousmane (Niger), Boubacar Khalil Ndiaye (Sénégal), Andrew Kromah (Sierra Leone).

* Ken Lohento, est coordinateur du TIC de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest.

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