Les impacts économiques et sociaux des industries extractives
Parler des industries extractives en Afrique de l’Ouest est un exercice assez difficile et délicat. Difficile dans la mesure où plusieurs étapes ont ponctué l’extraction minière en Afrique de l’Ouest. Pour cette raison, plusieurs lois et règlements ont été adoptés pour harmoniser / réglementer l’extraction minière. Tantôt les lois ont été dissuasives, tantôt elles ont été laxistes, tantôt elles sont dites attractives. Parfois il n’y avait même pas de lois et il a fallu en «fabriquer» pour faire face aux urgences du moment. C’est donc dire qu’à certains moments, la loi a été antérieure et /ou postérieure à l’implantation de l’industrie extractive. Cela induit du coup une diversité d’avantages et d’inconvénients.
En raison du fait que les mines ne sont pas ouvertes en même temps et que les méthodes extractives diffèrent, chaque pays voulant se monter plus attractif que l’autre, il s’en est suivi une diversité de textes sur l’industrie extractive, parfois au détriment même des codes miniers. Pour cette raison, les conséquences et impacts des industries extractives se mesurent selon les pays.
Le fait est important parce que depuis quelques décennies les industries extractives sont en train de prendre un essor fulgurant, pour devenir le principal pourvoyeur de fonds des budgets de nos Etats. Si autrefois la majorité des revenus budgétaires de nos Etats provenaient du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche), actuellement la tendance est renversée. Nos pays sont confrontés à plusieurs difficultés et contraintes internes et externes qui freinent l’impulsion du secteur primaire.
Les revenus autrefois provenant du secteur primaire sont en train d’être substitués par ceux tirés de l’industrie extractive et autres formes d’extractions. Or il n’est un secret pour personnes que l’industrie extractive s’adosse à d’énormes intérêts, notamment financiers, à ramifications multiples. Pour cette raison, dans nos pays, selon les humeurs des gouvernants, l’implantation des industries extractives passe par des tractations, des négociations, des entrevus, des démarches qui ne sont pas toujours transparentes, connues des administrations à plus forte raison des populations.
Avec les revenus immenses tirés ou attendus des industries extractives, les attentes des populations sont énormes vis-à-vis des gouvernants. Malheureusement, l’implantation des industries extractives semble une « malédiction » pour nos pays en général et pour les zones d’implantation des mines de façon spécifique.
Le constat est sombre : les populations des zones minières souffrent ; elles ont faim et soif. La faune et la flore sont décimées. L’environnement est laminé (le paysage lunaire fait son apparition et s’installe). Les us et coutumes sont transgressés. La pauvreté et la misère deviennent endémiques. Les maladies et les perversions deviennent monnaie courante. Bref, l’avenir devient hypothéqué dans les zones d’implantation des industries d’extractives. Après l’industrie extractive, c’est le désarroi total.
Alors, les questions fondamentales qui se posent sont les suivantes :
- Sur quelles bases, critères et conditions, les grandes compagnies minières sont-elles autorisées à s’implanter chez nous ?
- Quels sont les impacts réels de l’implantation des industries minières chez nous ?
- Quels sont les avantages que nos populations, nous gouvernements tirent réellement de l’implantation des industries minières dans nos pays ? autrement dit à qui profite réellement l’implantation des industries extractives chez nous ?
Quelles sont les dispositions prises après le départ des compagnies d’industries extractives ? etc.
Autant de questions qui viennent renforcer l’aspect délicat/ critique de notre thème. Car dans les réponses à chacune des questions se trouvent partout. Elles se trouvent auprès des compagnies d’industries extractives, des institutions internationales et nationales, de nos populations, de nos cadres, de nos responsables, de nos gouvernants.
1 - Rappels sommaires du contexte des industries extractives en Afrique de l’Ouest, spécifiquement au Mali
Pour un rappel, il est bon de savoir que l’extraction minière ne date pas que du 20e siècle en Afrique de l’Ouest. En effet, l’extraction minière a été de tout temps pratiquée partout en Afrique de l’Ouest sous ses différentes formes traditionnelles. C’est ainsi que depuis l’empire du Ghana / Ouagadou (6e ou 7ecsiècle) qui couvrait une partie de l’actuel Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, les écrits anciens parlent déjà à cette époque des parures et attributs en or des souverains. En Côte d’Ivoire et au Ghana, les parures en or des Ashantis et de l’impératrice Pokou des Baoulés, prouvent que ses peuples connaissaient l’or. En Guinée, au Mali, au Sénégal, couvrant l’ancien empire manding, les exploits de l’empereur Kankou Moussa ont montré que la localité était prospère en or. Il en était de même quand à l’usage de l’or au niveau de l’empire Songhoi ( Mali, Niger, Nigeria, Bénin etc) et du Royaume Mossi du Yatenga.
C’est donc dire que partout en Afrique de l’Ouest, il existait une forte tradition d’orpaillage traditionnel. C’est avec l’invasion coloniale et l’implantation des comptoirs que datent les ambrions de compagnies minières chez nous. Donc, on peut dire que c’est avec l’histoire de la colonisation qu’est apparue, en Afrique de l’Ouest, l’extraction minière sous sa forme industrielle telle que nous la connaissons de nos jours. Elle a débuté dans les pays anglophones, notamment au Ghana, avec l’or du pays ashanti. Dans les pays francophones elle a débuté en Guinée par le fer puis plus tard avec la bauxite.
Après un temps d’accalmie, entre 1960 et 1990, nous assistons, depuis quelques décennies, à la croissance exponentielle des industries extractives dans la sous région ouest-africaine. Pratiquement, aujourd’hui en Afrique de l’Ouest, il n’existe aucun pays qui ne dispose de son industrie extractive.
Par exemple, au Mali, entre 1994 et 2007, environ 150 permis d’exploitations ont été délivrés aux compagnies nationales et étrangère, plus de 25 autorisations d’exploitation ont été délivrées, plus de 200 permis de recherche ont été délivrées. Dans les conditions normales, cette croissance en nombre devrait être parallèle à celle du développement de nos Etats et de nos populations, notamment celles qui se trouvent dans les zones d’emprise des industries extractives.
La production d’or du Mali est passée de moins d’une tonne vers les années 1980 à plus de 50 tonnes vers les années 2007. Les recettes perçues de l’exploitation minière sont passées de moins de 10 milliards en 1995 a plus de 300 milliards en 2007. La part des recettes minières dans le montant total des recettes budgétaires est passée de moins de 1 % vers 1989 à 3% en 1993, puis à presque 18 % en 2007. Pour le cas du Mali, l’or a pratiquement remplacé le coton et cela est quasiment similaire dans tous nos pays de la sous-région. C’est donc dire que la part des recettes de l’exploitation industrielle est en train de remplacer celles des cultures de rente dans nos Etats.
Paradoxalement, le développement de nos Etats ne semble point refléter les quantités d’argent perçues. Du coup, on est en droit de se poser la question de savoir pourquoi l’industrie extractive ? Tenter de répondre à cette question revient à essayer de faire ressortir les impacts des industries extractives pour nos pays. Par exemple tout le monde au Mali se pose la question de savoir : «Que gagnons nous dans cette affaire d’or ?»
L’une des premières réponses est que, selon une petite enquête, ce sont les mêmes compagnies provenant de certains pays qui se retrouvent partout sous divers noms selon les zones d’extraction. Pour éviter de se faire découvrir, les compagnies ont trouvé le subterfuge de donner le nom du lieu de découverte du minerai ou de quelque chose d’important du pays à la société d’exploitation là ou elle est implantée. Ainsi, la même compagnie peut se retrouver sur toute l’étendue d’un même territoire à l’insu des profanes en la matière.
La plupart des compagnies qui évoluent dans la sous région ouest-africaine sont les mêmes. Elles utilisent toutes les combinaisons possibles, d’un pays à l’autre. La plupart des compagnies qui évoluent dans notre sous-région sont originaires des pays suivants : Afrique du Sud, France, Etats Unis, Canada, Angleterre (avec l’Afrique du Sud, les Etats Unis ou le Canada interposés), la Russie, l’Australie, la Suisse, la Corée du Sud, la Chine.
Il ne faut point occulter le fait que les compagnies sont adossées à de véritables réseaux bancaires, dont les ramifications se retrouvent partout dans nos pays et jusque dans le tréfonds des institutions internationales.
2 - Impacts économiques des industries extractives en Afrique de l’Ouest et spécifiquement au Mali
L’industrie extractive a des impacts, et non des moindres, sur les économies de nos pays. Ses impacts se font ressentir et sont perceptibles à plusieurs niveaux, dont les revenus, les emplois, l’expropriation des populations, les déplacements des populations, la santé, l’environnement, l’éducation, la culture, le cadre de vie de façon générale.
Impacts (économiques) sur les revenus
En matières d’mpacts sur les revenus, l’extraction industrielle révèle des aspects à la fois positifs et négatifs qu’il faut savoir percevoir et comprendre. D’abord, il est important de savoir que les revenus tirés de l’exploitation industrielle proviennent :
- des recettes perçues au moment de la constitution compagnies
- des recettes perçues au moment de la délivrance des divers permis, autorisations d’exploration et d’exploitation
- des recettes douanières lorsque la durée de vie de la compagnie s’allonge au delà de 03 a 05 ans
- des recettes perçues comme prise de part de nos états dans le capital des compagnies 18 % maximum sur injonction de la Banque Mondiale
- des impôts et taxes perçues sur les salaires et émoluments des travailleurs nationaux
- de certaines taxes pour la formation professionnelle
- de la TVA pour certains produits achetés généralement sur le marché national, etc.
Par contre, il y a de sérieux manques à gagner de la part de nos Etats en raison des exonérations totales ou partielles, temporaires ou permanentes. Ses aspects concernent :
- les impôts fonciers généralement sur au moins 3 ans
- les impôts sur les bénéfices Industriels et commerciaux sur entre 5 et 10 ans
- les impôts sur les revenus des valeurs mobilières, durant toute la durée de la convention
- les contributions des patentes sur 3 à 5 ans
- les taxes sur les véhicules automobiles : 3 à 5 ans
- la taxe sur les biens de mains morte : 3 à 5 ans
- les taxes sur les prestations de service : 3 à 5 ans
- les droits d’enregistrement, à la phase de recherche a généralement : 3 à 5 ans de l’année de production
- les droits de timbre : 3 à 5 ans
- les taxes d’assurance : 3 à 5 ans
- les acomptes sur divers impôts et taxes : 3 à 5 ans
- les droits de douanes sur les équipements de production : 3 à 5 ans, à partir de leur date d’acquisition
- les droits fiscaux à l’importation : 3 à 5 ans
- les divers prélèvements communautaires : 3 à 5 ans
- la TVA : 3 à 5 ans à l’importation
- la TVA à l’exportation : 3 à 5 ans
- les impôts et taxes pour admission temporaire du matériel et équipements : 3 à 5 ans
- l’amortissement fiscal des frais de recherche et développement : souvent prévu sur 10 ans
- le coût de restauration du site : souvent laissé au bon vouloir de la compagnie – même si un taux est prévu .
- les incitations au réinvestissement : peuvent atteindre 27 à 30 % de la valeur du carreau de la mine généralement il peut aller jusqu’à 50 % du bénéfice net sous forme de provision d’un fond de reconstitution de gisement
- l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux : généralement les compagnies négocient cette exonération selon les conventions.
Compris dans ce sens, on peut valablement avancer que les manques à gagner, en termes de revenus, sont de loin supérieurs au gain de nos Etats. En effet, les différentes exonération peuvent constituer jusqu'à 60 à 70 % des revenus tirés de l’exploitation minière durant les trois premières années de l’exploitation industrielle.
En termes de revenu, les exploitations industrielles, notamment les compagnies minières, redistribuent des revenus énormes par an dans nos pays. Par exemple la mine d’or de Sadiola, au Mali, a versé en 1998 :
- environ 2 milliards de FCFA comme taxes d’INPS sous forme de part
patronale à l’emploi
- environ 1 milliard de FCFA comme taxe de contribution a la formation de
l’employé
- plus de é2 milliards de FCFA comme IGR sur les salaires
- presque 5 milliards de FCFA comme total des taxes sur les salaires
- la mine de Sadiola, à elle seule, a contribué pour presque 18 milliards comme
redistribution ou reversement directs à l’économie nationale.
En plus de ces reversements officiels, les industries extractives contribuent, au niveau de leurs localités, sous formes d’apports, en termes de construction des écoles, routes, ponts, centre de santé, achats de médicaments, d’équipements sanitaires, etc
Les industries extractives contribuent sans conteste à l’essor de redistribution de revenus dans nos pays. Cependant le gros problème réside dans :
- la non création d’activités pérennes permettant aux populations de survivre après l’industrie extractive ;
- le non investissement dans des actions productives pérennes capables de permettre aux populations de gagner des revenus décents durant la phase d’exploitation ;
- généralement le non recrutement des populations autochtones parmi les travailleurs permanents des industries extractives ;
- le déguerpissement des populations de leurs lieux de survie habituelle pour les affecter ans des milieux souvent inadaptés voire hostiles ;
- le fait que généralement les pertes des populations sont calculées sur l’immédiat, tandis qu’elles vont s’étendre désormais pour l’éternité à partir de l’après industrie ;
- les manques à gagner des générations futures qui ne sont ni calculées, ni pris en compte dans les gains à percevoir durant la phase d’implantation et d’exploitation des industries extractives. Même quand cela est imposé par les institutions internationales, comme ce fut le cas avec le pétrole du Tchad, nos gouvernants sont les premiers à transgresser, à fouler au pied de telles dispositions )
Impacts (économiques) sur les emplois
En terme d’emplois, les industries extractives créent plusieurs formes d’emplois. On retrouve :
- les emplois directs permanents ou temporaires sur les sites et rémunérés par les compagnies ;
- les emplois indirects sous formes de prestations de services offerts à l’industrie extractive par des opérateurs privés ;
- la création/ implantation de plusieurs prestataires de services qui peuvent être formels ou informels, dans la mesure où la mine entraîne un très fort déplacement des populations et de nouveaux besoins.
- l’implantation des infrastructures et administrations qui accompagne l’industrie extractive et que l’Etat lui-même est obligé et qui crée des emplois permanents.
Cependant, l’analyse de l’impact des industries extractives en termes d’emplois devrait se faire en rapport avec les populations autochtones. Là, on se rend à l’évidence que :
- 97 % du personnel pris en charge par l’industrie extractive provient d’autres contrées ;
- plus 60 % du personnel est non originaire du pays/ de la localité d’implantation de l’industrie extractive ;
- moins de 10 % du personnel sont composé de femmes. Et quand les femmes sont embauchées, c’est pour occuper des postes de sous emploi, secrétaires, cuisinières, employées de maison, etc. A titre d’exemple, pour toutes les mines d’or du Mali, et jusqu’en 2003, il n’ y avait qu’une seule femme employée en qualité d’ingénieur. D’ailleurs, son salaire était de loin inférieur a celui de ses collègues hommes. Pourtant plusieurs femmes sortent chaque année de la célèbre école des ingénieurs du Mali !
- Avec l’industrie extractive, les emplois habituels de survie (agriculture, élevage, pêche, chasse, etc) sont perdus par les autochtones, sans en créer d’autres pour elles en contre partie. La perte est sèche et très sèche alors.
Impacts (économiques) en termes d’expropriation
Dans nos pays, l’Etat est le propriétaire de la terre. Pour cette raison, il en attribue l’usufruit à qui de droit selon les circonstances et dans des conditions qu’il détermine.
Malgré le fait que nos gouvernements soient signataires des diverses conventions, concernant les droits des hommes et des populations, malgré l’existence de lois dans nos pays en matière de protection des hommes et de leurs biens, malgré l’existence de lois et coutumes dans nos villes et villages, malgré la signature des divers accords sur l’environnement, malgré nos Constitutions, etc., nos gouvernements procèdent à l’expropriation souvent forcée des détenteurs des lieux. Plusieurs conflits naissent suites aux méthodes et procédures d’expropriation, notamment à cause de l’excès de zèle de la part de nos cadres et autorités chargés de la mise en application des résolutions en la matière.
Dans certains cas, malgré les dispositions prises par les compagnies, l’appât du gain aidant, les mesures d’expropriations se font avec assez de discriminations. Par exemple, à Sadiola, lors du recensement pour l’expropriation, les veuves concessionnaires sans maris avaient été sciemment exclues du lot. De tels cas sont fréquents.
Impacts (économiques) en matière de déplacement des populations
Quand le besoin se fait sentir, les populations sont déplacées et/ déguerpies, selon les cas sans dédommagements convenables. D’ailleurs, dans la majorité des cas, les populations ne sont informées ou impliquées qu’au moment de l’installation des compagnies : les études sont menées à leur insu, les contrats son signés à leur insu et les autorisations sont données à leur insu. Ce n’est que quelque temps avant l’implantation de la compagnie qu’il leur est proposé de nouveaux sites de recasement, des indemnités pour leurs habitats, champs, pâturages, etc.
Alors, au risque de tout perdre, les populations sont parfois obligées d’accepter les propositions faites. Par exemples, dans la commune de Sadiola, quarante-trois villages ont été directement concernés par les déplacements liés à l’implantation de la mine. A Fourou, pour les mines d’or de Syama, cent vingt et un villages étaient concernés, soit environ 200 000 habitants.
Généralement, les promesses faites aux populations ne sont pas toutes tenues. Des écoles promises ne sont pas construites ou mal construites ; les habitats promis ne respectent pas les données climatologiques de la localité ; il n’y a pas d’adduction d’eau potable ou leur nombre est insuffisant ; le centre de santé promis ne répond pas aux normes ; les terres de cultures perdues ne sont pas récupérées ailleurs ; les zones cultivables ne sont pas aménagées, etc.
Le déplacement et le recasement des populations reste un véritable casse-tête au moment des implantations des industries extractives. Ils sont source de conflits et de frustrations de tous ordres. Malheureusement, nos autorités et cadres affectés pour la cause sont à la fois laxistes et corruptibles ce qui ne facilite point encore une certaine équité de la chose.
3 - Impacts social des industries extractives en Afrique de l’Ouest et spécifiquement au Mali
Sur le plan social, l’industrie extractive a des impacts non des moindres au plan social sur les populations.
Impacts sociaux sur la santé
En implantant leurs sociétés extractives, généralement les compagnies implantent des centres de santé à l’intention des populations riveraines. Il arrive aussi que sur demande des autorités locales, l’industrie extractive apporte, de temps à autres, son concours au centre de santé de la localité sous forme de donations en ambulances, médicaments, appareils médicaux, moustiquaires imprégnées produits lors des vaccinations généralisées, etc. Mais, généralement, ces centres sont sous équipés et offrent tout juste le minimum de services tandis qu’a l’intérieur de la compagnie l’hôpital dispose d’un plateau technique qui n’a rien à envier aux grandes structures modernes de l’occident.
Lors d’une de nos visites à Sadiola et à Syama, les médecins étaient très fiers de nous dire que leurs matériels étaient si performants, qu’il leur était possible d’effectuer des opérations à cœur ouvert. C’est donc dire jusqu’où peut aller la perfectionnement des hôpitaux des industries extractives. Pendant la même période les centres de santé de Syama et de Sadiola manquaient cruellement de médicaments essentiels.
Avec les industries extractives, certaines maladies autrefois méconnues des populations prolifèrent de façon exponentielle. Par exemple, avec les cas des mines d’or, nous avons assisté au une augmentation vertigineuse des cas d’IST et MST, de VIH /sida, de maladies pulmonaires, de maladies diarrhéiques, d’avortements, etc.
Impacts sociaux sur l’éducation
L’ouverture des industries extractives avec le déplacement des populations, est accompagnée de construction d’infrastructures scolaires. Les autorités locales peuvent aussi, dans le cadre de leurs programmes de développement local, solliciter l’appui de l’industrie pour la construction de salles de classes dans plusieurs localités. Ce fut le cas à Sikasso, par exemple.
Généralement des écoles modernes et équipées sont construites. Les industries extractives aident, dans la majorité des cas, ne serait ce que les premières années, à la prise en charge de certains frais. Par exemple à Sadiola et à Syama, la mine a assuré la prise en charge des salaires de certains enseignants sur plusieurs années, procédé chaque années à l’achat de fournitures scolaires et de matériels didactiques à l’intention des élèves et des enseignants, assuré l’électrification solaire des salles de classe pour permettre aux élèves de réviser durant les nuits, octroyé des moyens de déplacement durant les fins d’années pour acheminer les élèves sur les lieux d’examen
Dans les conditions normales l’ouverture des industries extractives devrait accroître les taux de scolarisation et de fréquentation scolaire. Dans la réalité l’ouverture d’industries extractives entraîne le phénomène contraire. En effet, la cherté de la vie accompagnant l’implantation des mines, les parents déscolarisent leurs jeunes garçons pour essayer de les faire embaucher auprès de la compagnie. N’ayant pas un niveau scolaire, les enfants déscolarisés de façon précoce vont plus tard augmenter le lot des sans emplois après la fermeture de l’industrie extractive. Les jeunes filles sont enlevées de l’école par leurs parents pour en faire soit des bonnes chez les travailleurs de l’industrie extractive, soit des aides de leurs parents. A la longue il s’en suit des grossesses non désirées, des MST, IST et autres maladies.
A la longue, on se rend finalement à l’évidence que ce sont les enfants des travailleurs de l’industrie extractive ou d’autres travailleurs arrivés avec l’industrie qui parviennent à étudier convenablement. Après la fermeture de l’industrie extractive, les populations locales se retrouvent avec des salles de classes dépeuplées et des infrastructures dont l’entretien exige des montants hors de leur portée. Les industries extractives sont un problème pour la réussite scolaire des enfants des localités d’extraction. Quand arrive l’après industrie extractive, les localités font l’objet de désolation en terme de personnes humaines, en terme de niveaux scolaires pas du tout élevés chez les garçons, à plus forte raison chez les jeunes filles.
Impacts sur les us et coutumes
L’ouverture d’une industrie extractive est très souvent accompagnée d’une forte concentration de populations venant d’horizons divers. Du coup des personnes, avec des diversités culturelles, des croyances différentes, des traditions, us et coutumes totalement opposés sont contraintes de tout partager.
Généralement, dans les localités d’implantation des industries extractives certaines attitudes s’installent. Ce sont la prostitution, la prolifération des bars, débits de boissons et des maisons closes, la prolifération de la délinquance juvénile, des vols, des violences et autres effets pervers sociaux, le coût de l’habitat qui devient élevé, la cherté de la vie qui s’installe, etc.
L’industrie extractive peut être qualifiée de monstre de la transformation sociale négative. Mais elle n’est pas totalement négative pour les populations. Elle s’accompagne aussi de l’entrée des progrès scientifiques et techniques permettant d’accroître les commodités de vie des populations. Par exemple l’implantation des compagnies minières a accéléré l’accès des localités de Sadiola et de Fourou aux NTIC et à leurs accessoires, au système bancaire et financier, à l’accroissement du transport routier, etc
Impacts sur la quiétude sociale et les foyers
Généralement les statistiques ne sont pas toujours disponibles dans ce domaine. Cependant, il nous a été donné de remarquer qu’avec l’implantation des industries extractives la quiétude sociale est perturbée. Au niveau des foyers, il y a une instabilité liée au déséquilibre éducationnel, affectif due à l’absence prolongée de l’un des conjoints. Les vertus cardinales du mariage et de l’éducation des enfants sont foulées au pied. La seule chose qui compte est la force de l’argent. Tout est fait en se disant qu’un jour ou l’autre « je m’en irai d’ici à la fin de mon contrat »
Les divorces sont fréquents, les pères alcooliques ou ivrognes deviennent nombreux. L’infidélité s’installe à cause de la puissance de l’argent. Certains comportements ne deviennent plus répréhensibles, moralement et socialement proscrits, honteux. L’argent devient le moteur de la vie sociale. Travailler au sein de l’industrie extractive devient une sorte de privilège qui place certains hommes au-dessus d’autres. Les valeurs sociales et morales disparaissent.
4 - Conclusion
Si les industries extractives sont des sources de revenus pour nos gouvernants, qu’elles font beaucoup, elles peuvent faire davantage. C’est pourquoi la nécessité d’un contrôle citoyen s’impose sur l’usage et la destination des revenus générés par les industries extractives. Un dialogue croisé, c'est-à-dire la communication, l’information sont indispensables afin de permettre aux populations victimes de bénéficier des retombées de la dégradation de leur cadre de vie.
Certaines dispositions sous forme de cadre de concertation des pays de l’Afrique de l’Ouest permettront à nos Etats de faire face à la puissance des compagnies minières. Plusieurs voies, méthodes et moyens dont la presse sont nécessaires pour arrêter la gabegie actuelle de nos richesses nationales en commençant par celles extractives. Les compagnies sont unies pour extraire nos richesses c’est unis aussi que nous sauront tirer profit de notre sol et sous sol.
* Moussa K. Traoré est consultant économiste-financier malien - Bureau d’Expertise en Management
et Conseils en Entreprise
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