L’Afrique au G20 : Pas besoin de charité, mais de justice sociale

La récession mondiale et l'échec des mécanismes classiques de régulation mondiale sont, pour les États les plus puissants du système mondial, l’énième occasion leur permettant de s'arroger le monopole de la réforme du capitalisme moribond et de la coordination d'une gouvernance mondiale. La cooptation des pays émergents, qui sont à la rescousse du noyau anémié du capitalisme mondial, n'augure rien de bon pour le continent africain dont le rôle est d’être à la remorque de réformes qui n'ont fait, à ce jour, qu'aggraver sa crise.

Le G20 est un regroupement anti-démocratique pour réguler l'ordre mondial et il perpétue les errements élitistes qui ont gangréné le vingtième siècle. Il est d'abord issu de la volonté d'imposer le post-consensus de Washington et de remédier à la crise asiatique de la fin des années 1990. Dans le contexte actuel de crise frappant les pays les plus vulnérables d'Europe, d'Asie et d'Afrique, le G20 ne peut prétendre qu'à une fonction de gestion superficielle de la crise globale d'un mode de production et de consommation prédateur du capitalisme mondial.

Les décisions prises contre les dérèglements de la finance lors du sommet du G20 de Pittsburgh (1) ont certes permis de reconnaître, à leur corps défendant, que les pays capitalistes ne pouvaient plus laisser impunément les forces débridées du marché hypothéquer l'avenir de l'humanité. En tentant d'élargir la marge de manœuvre des États, tout en venant à la rescousse de forces qui ont pourtant concouru à la crise économique mondiale (les institutions de Bretton Woods, les transnationales financières et techno-industrielles), les tenants du G20 revigorent néanmoins les responsables de la crise, annihilent des décennies d'efforts de développement, accroissent le chômage et reportent les conséquences les plus néfastes sur les peuples les plus vulnérables, tout en hypothéquant nos services publics, nos programmes sociaux et l'environnement.

Le discours ambiant laisse croire, en Europe, que la crise touchant la Grèce hypothèque l'euro et l'Union européenne. Ne représentant qu’1,2% du PIB de l'Union européenne et 3,6% de sa dette, la Grèce, comme d'ailleurs le Portugal, l'Irlande ou l'Italie sont, en réalité, les maillons faibles et les victimes d’un bras de fer entre les spéculateurs financiers et boursiers misant sur le dollar contre les autres monnaies, dont l'euro et le yuan.

L’économie étasunienne, axée sur la surconsommation et la guerre, a abusé de la planche à billets en gonflant artificiellement sa monnaie face à ses partenaires-concurrents plus productifs. Alors que l’ordre international devrait résolument opter pour une monnaie mondiale (style Bankor) qui reflèterait équitablement la réalité économique et financière des paniers de devises de notre ère, le G20 persiste, d’une part, à ancrer le dollar comme monnaie de réserve et s’entête, d’autre part, à réguler l’ordre mondial avec des recettes éculées de l'hégémonie obsessive de la croissance et du marché néolibéral.

L'Afrique paye et payera au prix fort les conséquences environnementales du réchauffement global des pays du G20. Ceci est injuste. Par ailleurs on entend souvent dire que l’Afrique est marginalement intégrée à l'économie mondiale, et certaines de ses élites ont même récemment vanté la probité et la bonne santé des espaces financiers africains à l'abri des capitaux toxiques.

D’une part, cela sous-estime le pillage continuel des ressources du continent, d'autre part on ignore la fuite effarante de capitaux issus de l'enrichissement illicite vers les paradis fiscaux et des pays du centre. À titre d’exemple, rappelons qu’une quarantaine de pays africains y avaient (en une trentaine d’années) transféré, jusqu'en 2004, quelque 607 milliards de dollars. (2) Pour sa part, l’Afrique du Sud, pays coopté au G20, a dû abandonner son plan RDP au profit du GEAR : celui-ci n'a créé qu'un embryon d’élite noire en plus de diviser la classe politique victorieuse de l'apartheid. L'indépendance économique a été donc différée au prix d'un accroissement des inégalités sociales, d'une chute du niveau de vie et d'une libéralisation des services publics.

Les masses africaines doivent impérativement intimer à l'Union africaine et à leurs élites compradores que l'intégration accélérée et autocentrée de l'Afrique , (3) la suppression des monnaies coloniales et l'avènement de la monnaie unique arrimés à une coopération Sud-Sud sont ses pistes alternatives. La réfection des codes miniers et la poursuite des plans d'ajustements de troisième génération drainent les richesses du continent et accentuent la paupérisation, tout en divertissant des pans entiers des sociétés civiles sur des impasses institutionnelles.

Incapables d'imposer des codes contraignants de responsabilités sociales et environnementales aux transnationales comme aux grands groupes financiers, les tenants du G20 perpétuent donc leur règne en toute impunité. Le Canada de feu Lester B. Pearson qui a réclamé en vain - il y a plus de 40 ans - que l'aide publique au développement atteigne 0,7% du PIB des pays riches, en est un exemple notoire. En plus de permettre le harcèlement juridique des chercheurs qui traquent les agissements criminels de ses firmes transnationales , (4) le Canada se permet même de porter atteinte à la justice reproductive des femmes d'Afrique et du Tiers-monde , (5) et de fragiliser les efforts de lutte contre la pauvreté de ses organismes de coopération internationale . (6)

L’Afrique n’a d’ailleurs pas besoin de charité. Elle a besoin de justice sociale et que l’on modifie l’iniquité des règles commerciales et agricoles mondiales. Elle a aussi besoin d’une gestion équitable de ses ressources et de la fin de l'impunité qui y règne sous toutes ses formes. Il est impératif que l'impérialisme y desserre son étreinte et que cesse le soutien aux régimes anti-démocratiques.

NOTES
1) Aziz Salmone Fall, G20 directoire autoproclamé de la refondation du capitalisme:
2) Ndikumana, Leonce, and J.K. Boyce. 2008. New Estimates of Capital Flight from Sub-Saharan African Countries: Linkages with External Borrowing and Policy Options. Working Paper No. 166, Political Economy Research Institute, University of Massachusetts, Amherst
3) 25 Mai 2010, Journée de la libération de l'Afrique: Appel aux peuples d'Afrique http://www.grila.org/ald_2010.html
4) Http://www.ffq.qc.ca/2010/06/les-principaux-groupes-de-femmes-et-de-defense/
6) http://www.ccic.ca/_files/fr/media/news_2010-06_01_ccic_funding.pdf

* Le Groupe de recherche et d'initiative pour la libération de l'Afrique (GRILA) est une organisation que tente de contribuer à l’émergence et à la consolidation du développement autocentré en Afrique et à la solidarité internationale qu’il requiert.

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