Organes de Gestion des élections : Avantages et défis
Après quelques années de gestion des élections par des Commissions électorales ou organes spécifiques de gestion des élections, le bilan n’est–il pas quelque peu mitigé ? En effet, malgré l’existence de telles structures, leur indépendance discutable, la corruption et la fraude électorales, le coût parfois exorbitant des élections, etc., sont autant d’éléments conduisant à un réel «Oge–pessimisme».
Les années 90, marquent un tournant historique pour l’Afrique de l’Ouest. La majorité des pays ont en effet opté pour la démocratie comme régime politique. Les crises politiques, idéologiques, socio-économiques et institutionnelles connues par certains de ces pays y ont certainement contribué pour beaucoup. Ces démocraties nouvelles ou renouvelées se sont par la même occasion dotées de constitutions et d’institutions gages de leur option démocratique. Une constitution étant, entre autres, le fruit de l’histoire d’un peuple, chaque Etat au regard de son passé, se dote, à travers sa Constitution, des institutions ou mécanismes susceptibles de répondre à sa vision et ses défis passés, présents et futurs.
Ainsi, bien que dans bien de démocraties vieilles ou établies, les élections sont organisées par le pouvoir Exécutif à travers l’Administration publique, beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest (démocraties nouvelles) ont consacré des organes spécifiques, indépendants du pouvoir exécutif dans l’organisation des élections : les Commissions électorales (Ce) ou Organe de gestion des élections (Oge).
Dans un contexte où, le passé a laissé des séquelles certaines, où la crise de confiance est la règle et les élections constituent des enjeux majeurs, où le gagnant rafle tout sans partage aucun avec les perdants, et où pouvoir politique rime avec pouvoir absolu, la gestion des élections cristallise tous les intérêts.
Nombreuses sont en outre les «vertus» et les avancées prêtées aux Ce par les ardant défenseurs de ce mode de gestion des élections. Résultantes ou réponses à la méfiance ou suspicion à l’égard des gouvernants, elles constitueraient selon eux un atout pour l’acceptation des résultats et la crédibilité du scrutin; elles répondent en outre à une volonté de professionnaliser l’organisation des élections ; elles seraient gages de transparence et de crédibilité. A contrario, les élections organisées par l’Administration publique seraient quant à elles plus exposées à la fraude ou la partialité des institutions en charge.
Toutefois, après quelques années de gestion des élections par des Commissions électorales ou organes spécifiques de gestion des élections, le bilan n’est–il pas quelque peu mitigé ?
En effet, malgré la gestion des élections par des organes spécialisés, la corruption et la fraude électorales, le coût parfois exorbitant des élections, l’indépendance discutable de certaines Commissions électorales, la confiscation du pouvoir au détriment des résultats des urnes, les résultats fortement contestés, les alternances de façade, les violences post-électorales, des campagnes de qualité discutable, l’amateurisme des acteurs, etc., sont autant d’éléments conduisant à un réel «Oge–pessimisme».
En effet, bien qu’il s’agisse de problèmes ou travers généralement caractéristiques et par conséquent imputables aux élections organisées par l’administration publique, de tels exemples sont également légions pour des scrutins de plus en plus mitigés organisés par des Oge dans bien de pays d’Afrique de l’Ouest, y compris ceux les plus réputés comme le Bénin et le Ghana.
Un pays comme le Sénégal, entre autres, donne du fil à retordre aux détracteurs de l’organisation des élections par l’administration publique. En effet, l’acteur central organisant les élections est le ministère de l’Intérieur. La Commission électorale joue quant à elle un rôle de supervision et de contrôle. Le Sénégal a en effet démontré à plusieurs reprises sa capacité à organiser des élections dont les résultats sont acceptés par la majorité des acteurs politiques, des citoyens et de la communauté internationale. D’autre part, lesdits résultats conduisent le pays vers une alternance politique pacifique, c’est–à–dire à la victoire de l’opposition au détriment de la mouvance détentrice du pouvoir exécutif et organisatrice des élections voire de la majorité à l’Assemblée nationale.
Le cas du Sénégal présente un intérêt certain dans la mesure où nombre d’acteurs nationaux, régionaux et internationaux invitent le pays à renforcer la Ce au détriment de l’administration publique. Le Sénégal n’est nullement une exception et le cas de pays comme le Cap-Vert et le Mali, dans une certaine mesure, confirment un tel constat. La question est à présent de savoir pourquoi prôner le remplacement d’un système qui fonctionne et qui se rapproche plus de la majorité des démocraties traditionnelles, pour un système qui est supposé être meilleur mais qui a montré ses limites sous d’autres cieux ?
Faut-il opter pour un système qui présente en théorie de nombreux avantages (spécialisation, professionnalisme, transparence, autonomie, etc.) mais qui en pratique présente de réelles faiblesses et limites. Un pays comme le Sénégal doit-il opter pour une commission électorale forte en lieu et place d’un système qui semble fonctionner et qui a fait plus d’une fois ses preuves ?
La Commission devrait-elle être considérée comme une innovation en matière de gestion des élections à pérenniser et améliorer malgré ses inconvénients et les coûts supplémentaires engendrés ? Ou bien devrait–elle être considérée comme un système ou mode transitoire de gestion des élections, en attendant que les Etats, notamment africains, regagnent la confiance de leurs citoyens et des acteurs politiques ?
Le retour aux structures étatiques, et au ministère de l’Intérieur en particulier, pour la gestion des scrutins électoraux, serait-il par conséquent gage de maturité politique et démocratique des Etats notamment africains ayant recours aux Commissions Electorales?
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