Ces fils d’Afrique qu’on nous vole
L’arrestation de ressortissants américains qui tentaient de sortir des enfants haïtiens de leur pays, en profitant du chaos et de la désolation causés par le tremblement de terre, rappelle un précédent. Il y a trois ans, les mêmes faits s’étaient déroulés au Tchad, sur fond de conflit du Darfour. Pour Serge Onyumbe Wedi, il est de mettre un terme à ces réseaux qui sévissent sur les terres de souffrance. Pour lui, «l’Afrique n’accepterait plus de voir ses filles et fils lui être dérobés, sans raison aucune, même s’ils vivent en Amérique».
Vingt-cinq octobre 2007 : neuf Français, membres de l’association française L’Arche de Zoé, qui s’apprêtaient à quitter le Tchad, sont arrêtés par les autorités tchadiennes avec 103 enfants qu’ils voulaient emmener illégalement en France afin de les faire adopter. Il s’est révélé que, contrairement à ce que prétendait l’association, la plupart de ces enfants n’étaient ni orphelins ni Soudanais. Cette affaire, se souvient-on, a entraîné la colère de l’opinion publique tchadienne et déclenché une crise diplomatique entre la France et le Tchad. C’était il y a près de trois ans seulement et, personne ne s’attendait à (re)vivre cet ignoble trafic d’aussi tôt…Hélas ! La cupidité humaine en décidera autrement.
Pendant que les Haïtiens déterrent et enterrent encore les restes de leurs ensevelis sous les décombres du tremblement de terre du 12 janvier 2010, dix ressortissants américains ont été arrêtés le 31 janvier 2010, à Haïti, alors qu’ils tentaient de faire sortir 33 enfants du pays sans autorisation. En attendant leur jugement, ces enfants "volés" ont été questionnés dans le centre d’accueil qui les a pris en charge, et les plus grands auraient raconté avoir des parents toujours en vie. Certains auraient même donné adresses et numéros de téléphone.
Même si cette histoire semble avoir une fin heureuse pour ces enfants, l’occasion est toute faite, estimons-nous, pour fustiger de vive voix, l’existence de ce réseau maffieux de trafic d’enfants en provenance de terres en souffrance. Après avoir perdu ses pères lors du commerce triangulaire, l’Afrique n’accepterait plus de voir ses filles et fils lui être dérobés, sans raison aucune, même s’ils vivent en Amérique. Le comble est que cette soi-disant aide ne nous parvient que lorsque le pire nous est déjà tombé dessus ! L’idée que nous développons ici, ne prétend pas présenter l’Afrique comme un continent qui s’autosuffit. D’ailleurs, aucun de cinq continents ne peut vivre en vase clos et s’épanouir. Seule la complémentarité fortifie les nations du monde.
Mais, ce que nous déplorons est que l’aide accordée aux pays en situation difficile soit toujours teintée des dessous de cartes immoraux qui sapent les droits internationaux des populations concernées. Si avant-hier c’était l’esclavage en Afrique, hier l’Arche de Zoé au Tchad et aujourd’hui les 33 Américains en Haïti, la logique élémentaire mathématique voudrait que l’on s’interroge sur qui seront les prochains explorateurs terminateurs d’enfants et, dans quelle contrée du monde vont-ils opérer ?
* Serge Onyumbe Wedi est journaliste et activiste des Droits de l’homme
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