Rompre avec les leurres de l’aide alimentaire

L’aide est une dépendance sans fin et sans utilité. Elle ne résoudra jamais le problème de la malnutrition dans les foyers. Le combat qui vaut la peine, pour la femme africaine, demeure celle de l’autosuffisance et de la souveraineté sur la nutrition de ses enfants.

Article Image Caption | Source
Lukas

L’aide alimentaire est un leurre. Elle ne nourrit que ceux qui pensent se donner bonne conscience en la distribuant. Donner un kilo de maïs à une femme pour son enfant, en vue, soi-disant, d’améliorer son niveau nutritionnel, est une belle tromperie. Que fait une mère quand elle emmène de la nourriture dans la famille ? Elle la partage pour tout le monde. Ses autres enfants, elle ne les regarde pas mourir de faim. Pour l’enfant atteint ou malade, le déficit nutritionnel n’est pas comblé. Pas plus que pour les autres qui ont bénéficié du partage.

L’aide est une dépendance sans fin et sans utilité. Elle ne résoudra jamais le problème de la malnutrition dans les foyers. Le combat qui vaut la peine, pour la femme africaine, demeure celle de l’autosuffisance et de la souveraineté sur la nutrition de ses enfants. Cela passe, entre autres, par des activités génératrices de revenus. Mais cette approche, pour être efficace et pertinente, doit être tournée aussi vers la satisfaction des besoins au quotidiens.

Plutôt qu’un petit commerce ou une activité de transformation, nous pensons plus adapté, par exemple, de pousser les femmes à s’investir dans un petit élevage de poules pondeuses. Chaque jour, il est possible, pour leurs enfants, de consommer chacun un œuf dont on connaît les valeurs nutritives. Ce qui reste peut faire l’objet d’un commerce pour des ressources additionnelles au niveau du ménage. Ainsi, activités génératrices de revenus doivent rimer avec activités d’autosuffisance et de souveraineté alimentaire d’abord.

Nous rêvons d’une République démocratique du Congo pacifiée de manière durable, pour que cette approche soit mieux ancrée. Paix au niveau des familles, des communautés, du pays en général, dans un contexte social, politique et économique favorable. Car la guerre a détruit la société congolaise. Au-delà des morts, des blessés, des dégâts matériels qui font les bilans habituels, il y a une perversion des mentalités qu’il faut guérir. Des ressorts se sont brisés jusque dans les familles. On vit de peurs et de rancunes. C’est un défi énorme, aujourd’hui, en Rd Congo, que de croire au futur, que de reconstruire le tissu de solidarité. Jadis une naissance faisait le bonheur dans la famille, aujourd’hui c’est presque une malédiction. Une charge de plus, devant dans une progéniture dont on ne parvient même pas à assurer les besoins les plus élémentaires.

Jusqu’en milieu rural, la construction d’un nouveau Congo passe par de nouvelles synergies pour amener les femmes à retrouver la foi en elles, en leur capacité à changer les choses ensemble. Je rêve même à une action d’éclat par lequel ce petit peuple des femmes pourrait faire sentir à la population congolaise combien son rôle est important. Cela peut être aussi simple que de voir les productrices rurales décider un jour de croiser les bras et de ne pas approvisionner les marchés. Il est certain que les décideurs commenceraient alors à jeter un autre regard sur elles.

* Agnès Mussamba est responsable de l’Association d’appui aux groupements des femmes et familles (AGF), membre du Comité national Femme et développement

* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org