En cette période où la terre est devenue l’une des principales valeur-refuge des investissements et où les terres malgaches font l’objet de convoitises, gardons nos terres, facilitons par de nouvelles lois l’acquisition de terres pas les jeunes paysans malgaches et l’usage indépendant des terres par nos agriculteurs, éleveurs et pêcheurs.
Depuis quelques années, à cause de projets d’investisseurs, de plus en plus de paysans de toutes les régions de Madagascar sont expulsés et perdent les droits d’usage des terres qu’ils occupaient et mettaient en valeur depuis des générations pour la subsistance de leurs familles. Cette spoliation des droits légitimes des communautés locales, par des investisseurs nationaux ou étrangers, quelles que soient la surface concernée et la raison, constitue des cas d’accaparement de terres.
Pour mieux connaître les conséquences de ce phénomène sur les populations des zones concernées, l’association italienne Re:common, la plateforme malgache Solidarité des intervenants sur le foncier - Sif - et le Collectif pour la défense des terres malgaches – Tany - ont recueilli les témoignages des personnes directement affectées par six projets dans le domaine agricole, minier et forestier dans les régions Ihorombe, Sofia, Alaotra-Mangoro, Analanjirofo, Itasy et les ont publiés dans le document intitulé Accaparements de terres à Madagascar Echos et temoignages. Ce rapport décrit également les effets de l’industrie touristique sur l’accès à la terre des habitants de Nosy Be et relate les témoignages recueillis par d’autres auteurs sur les impacts de l’industrie extractive Qmm-Rio Tinto dans l’Anosy.
Les témoignages enregistrés montrent à quel point ces projets n’ont pas apporté le développement promis. Au contraire, ils ont aggravé les conditions de vie et d’existence des populations des zones concernées en les privant des terres qui les avaient nourries ou des zones de pâturage de leurs zébus.
Le rapport ne comporte que des projets d’investisseurs étrangers mais les accaparements par des nationaux sont nombreux à Madagascar et leurs conséquences sont identiques.
Face à cette situation, nous avons l’honneur de demander respectueusement à Mesdames et Messieurs les candidats aux élections présidentielles et législatives, futurs décideurs des grandes orientations et de toutes les lois du pays, de s’écarter de la voie tracée par leurs prédécesseurs qui ont effectué “un véritable démarchage des terres à l’extérieur” et conduit notre pays dans sa situation de pauvrété extrême actuelle.
LES PRINCIPALES FORMES D’ACCAPAREMENTS DE TERRES PRÉSENTES À MADAGASCAR
Les lois malgaches actuelles favorisent les riches nationaux et les investisseurs étrangers, notamment la loi 2007-036 promulguée le 14 janvier 2008 qui autorise la vente de terres aux sociétés étrangères ayant une filiale à Madagascar. Cette loi qui va à l’encontre des intérêts de la nation malgache doit être abrogée, car elle met en concurrence directe les familles malgaches aux moyens souvent limités avec les sociétés transnationales et puissants investisseurs. Le maintien de cette loi risque de priver les générations malgaches futures de toute possession de terre.
Arrêtez l’octroi de concessions aux sociétés étrangères. Le cas le plus connu mentionné dans le rapport, qui a causé l’expulsion des pêcheurs et agriculteurs de la zone, est le port d’Ehoala à Tolagnaro. Ce port a été financé totalement par un prêt et par l’Etat Malgache, mais il est géré par une structure privée étrangère. La concession Tantalus dans la zone d’extraction de terres rares, près d’Ampasindava dans le Nord-Ouest (1), a une surface de 300 km2 selon la presse, et la prochaine annoncée - 20 000 ha dans la région Menabe – servira à des cultures vivrières destinées à l’exportation dans le cadre du projet “Madagascar, grenier de l’Océan Indien". Une loi claire arrêtant l’octroi de concessions et permettant aux élus, aux agents de l’Etat et des collectivités décentralisées et aux citoyens malgaches d’y avoir accès et d’exercer un contrôle sur ce qui s’y passe est urgente.
Les conséquences de la location des terres à long terme – par bail emphytéotique de 18 à 99 ans – sont identiques à celles d’une vente de terres quant à la perte des droits d’usage des familles malgaches sur leurs terres et à l’impossibilité pour les paysans de mettre en valeur leurs terres. Les contrats de location de courte ou moyenne durée “renouvelables par tacite reconduction”, sans précision des conditions de non-renouvellement, sans précision des sanctions en cas de non-respect du contrat, sont des arnaques et tromperies vis-à-vis des citoyens. Les compensations reçues par les familles déplacées ou expulsées sont souvent dérisoires et inacceptables.
Les caractéristiques communes à toutes ces formes d’accaparement de terres rencontrées sont l’absence de transparence des transactions et l’opacité des contrats que l’Etat, souvent, a établis avec les entreprises impliquées. Cette opacité s’explique-t-elle par la peur de la colère des citoyens qui sont attachés à leurs terres et à leur tanindrazana, ou à la crainte d’une forte contestation des paysans qui sont majoritaires dans ce pays ? Les expériences malgaches citées dans le rapport démontrent que la politique de l’aménagement du territoire basée sur l’attribution prioritaire de terres à l’agro-industrie et aux grands projets miniers et autres ne crée que peu d’emplois souvent précaires. Lorsqu’elles ne restent pas des promesses en l’air, les quelques infrastructures réalisées ne compensent pas les pertes provoquées et les dégâts collatéraux subis par les communautés locales et par l’ensemble de la nation.
L’accaparement des terres s’apparente de plus en plus à une nouvelle forme de colonialisme.
POUR DES ALTERNATIVES A CES PRATIQUES SUICIDAIRES POUR LA NATION
L’agriculture familiale fournit de nombreux emplois dans nos différentes régions et devrait être soutenue, y compris par des investissements. Maintenir nos paysans sur leurs terres et les appuyer par différents moyens pour leur permettre de développer des cultures vivrières destinées à la consommation de la population locale et nationale empêchera nos agriculteurs de devenir des paysans sans-terre, ouvriers agricoles souvent saisonniers et aux conditions encore plus précaires qu’auparavant, à la merci des firmes agro-industrielles dont la maximisation de leurs propres bénéfices est le seul souci. L’alimentation saine et suffisante de la majorité de la population malgache par les produits de leurs cultures devrait être la priorité et non l’exportation des cultures vivrières et la satisfaction des investisseurs étrangers.
Le minimum de respect des citoyens, vos électeurs, passe par la consultation des communautés locales sur les décisions concernant leurs terres et leur avenir, et par la prise en compte de leur refus d’un projet lorsque c’est le cas. La mise en place d’une commission d’enquêtes et la publication officielle de l’état des lieux des ventes, locations et autres transactions passées et futures sur les terres de notre patrie commune sont attendues de vous dès le début de votre mandat potentiel.
En cette période où la terre est devenue l’une des principales valeur-refuge des investissements et où les terres malgaches font l’objet de convoitises, gardons nos terres, facilitons par de nouvelles lois l’acquisition de terres pas les jeunes paysans malgaches et l’usage indépendant des terres par nos agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Recherchons avec les paysans et les experts dans diverses disciplines, les moyens d’en améliorer la fertilité, le rendement et le profit pour la population malgache à court, moyen et long terme.
L’opinion publique scrutera vos positions et propositions sur la question des terres pendant la campagne actuelle.
Halte aux accaparements de terres par les riches nationaux et par les investisseurs étrangers !
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** Le Collectif pour la défense des terres malgaches – Tany
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