Malam Bacai Sanha : « Mes priorité pour la Guinée Bissau»

Petit pays de seulement 1 500 000 habitants, la Guinée-Bissau – qui possède l’une des meilleures pluviométries de l’Afrique de l’Ouest, des terres très fertiles et l’une des zones maritimes les plus riches de la sous-région – est traversée de manière cyclique par des secousses depuis son indépendance, en 1974. Un parcours jalonné de guerres, de coups d’Etat, d’assassinats et d’exactions de toutes sortes, qui ont fini d’installer le pays dans des difficultés institutionnelles, politiques, économiques, sociales… Mais aujourd’hui, la Guinée-Bissau semble avoir amorcé un nouveau virage – que l’on espère sans embardée – avec l’élection du président Malam Bacaï Sahna.

« Mambas », ainsi que ses compatriotes appellent affectueusement Malam BacaI Sanha, incarne l’espoir d'une nouvelle Guinée-Bissau. Son parcours académique, étatique et politique donne aussi à espérer. Diplômé en Sciences Politiques, Malam Bacaï Sahna a été gouverneur de la région du Gabou, président de l’Assemblée populaire de la Guinée-Bissau, président de la République par intérim et plusieurs fois ministre. A 62 ans, il accède à la magistrature suprême après deux tentatives infructueuses en 2000 et 2005.

Sa nomination, le président Sahna la perçoit comme une gageure. D’ailleurs, à peine a-t-il été installé officiellement dans ses fonctions qu’il a commencé à poser des actes concrets pour sortir son pays de l’ornière. Par exemple, les fonctionnaires qui pouvaient rester trois mois sans être payés ont reçu leurs salaires du mois d’août avant le 17 septembre. Pour le président Sahna, la faiblesse des revenus des fonctionnaires bissau-guinéens et la pauvreté ont favorisé la corruption et permis aux narcotrafiquants de s’installer dans le pays. Pour combattre les cartels de la drogue, le chef de l’Etat veut d’abord s’attaquer à la pauvreté et aux bas salaires.

Le président Sahna a ainsi fait le pari de l’action. Sa maison située dans le quartier résidentiel de Cupilum de Cima ne désemplit pas. Il fait office de palais de la République parce que le bâtiment officiel est partiellement endommagé par la guerre civile de 1999. Le nouveau chef de l’Etat Bissau-guinéen passe ses journées dans ses dossiers, s’il ne reçoit pas des personnalités du gouvernement, des personnalités étrangères, des hommes d’affaires... C’est dans cette résidence à la blancheur immaculée qu’il nous reçoit. Habillé comme à son habitude en veste saharienne, le nouveau président bissau-guinéen, entouré de ses collaborateurs, nous décline sa feuille de route (…)

Entretien

Vous avez été élu après deux tentatives infructueuses (2000 et 2005). La troisième a été la bonne. Qu’avez-vous ressenti après la proclamation des résultats ?

Malam Bacaï SANHA : J’ai été très honoré avec cette élection. Cela prouve que lors de mes deux dernières tentatives mon message était bien passé. En 2005, tout le monde savait que j’avais gagné les élections, compte tenu de notre mobilisation et de la popularité dont je bénéficiais devant mon peuple et devant la communauté internationale. C’est donc un honneur mais aussi une grande responsabilité pour moi d’être élu par mon peuple. Parce qu’être président de la Guinée-Bissau – un pays qui a de grandes difficultés – ce n’est pas une chose facile. Il ne s’agit pas pour moi de fêter cette élection au moment où les gens ne dorment pas bien, ne mangent pas bien. L’urgence pour nous, c’est de travailler avec le gouvernement pour dépasser toutes les difficultés que nous connaissons aujourd’hui. C’est un honneur, comme je l’ai déjà dit, d’avoir ces responsabilités, mais aussi une gageure.

Lors de votre investiture à la magistrature suprême de votre pays, vous aviez promis de faire des changements. Comment comptez-vous écrire une nouvelle page pour la Guinée-Bissau ?

Nous avons tourné une page et allons en ouvrir une autre. Si vous vous souvenez, ces dix dernières années, la Guinée-Bissau a connu beaucoup de perturbations. Nous avons connu la guerre civile. Malgré tout, nous avions organisé des élections jugées régulières par presque tout le monde, même si ce n’est pas les résultats que l’on attendait. Il y a eu par la suite le coup d’Etat contre Koumba Yala, les assassinats du chef d’Etat-major Tagme Na Wai et du président de la République, Nino Vieira. Il y a eu aussi l’assassinat de deux députés. Tout cela est une page sombre de la Guinée-Bissau. Et c’est cette page que nous voulons tourner. Nous voulons travailler dans le cadre d’un dialogue franc entre Bissau-Guinéens pour trouver un terrain d’entente. Il faut que nous nous entendions sur l’essentiel si nous voulons construire un pays avec un climat de paix et de stabilité durable. Parce que sans la paix et la stabilité, pas de développement. S’il y a un climat de paix, de stabilité et de confiance, nous allons donner de l’espoir aux citoyens, garantir leur sécurité. Il faut que nous travaillions ensemble et c’est cela que nous voulons faire.

La Guinée-Bissau connaît des difficultés aux plans économique, politique et social. Quelles sont les priorités du président Sanha ?

La priorité pour moi, c’est l’installation d’un climat de paix et de stabilité au plan gouvernemental et politique. Et après cela, nous allons nous occuper du développement de notre pays. Nous avons de grands problèmes dans le domaine de la Santé, de l’Education, de la fourniture d’eau potable, de l’électricité, des infrastructures routières… Nous avons de grandes zones rurales qui sont des zones productives, mais complètement coupées du centre du pays. Ce sont-là aussi des priorités auxquelles il faut s’attaquer. Mais l’essentiel, aujourd’hui, pour la Guinée-Bissau, c’est la paix. S’il y a la paix, il y aura la stabilité et nous pourrons aller au développement. Si nous créons un climat de confiance avec la population de la Guinée-Bissau et que nous leur donnions la sécurité et l’espoir, si également nous montrons une autre image du pays, la communauté internationale, les bailleurs de fonds, les investisseurs vont venir nous aider. Parce que personne ne va investir dans un pays où il n’y a pas la paix et la stabilité. La paix, la stabilité et la sécurité publique seront les premiers produits que nous allons vendre.

Vous parlez de paix, de stabilité et de sécurité publique, mais vous avez aussi promis de combattre les narcotrafiquants. Comment allez-vous vous y prendre ?

Vous savez que le narcotrafic n’est pas seulement un phénomène spécifique à la Guinée-Bissau. C’est un problème mondial. Cela s’est accentué chez nous, il est vrai, avec les difficultés que le pays traverse, avec la pauvreté qui s’est installée partout. Nous avons, par exemple, un niveau de salaire très bas. Nous avons toutes les difficultés pour payer les fonctionnaires et cela facilite les tentations pour la corruption. Il faut aussi noter qu’il y a beaucoup de choses que les gens disent sur la drogue en Guinée-Bissau et qui ne collent pas avec la réalité. Les gens parlent souvent sans preuves. Ils mettent en cause des personnalités au sommet de l’Etat, de l’Armée, sans preuves jusqu’à aujourd’hui. Il n’empêche, nous allons travailler pour que le sommet de l’Etat, l’armée et la justice ne soient pas touchés par ce mal.

C’est, en fait, aux autorités de montrer l’exemple. Si tout le monde a les mains propres au niveau de ces institutions, le combat sera facile. Nous nous employons déjà à payer correctement les salaires de nos cadres et à les améliorer plus tard. Nous allons leur fournir aussi des équipements performants. Par exemple, depuis hier (l’entretien a été réalisé le 17 septembre à Bissau : Ndlr), les salaires sont déjà payés. Ce n’était pas le cas ces dernières années. Nous avions des retards de salaires de trois à cinq mois. C’est un bon signe donc et cela veut dire que nous commençons à faire quelque chose. Le gouvernement qui est en place depuis le mois de janvier dernier a fait, malgré la situation, des efforts considérables. La communauté internationale a commencé aussi à nous donner un coup de main. Avec cet appui, nous irons de l’avant.

Vous comptez donc combattre la pauvreté pour pouvoir éradiquer la corruption…

Combattre la pauvreté, moraliser la société, la Fonction publique et les Institutions. Désormais, les choses seront faites de façon transparente. Si nous réussissons à atteindre ces objectifs, nous pourrons gagner notre combat contre les narcotrafiquants. Mais je crois que la situation est différente aujourd’hui. Les gens ne parlent plus de la drogue en Guinée-Bissau comme c’était le cas dans les années 2005 à 2007. Cela veut dire que les nouvelles autorités ont fait beaucoup de choses pour régler cette situation. On ne peut pas dire que nous allons du jour au lendemain régler ce problème qui est international, comme je vous l’ai dit tantôt, mais nous allons tout faire pour le diminuer considérablement.

On voit que vous avez un programme ambitieux. Où est-ce que vous allez trouver les fonds pour financer vos projets ?

Le premier produit que nous allons vendre pour trouver de l’argent, ce sera la paix et la stabilité. Ce sera le climat de confiance que nous allons instaurer pour les Bissau-Guinéens et à l’égard de la communauté internationale. Si l’on gère la chose publique dans la transparence, avec toute la responsabilité qui sied, nous aurons quelques ressources qui pourront nous aider à faire quelque chose. Cela nous permettra au moins de payer les salaires. Maintenant, pour les investissements qui exigent de gros moyens, nous allons demander l’aide de la communauté internationale. Ce sera dans un cadre bilatéral ou multilatéral.

Dans le cadre multilatéral, nous avons l’Union Européenne et la CEDEAO qui est notre premier partenaire au développement sur le continent africain. Nous comptons beaucoup sur la CEDEAO qui a d’ailleurs fait énormément de choses pour la Guinée-Bissau. Nous avons aussi l’UEMOA qui travaille avec nous. Il y a également les pays lusophones avec qui nous sommes liés par la langue, mais aussi par l’histoire. Vous savez que le Brésil est aujourd’hui un grand pays émergent. Il y a aussi l’Angola, un pays avec beaucoup de richesses. Regardez ce pays, avec la paix, il a réussi beaucoup de choses. Le Portugal est notre ancienne puissance coloniale. Avec tous ces pays, nous allons travailler ensemble pour le développement de la coopération économique et dans bien d’autres domaines. Lors des pourparlers pour les accords de paix, tous ces pays s’étaient montrés très préoccupés par la situation en Guinée-Bissau. Ils voulaient voir notre pays sortir de cette situation. Ils nous ont beaucoup encouragés. Nous pensons qu’avec la stabilité, une gestion transparente et honnêteté, nous allons réussir notre mission.

Vous avez aussi promis de faire la lumière sur les assassinats du président Nino Vieira et du général Tagme Na Waï. Qu’est-ce qui a été fait dans ce sens depuis ?

Nous avons déjà fait un pas important. Le gouvernement, en la personne du Premier ministre, a adressé une lettre au secrétaire général de l’ONU pour que la communauté internationale fasse une enquête. On compte aussi sur l’appui de l’Union africaine et de la CEDEAO pour faire la lumière sur ces affaires. On ne peut pas parler de réconciliation nationale, de paix, de stabilité, sans justice, sans la vérité. Il faut la justice et la vérité pour que les gens puissent nous faire confiance. Si l’Etat ne veut pas perdre son autorité, il faut qu’il fasse la lumière sur ces assassinats. On ne peut pas restaurer l’autorité de l’Etat avec la répression, la force des armes, mais avec la stabilité en redonnant la confiance aux citoyens de sorte qu’ils sentent que l’Etat les protège dans leur intégrité physique, familiale et au sein du pays.

La paix, la stabilité, le dialogue social et politique sont donc vos priorités. Est-ce qu’on peut s’attendre alors à un gouvernement élargi aux opposants et aux membres de la société civile ?

Nous allons voir comment gouverner avec tout le monde, rassembler toutes les compétences nationales pour que la Guinée-Bissau sorte de cette situation difficile dans laquelle elle se trouve. Nous ferons appel à toutes les compétences au-delà des cadres du PAIGC (le parti au pouvoir : Ndlr). Il faut que nous sortions du cadre isolé du PAIGC. Nous allons mettre à contribution toutes les capacités, toutes les énergies, toutes les compétences, toutes les ressources pour qu’ensemble nous puissions redresser ce pays.

Mais il faut savoir que ce n’est pas seulement dans le cadre d’un gouvernement que le citoyen peut donner sa contribution. Il y a plusieurs manières de participer au développement de son pays. Par exemple, dans le cadre d’un dialogue national, chacun peut donner son opinion. Nous pensons, en effet, organiser un cadre de dialogue national pour faire un diagnostic général de la situation de la Guinée-Bissau. Les gens pourront y faire des propositions concrètes pour le développement du pays en initiant des projets dans différents secteurs. Tout cela, pour le citoyen, s’inscrit dans le cadre d’une démarche participative au développement de son pays. C’est très important. Il va pouvoir participer aux prises de décision, donner son point de vue et, ainsi, contribuer activement à l’essor de son pays.

Que comptez-vous faire pour renforcer les institutions ?

J’ai déjà parlé de la capacité d’intervention du gouvernement. Cela passe par quoi ? Par la qualification des cadres, la modernisation de l’équipement de l’administration… Aujourd’hui, on travaille plus facilement avec l’Informatique et l’Internet. Il faut informatiser toute l’administration pour la rendre moderne. C’est comme cela que nous pourrons avoir la capacité pour répondre aux exigences des citoyens et du développement. Ceux qui voudraient venir investir en Guinée-Bissau doivent savoir que nous allons moderniser notre administration publique – nous l’avons dit dans notre discours – à travers la remise à niveau de nos cadres de par leur promotion et leur qualification, des moyens techniques et scientifiques modernes que nous entendons mettre en place. C’est comme cela que nous pensons mener ce peuple martyrisé, au progrès et au développement.

Donc, les Bissau-Guinéens ont des raisons d’espérer…

Nous pensons que ce pays est viable. Nous étions arrivés à un moment où beaucoup de gens pensaient le contraire. Ils étaient fatigués, avaient perdu la patience en se disant que c’est fini. Ils avaient fini par s’accommoder des difficultés que nous vivions. Nous avons dit non. Rien n’est perdu. Premièrement, la nature nous a tout donné. Avec une des meilleures situations pluviométriques dans la sous-région, de bonnes conditions naturelles et des terres très fertiles. En Guinée-Bissau, nous n’utilisons presque pas de fertilisants pour la terre. Nous avons de l’eau. Il y a des bassins de rétention d’eau partout. Si nous voulons développer l’agriculture d’irrigation, nous n’aurons pas de problèmes. Parce que nous n’aurons pas besoin de pompes pour aller chercher l’eau dans la nappe. Ici, nous avons l’eau en surface. Pour la riziculture, par exemple, les conditions sont réunies. Nous avons aussi l’une des zones maritimes les plus riches de la sous-région. Donc, il faut qu’on la modernise, que l’on forme les cadres à cet effet, que l’on crée notre flotte de pêche, que l’on modernise notre capacité de contrôle de notre frontière maritime et de notre zone maritime exclusive.

Cela demande des cadres bien formés et des moyens… Il y a aussi la nécessité de créer des infrastructures à terre pour conserver le poisson et les autres produits halieutiques pour l’exportation. Et cela va contribuer à la création de nombreux emplois. Dans le domaine agricole – j’allais occulter un point très important qui est la culture de la noix d’acajou – cette année, nous avons exporté près de 140 000 tonnes. Mais nous l’exportons brut. Maintenant, nous commençons à penser à de petites unités de transformation. Ce qui va nous donner de la valeur ajoutée et la possibilité d’emplois pour les jeunes et les femmes qui sont très habiles dans la transformation de la noix d’acajou.

Quelle est la place des jeunes et des femmes dans votre programme ?

Les jeunes en Guinée-Bissau représentent presque 60% de la population. Nous ne pouvons pas penser au développement de la Guinée-Bissau sans les jeunes. Il faut leur donner une éducation, une formation technique et professionnelle et un emploi. C’est la solution pour le développement de notre société. Quant aux femmes, elles ne sont pas seulement nos mères, nos épouses, mais de véritables moteurs de développement. Leur contribution dans les domaines de la formation et de l’éducation est énorme. Il faut leur donner la possibilité d’accéder à des postes de responsabilité. Naguère en Afrique, la femme n’était que ministre de la Santé, de la Famille ou de la Solidarité. Pourquoi on n’en ferait pas un ministre des Travaux publics ou des Mines, si elle en a les capacités ? C’est petit à petit que nous allons réaliser tout cela. Si nous arrivons à avoir deux mandats consécutifs comme le prévoit la Constitution, nous ferons tout pour laisser des réalisations concrètes à celui qui viendra après nous.

Dans votre discours d’investiture, vous avez parlé de la mise en place d’un Conseil Consultatif Traditionnel. Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela veut dire que nous pourrons entendre les gens qui sont « en bas ». Nous avons un pouvoir traditionnel qui est plus ancien que nos Etats. Les puissances coloniales et impérialistes ont trouvé ici nos pouvoirs traditionnels et elles les ont affaiblis. Nous voulons leur donner un nouveau rôle, dans notre société. Il faut écouter les chefs traditionnels. Je disais à un de mes camarades qu’ils sont des présidents de la République en miniature. Parce qu’ils ont un territoire qu’ils contrôlent et ils gèrent des populations. Il faut donc les écouter parce qu’ils ont les mêmes problèmes qu’un président de la République. Pour mieux gérer le pays, nous allons consulter et écouter le pouvoir traditionnel et toutes les composantes de la société ainsi que les chefs religieux, les syndicats, les associations professionnelles, la société civile… Nous allons donner un espace à tous les secteurs de notre pays. Il faut que tout le monde s’exprime, dise ce qu’il pense et fasse des propositions.

Que pensez-vous de la mise en place d’un gouvernement continental ?

Nous avons libéré notre pays par la lutte armée, grâce à la détermination et la bravoure de notre peuple. Mais aussi grâce à la solidarité africaine. La vérité est que l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), à cette époque, a joué un rôle important pour la libération et l’émancipation de notre continent. Aujourd’hui, nous pensons que dans la même mesure l’Union Africaine doit jouer un grand rôle pour la promotion et le développement de notre continent. La Guinée-Bissau compte seulement 1 500 000 habitants. Pour le monde d’aujourd’hui, cela n’est rien. Qui va venir aujourd’hui investir pour 1 500 000 habitants ? Personne. Il nous faut un espace plus vaste comme le continent africain.

Nous sommes pauvres, mais tout le monde n’est pas au même niveau. Vous avez l’Afrique du Sud qui est un pays développé, le Nigeria, l’Algérie, le Maroc, l’Angola, le Kenya, la Libye, l’Egypte… Si nous sommes déterminés à aller dans le même sens, à chercher ensemble des ressources pour le continent, nous allons les trouver facilement. La mise en place d’un gouvernement continental a donc une importance particulière pour les Africains. Il est vrai, ce n’est pas facile que tout le monde comprenne cela. D’aucuns disent qu’ils vont perdre leur souveraineté. Mais aujourd’hui les souverainetés ne comptent pour rien. Parce que la science et la technique ont dépassé tout cela. La preuve, nous sommes en train de discuter mais demain, si vous le voulez, ce sont les Américains, les Japonais… qui verront cela. Avec l’Internet, le savoir n’a plus de frontières. Maintenant, les gens peuvent prendre des images ou des tranches de votre émission sans autorisation. Il faut que tout le monde en profite. Je crois que les Etats-Unis d’Afrique sont plus que nécessaires.

Vous dites que la Guinée-Bissau est un petit pays. Mais vu sa position stratégique dans la sous-région, c’est un pays important. Quel rôle peut-il jouer aujourd’hui pour régler définitivement le problème de la rébellion en Casamance ?

Le problème casamançais n’est pas un problème sénégalais. C’est un problème de la sous-région. S’il n’y a pas de paix en Casamance, les gens en Guinée-Bissau en souffriront beaucoup. Quand il y a eu la lutte de libération nationale, les populations sénégalaises en avaient beaucoup souffert. Tout comme la Guinée. S’il n’y a pas de paix en Casamance, il n’y en aura pas en partie dans notre pays. Il faut aussi que les gens sachent ce qu’ils veulent. Les puissances coloniales ont coupé le continent en petits morceaux. Si maintenant on veut encore diviser nos pays en marché de 750 000 habitants, vous voyez la suite. Pour réaliser les Etats-Unis d’Afrique, il faut cesser de penser à faire de petits Etats, deS micro Etats, des Etats satellites, cela n’a aucun sens. C’est pourquoi, nous pensons qu’il faut éliminer tous les petits conflits dans notre sous-région. Nous sommes préoccupés par ce qui se passe en Casamance, en Guinée et partout en Afrique où il y a des conflits. Il faut que tout le monde s’implique, pour trouver une solution définitive à ces tiraillements.

Pensez-vous que votre message sera entendu ?

Tout le monde doit jouer son rôle. Je vous remercie d’ailleurs pour l’opportunité que vous m’avez donnée. Je crois que cela est aussi très important : il faut que les Africains fassent passer l’information, donnent une nouvelle image de l’Afrique, c’est votre rôle en tant que journalistes, professionnels de communication. Il faut vendre une bonne image de l’Afrique et non pas, seulement, le choléra, la famine ou les guerres. Nous avons aussi de bonnes choses et de bonnes idées dans ce continent. Je crois que l’Afrique peut se développer. Je suis un afro-optimiste.

* Amadou Diouf et Ambroise Mendy sont des journalistes – Cet entretien est reproduit avec l’autorisation du journal «Première ligne».

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