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Huit ans après l’achat d’Uramin, aucune mine n’a encore été exploitée alors que d’importants frais ont été engagés avec l’installation d’équipements pour l’exploitation des gisements, notamment en Namibie.

En 2007, Areva rachète Uramin, entreprise de taille modeste, réalisant de l’exploration de mines d’uranium et détenant des licences d’exploitation en Afrique du Sud, Namibie et République centrafricaine. Ce rachat lui a couté la bagatelle de 2,5 milliards de dollars (1,8 milliards d’euros) quand « tous les experts évaluaient Uramin au maximum entre 600 et 800 millions d’euros ». Aujourd’hui, Areva est sur la sellette, avec une perte nette estimée à 4,9 milliards d’euros.

Étrangement, malgré l’ouverture d’une enquête préliminaire sur la gestion du rachat d’Uramin, depuis avril 2014, rien ne semble bouger.

En mai 2007, lorsqu’Areva a commencé à s’intéresser à Uramin, ses services internes émettaient déjà des réserves quant à l’achat d’Uramin de par son « manque d’expérience dans le domaine de l’uranium», et du «…peu de données fiables ». De plus, en Namibie et en Rca, les quantités d’uranium sont extrêmement faibles. Selon les géologues, ces gisements ne sont pas exploitables, un fait qui est connu depuis les années 1960. Qui plus est, Areva a présenté un rapport à l’Agence de participation de l’Etat (Ape) au moment de l’achat d’Uramin, différent de celui qui avait circulé en interne ; les éléments mentionnant la faiblesse des gisements ayant été retirés.

Huit ans après l’achat d’Uramin, aucune mine n’a encore été exploitée alors que d’importants frais ont été engagés avec l’installation d’équipements pour l’exploitation des gisements, notamment en Namibie ; à l’achat d’Uramin s’ajoute donc une facture d’un milliard d’euros. L’enquête menée par les journalistes du Mail et du Guardian [1] a par ailleurs mis à jour de surprenants liens : Sam Jonah, actionnaire d’Uramin et proche du président sud-africain Thabo Mbeki, aurait remporté une importante plus-value dans l’affaire Uramin ; au même moment, Areva répondait à l’appel d’offres lancé par le gouvernement Sud-Africain de Thabo Mbeki pour la construction de nombreuses centrales nucléaires. L’appel d’offres ayant été annulé, Areva a cherché immédiatement à revendre Uramin.

Après un audit en interne et une première annonce de dépréciation de la valeur d’Uramin dans les comptes, une enquête parlementaire sur la gestion du rachat d’Uramin par Areva a été ouverte en 2012 et a conclu à «des dysfonctionnements dans la gouvernance et les processus de décision au sein de l’entreprise».

Malgré ces conclusions, aucune mesure n’a été prise. La Cour des comptes a ensuite mené en 2013 une enquête dont le rapport a mis en lumière « de nombreuses irrégularités (…), des fautes individuelles ou des manquements, (…) des défauts de surveillance, voire de la dissimulation, (…) que le groupe, selon les documents disponibles, n’a pas cherché à élucider ».[2]

En février 2014, suite à ces constations, la Cour des comptes a signalé, auprès du parquet national financier, une suspicion de commission d’infractions pénales. Celui-ci a ouvert une enquête préliminaire qui vise des faits de « présentation ou publication de comptes inexacts ou infidèles », « diffusion d’informations fausses ou trompeuses », « faux et usage de faux ».

Pourtant, malgré ce signalement, l’enquête piétine, aucun juge d’instruction n’a été désigné, ce qui soulève de sérieuses questions de volonté politique. Areva est détenue à 87% par l’État, or, Michel Sapin n’a-t-il pas déclaré à maintes reprises que tous les représentants de l’État dans les conseils d’administration des entreprises où l’État est actionnaire, doivent avoir un comportement exemplaire ?

Avec ses 4,9 milliards d’euros de pertes nettes affichées qui sont considérables, ce sont les contribuables qui risquent fort de payer la facture et des centaines de salariés d’Areva qui sont menacés d’être licenciés pour compenser, au mieux, des erreurs de gestion en haut lieu. Il est donc plus qu’urgent que les responsabilités pénales des différents protagonistes français sur ce dossier soient recherchées et établies.

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** Laetitia Liebert est directrice de Sherpa, une association créée en vue de protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques.

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