A nos chefs d’Etat partis mourir à l’étranger

(…) La mort du président gabonais à Barcelone, est une honte pour quelqu’un qui, après plus de 40 ans de règne, n’a même pas été capable de construire un hôpital digne de ce nom dans son pays. (…) Je voudrais vous prendre tous à témoin pour évoquer ici un fait qui, à la longue, deviendra un problème que les Africains doivent gérer au risque de le voir devenir un cancer dans notre mentalité et dans notre vision du monde. C’est un problème de société qui rejaillit sur l’image de nos malheureux pays africains du Nord au sud, de l’Est à l’Ouest.

(…) La mort du président gabonais à Barcelone, est une honte pour quelqu’un qui, après plus de 40 ans de règne, n’a même pas été capable de construire un hôpital digne de ce nom dans son pays. (…) Je voudrais vous prendre tous à témoin pour évoquer ici un fait qui, à la longue, deviendra un problème que les Africains doivent gérer au risque de le voir devenir un cancer dans notre mentalité et dans notre vision du monde. C’est un problème de société qui rejaillit sur l’image de nos malheureux pays africains du Nord au sud, de l’Est à l’Ouest.

Je vous prie de suivre attentivement mon argumentation et de me porter la contradiction si vous constatez que je divague, ou que j’exagère dans ma conception de l’indépendance nationale, chèrement acquise par nos peuples au prix de luttes qui ont coûté la vie à des hommes et des femmes qui étaient fondamentalement convaincus de la justesse des sacrifices qu’ils fallaient consentir pour que nos peuples soient libres et indépendants.

Je signale au passage que je suis historien ; je ne suis pas un politicien à la recherche d’un électorat, encore moins, un commerçant, un transporteur, un mathématicien, un médecin ou un ingénieur. Je me pose des questions sur le bien fondé des actes qu’on pose quand on exerce de hautes responsabilités et je me dis pourquoi nous choisissons toujours les voies les plus difficiles quand la solution la meilleure est juste devant nous ?

Je voudrais évoquer ici devant vous avec humilité et respect, l’hôpital, comme lieu d’expression de notre indépendance. J’habite la ville de Lugano en Suisse, où les journaux ont fait écho de la visite de feu le Général Gnassingbé Eyadéma au Cardio centro de Lugano pour des examens cardiovasculaires en janvier 2005. Je sais aussi, sans trahir le secret médical, qu’une autre visite de contrôle était prévue en mars 200 lorsque le mal s’est aggravé, entraînant la mort du Général Eyadema le 25 février 2005. De son côté, le président sénégalais Abdoulaye Wade, s’est fait également opéré de la cataracte en France.

Le président de la République algérienne Abdel Aziz Boutéflika est sorti de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce en France le samedi 17 décembre 2005. Selon le communiqué médical publié par son médecin personnel le Pr. Massaoud Zituouni, l’hospitalisation du Président algérien avait été motivée par « un ulcère hémorragique au niveau de l’estomac qui nécessitait une intervention chirurgicale, son état de santé évolue très favorablement. »

Il y a ainsi une habitude en Afrique. Alors que nos écoles sont devenues des dépotoirs, les enfants de nos élites politiques sont à l’étranger dans les lycées et autres grandes écoles occidentales. Rares sont ceux d’entre nous qui ont vu les enfants de nos chefs d’Etat fréquenter les mêmes écoles que nous.

Nos médecins sont dans la précarité avec un manque criant de matériels, nos hôpitaux sont devenus des mouroirs et nos chefs d’Etats préfèrent aller se soigner à l’étranger, au lieu de promouvoir une santé publique digne de ce nom dans nos pays africains.

(… ) La santé est le bien le plus précieux des êtres humains et quand on est président, la première des choses à faire est de donner au pays qu’on dirige un système sanitaire de qualité, permettant à ses concitoyens de se soigner dans de meilleures conditions. On peut dire tout ce qu’on veut de Fidel Castro, mais nous savons tous à l’avance que ce n’est pas aux Etats Unis qu’il ira se faie soigner. Le système de santé cubain est l’un des plus viable d’Amérique latine.

Vous imaginez le président Russe aller se faire soigner au Canada ou aux Etats Unis. L’empereur du Japon n’ira jamais se faire soigner à paris ou à Londres. Le roi d’Espagne n’ira jamais non plus à Rome pour se faire soigner, car cela sera perçu par le peuple espagnol, qui a vécu la longue agonie du général Francisco Franco, comme un manque de confiance aux structures sanitaires de leur pays.

Les infrastructures hospitalières, font parties des instruments de l’indépendance nationale d’un pays, ceux qui ne l’on pas encore compris doivent se réveiller du profond sommeil quasi comateux dans lequel ils sont plongé. Car, en définitive, on est indépendant que lorsqu’on a des biens propres. Si pour une toux ou pour un mal de dent vous devez vous rendre chez ceux qui vous ont colonisé, alors à quoi bon d’avoir lutter pour être indépendant ?

Il ne s’agit pas ici d’une polémique stérile, il s’agit d’un problème de fond qui conditionne l’image que nous donnons de nous-mêmes à l’extérieur de l’Afrique. Comment expliquez-vous que nos chefs d’Etat partis mourir à l’étranger, n’ont pu, durant leur règne, laisser à leur pays un hôpital digne de ce nom qui fonctionne ? Quand je dis qui fonctionne, je pense à un hôpital avec un personnel de haute qualité scientifique et du matériel adéquat pour être performant et offrir à nos populations une médecine de qualité. Observez bien le budget de la santé dans nos pays africains, il est en régression partout alors que le budget militaire est en augmentation constante. Nous sommes obligées aujourd’hui d’organiser des petites collectes depuis l’étranger pour aider nos dispensaires et hôpitaux, cela est-il normal ? Et cela va durer jusqu’à quand ? Voici des questions légitimes qui s’imposent à notre réflexion.

J’interpelle sur ce sujet tous mes compatriotes africains et nos amis européens, car j’ai du mal à comprendre l’état de délabrement de nos hôpitaux et les familles de nos élites qui vont chaque année se faire des bilans médicaux aux frais du contribuable africain qui, lui, crève de faim, de soif, de pauvreté de maladies et autres pandémies auxquels il est exposé sans protection, par la faute de gouvernants inconscients, irresponsables, hautains et médiocres.

L’hôpital, comme expression de notre dépendance, est une réalité de notre temps, le président. Nelson Mandela a reçu tous les soins relatifs à sa santé à l’hôpital militaire de Pretoria, le Roi Hassan II du Maroc est mort au palais royal de Rabat aux mains d’une équipe médical Marocaine. Timidement sans doute, un esprit nouveau émergera, pour mettre l’hôpital au milieu de la cité.

Une chose est certaine : la dignité, c’est aussi l’adéquation entre le dire et le fait. L’hôpital comme expression de l’indépendance africaine, est une donne que nous devons prendre aujourd’hui en compte pour nous affirmer dans un monde ou nos ennemis cherchent systématiquement a nous maintenir dans les soutes de l’histoire.

Nous avons voulu ici exprimer une préoccupation et la partager avec tous ceux qui croient à une nécessaire remise en cause, pour permettre à nos peuples africains d’affronter les temps nouveaux avec la certitude que la santé sera une préoccupation des gouvernants. Comme l’écrivait si bien le Dr Albert Schweitzer, « l’éthique du respect de la vie comprend en elle-même tout ce que couvrent les notions d’amour, de dévouement, de partage, de souffrances, de partage de joies et d’engagements pour le bien ».

* Dr Serge-Nicolas Nzi est chercheur en Communication

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