Le recours à l’assassinat politique contre les mouvements de libération
Le recours à l’assassinat politique sélectif et systématique contre les mouvements de libération a changé le cours de l’histoire dans plusieurs pays africains et du Moyen Orient et a profondément affecté les politiques régionales respectives, estime Victoria Brittain. Ces bouleversements ont entraîné d’autres changements encore plus significatifs qui ont constitué un tournant parfois dramatique de l’histoire du Tiers monde, poursuit-elle. Dans cet article, elle passe en revue ces différents assassinats ainsi que leurs implications pratiques an amont comme en aval.
Les relations entre le Tiers monde en général et les puissances occidentales dominantes sont elles-mêmes, dans une certaine mesure, le produit des années de la guerre d’usure que l’Occident a conduit notamment par le biais d’assassinats politiques qui ont privé l’Afrique et le Moyen Orient de certains de leurs plus grands leaders et affaibli leur organisations politiques les plus marquantes.
La conséquence la plus dramatique que nous vivons de ces assassinats politiques, de la perte de tous ces leaders des deux générations précédentes, est sans doute dans le fait que l’opposition au nouveau colonialisme soit devenue si fragmentée, sectaire, dépolitisée, marginalisée, dépourvue de leadership, au point de générer l’attentat suicide à grande échelle.
Pour tous ceux qui n’ont pas vécu au cours des décennies soixante, soixante-dix et quatre-vingt les moments intenses, fébriles, plein d‘espoir qu’ont connus les mouvements africains de libération, il est peut être difficile d’imaginer leur pouvoir sur l’imagination et les aspirations politiques et sociales de tant de gens, et ce bien au-delà leur propre continent – y compris en Europe et aux Etats-Unis – et l’ascendant insoupçonnable aujourd’hui d’une poignée de leurs leaders. Mehdi Ben Barka, à qui nous voulons ici rendre hommage, était l’un d’eux.
A son époque, le néolibéralisme n’était pas la norme, alors que l’était l’espoir d’un monde meilleur. La fin de l’histoire n’avait pas été déclarée. Et il y avait deux super puissances. Deux mouvements de libération, dont l’importance dépasse largement leurs frontières, étaient particulièrement remarquables : l’African National Congress et le Fatah palestinien et ses nombreuses factions.
Leur trajectoire particulière reflète surtout la différence fondamentale de positions stratégiques dans le monde : les Palestiniens ont le désavantage d’être acteurs dans une zone clef convoitée par les Etats-Unis, qui veulent contrôler la production de pétrole, et de devoir affronter le plus important allié des Américains dans la région, à savoir Israël. Le Moyen Orient a été en effet la zone du monde la plus investie par les intérêts impérialistes occidentaux – et ce bien avant la création de l’Etat d’Israel.
La position stratégique de l’Afrique du Sud est bien sûr très importante mais on ne peut la classer dans la même catégorie – unique - d’intérêts économiques et idéologiques que recouvre Israël pour les Etats-Unis.
Avant d’entrer dans les détails de ces deux cas, je voudrais brièvement qu’on se rappelle l’immense portée des assassinats politiques dans la lutte des mouvements de libération pour mettre fin au colonialisme en Afrique, en donnant juste quelques exemples.
Prenons dans ce contexte, quatre assassinats pour la plupart non élucidés, réalisés par des professionnels en l’espace de presque trente ans. Il s’agit de crimes liés entre eux car ils ont tous en commun l’implication supposée d’éléments ayant appartenu aux services secrets français et de milieux de l’extrême droite. Ils tiennent tous aux spasmes de la violence néo-coloniale : le Marocain Ben Barka, le Camerounais Felix Moumié, empoisonné mortellement à Genève en 1960 par un agent des services secrets français, le juif égyptien Henri Curiel, militant anti-impérialiste, tué dans l’immeuble de son appartement à Paris en mai 1978, et la Sud-africaine Dulcie September, la représentante de l’ANC en France, assassinée dix ans plus tard, toujours à Paris. Les deux derniers, ont été des cible faciles, sans protection d’aucune sorte, malgré les nombreuses menaces de mort.
Les leaders charismatiques de pays aussi différents que la Guinée Bissau, le Mozambique ou le Congo ont également été assassinés dans l’intérêt premier des puissances coloniales, même si les exécutants ont parfois été recrutés au sein de groupes locaux à leur solde. Amilcar Cabral, Eduardo Mondlane et Patrice Lumumba ont été tués car ils menaçaient le pouvoir colonial ou le contrôle des ressources économiques qu’entendaient exercer les anciens colons. Leur disparition brutale de la scène politique africaine a eu un impact bien plus important que le rayonnement, parfois modeste, de leur propre pays.
Amilcar Cabral, était le leader du PAIGC (Parti africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert), le mouvement de libération qui s’est battu pour l’indépendance du Portugal de ces deux petites possessions de l’empire lusitain. La stratégie du PAIGC était de libérer la Guinée-Bissau et les îles du Cap-Vert, réunies dans un même parti, tout en menant la guerre de libération dans la seule Guinée pour des raisons logistiques évidentes. Né en Guinée, Cabral était lui-même d’origine cap-verdienne. Le leader du PAIGC était de loin l’intellectuel le plus connu et le plus révéré dans les cercles des mouvements africains de libération sur lesquels il avait une grande influence.
Il a été tué le 20 janvier 1973, en présence de son épouse, Ana Maria, devant sa résidence de Conakry. Ce sont des dissidents de son propre mouvement, manipulés par la puissance coloniale en collusion avec des agents locaux, qui ont tiré sur la gâchette.
Son célèbre discours à la Conférence de la Tri-Continentale de la Havane en 1966, l’a révélé au monde en tant qu’un des théoriciens les plus marquants de l’époque, d’autant qu’il pouvait également se prévaloir d’une brillante action sur le terrain. C’est en effet en Guinée-Bissau que l’armée coloniale portugaise a subi les plus cuisantes défaites qui allaient motiver ensuite la révolte des « capitaines » portugais et la révolution des œillets dans la métropole même. Le révolutionnaire Cabral évoluait à un moment exaltant du combat pour l’autodétermination des peuples colonisés mais également de la révolte de ceux oppressés par des régimes néo-coloniaux en Afrique ou en Amérique Latine.
Cabral était à beaucoup d’égards un leader exemplaire, qui dirigeait un mouvement profondément enraciné dans le monde rural – malgré ses pesanteurs -, et auprès de cadres urbains auxquels il avait lancé un défi historique ; celui de s’identifier avec les intérêts du paysannat, en renonçant à leur privilèges de classe. Son charisme et son brio intellectuel n’ont pas encore été égalés sur le continent, 33 années après sa disparition.
Eduardo Mondlane, leader du Front de Libération du Mozambique, Frelimo, a été tué à Dar-es-Salaam le 3 février 1969, par un colis piégé mis au point par des agents de la PIDE, la police politique portugaise de triste mémoire. Mondlane, qui était un intellectuel d’une certaine renommée, avait pris la tête du Frelimo à sa fondation en 1964. Son engagement personnel dans la lutte armée contre la domination portugaise surprit ses anciens collègues des universités américaines où il avait enseigné.
A différentes périodes de sa vie, Mondlane a été en rapport avec au moins cinq universités. Il fut d’abord admis à Wits, en Afrique du Sud, d’où il fut expulsé et envoyé au Portugal où il poursuivit brièvement ses études universitaires. De Lisbonne, il put enfin se rendre aux Etats-Unis, à Northwestern (Illinois), puis à Harvard et à Syracuse. Il travailla aussi un certain temps aux Nations-unies. Ses contacts et expérience ont certainement contribué à l’essor rapide que connut le Frelimo à l’intérieur du pays et sur la scène internationale.
En 1986, le successeur de Mondlane, Samora Machel, a aussi été tué avec plusieurs de ses conseillers dans le crash de l’avion qui le transportait de Lusaka à Maputo. Les services secrets du pays de l’apartheid sont fortement soupçonnés d’avoir émis des signaux en direction des pilotes de l’avion afin de le détourner de sa route. L’appareil s’est écrasé sur les collines environnantes à Nkomati.
Les assassinats de ces deux leaders mozambicains n’ont cependant pas eu les effets souhaités ; aussi bien au temps de la guérilla anti-coloniale que lorsqu’il dirigeait le pays indépendant, le Frelimo a réussi à surmonter les crises engendrées par ces disparitions. De cela il faut rendre hommage aux deux leaders qui ont su consolider le parti, en préparant ainsi leur relève.
En ce qui concerne le Cameroun et le Congo-Kinshasa, les conséquences du meurtre de leurs leaders au début des années soixante, a certainement contribué à l’affaiblissement durable de ces pouvoirs, à leur division sur base ethnique ou régionale, les rendant perméables pendant la guerre froide à toute sorte de manipulations extérieures, notamment des anciennes puissances coloniales et des Etats-Unis.
A cause de la complexité des structures ethniques du Cameroun et du Congo, leur dimension et richesses naturelles, notamment en ce qui concerne ce dernier, nous ne pouvons affirmer que Moumié ou Lumumba auraient avec certitude réussi à préserver l’unité de leurs pays, ou à maintenir les politiques anti-impérialistes qu’ils avaient incarné. Mais il est certain que leur mort violente leur a donné un statut mythique en Afrique, l’évocation de leur nom suffit à raviver les rêves de véritables indépendances, d’espoirs de justice.
Au Cameroun, Felix Moumié succéda à Reuben Um Nyobe, leader nationaliste radical de l’Union des populations du Cameroun, UPC, qui avait organisé la résistance armée dans les campagnes du pays pour évincer le régime néo-colonial pro-français d’Ahmadou Ahidjo. Moumié a été tué à Genève, le 15 octobre 1960, par un poison à base de thallium. Son tueur était un agent français, William Bechtel, qui avait feint d’être un journaliste pour rencontrer le leader camerounais.
Au Congo, Patrice Lumumba, le leader nationaliste élu aux élections qui ont précédé l’accession à l’indépendance de son pays dont il devint le premier Premier ministre, a été assassiné le 17 janvier 1961, soit un peu plus de six mois après sa prise de fonctions. Lumumba, qui avait échappé à plusieurs reprises à des tentatives d’assassinat entreprises par des agents de la CIA, fut tué, avec la bénédiction de cette dernière, par des agents belges, soutenus par des membres de l’Exécutif belge en Belgique même, qui ont agi avec le concours actif des rivaux politiques de Lumumba.
Le leader congolais a été injustement affublé du titre de « communiste » par les Américains qui ont dressé de lui le portrait d’un individu extrêmement dangereux - le Président Eisenhower avait lui-même donné le feu vert à sa liquidation. L’erreur de Lumumba avait été, de l’avis des Occidentaux, d’avoir des projets de développement économique ayant comme priorité l’élévation du niveau de vie des Congolais et non pas l’exportation exponentielle des richesses minières vers les pays industrialisés. De plus, Lumumba s’était tourné vers l’Union soviétique pour demander de l’aide.
Le ghanéen Kwame Nkrumah, un grand allié de Lumumba, avec lequel le leader congolais partageait la même vision politique, a aussi été victime de plusieurs tentatives d’assassinat avant d’être renversé par un coup d’Etat en 1966. Les comploteurs étaient soutenus, tout comme ceux de Lumumba, par l’ancienne puissance coloniale, dans ce cas la Grande Bretagne, dans le but d’installer au pouvoir un régime plus conciliant, qui ne menacerait pas ses intérêts. Aussi bien la Belgique que la Grande Bretagne ont reçu le soutien des Etats-Unis qui avaient pris le leadership des interventions anti-nationalistes et dans le Tiers-monde.
En 1963, le président togolais Sylvanus Olympio a été tué lors d’un coup d’Etat mené par un colonel de l’armée, Etienne Eyadéma, vétéran de l’armée française en Algérie. Eyadema, qui assuma personnellement le pouvoir en 1967, avait été incité à agir par des officiers français au Togo – à leur tour encouragés par Paris - qui voyaient d’un mauvais œil l’esprit d’indépendance à l’égard de la France manifesté par Olympio.
En Afrique du Sud, la lutte contre l’apartheid a fait des milliers de victimes anonymes, ainsi que de très nombreux cadres et commandants de la guérilla de l’ANC assassinés en exil, dans les camps militaires et dans les bureaux du mouvement de libération dans les pays voisins. Des dizaines de cadres, souvent des collaborateurs proches des principaux dirigeants du mouvement ont été pris pour cible.
Le régime raciste a mené une campagne d’assassinats visant à priver le mouvement de ces meilleurs cerveaux et à dissuader les militants à s’organiser pour combattre le système d’oppression. Ironiquement, l’ANC n’a pas perdu ses principaux leaders dans cette sale guerre, en partie car la plupart d’entre eux, comme Nelson Mandela, étaient en prison à Robben Island. Même certains de ses dirigeants en exil ont échappé aux griffes des services secrets sud-africains.
La confession d’un ancien policier, Butana Almond Nofemela, qui avait participé aux escadrons de la mort, a révélé l’ampleur des opérations secrètes visant à l’élimination des opposants dans le pays : il y a eu cinquante assassinats entre août 1977 et novembre 1989. Une unité secrète de la force de défense sud-africaine (SADF), appelée de façon surprenante : Bureau de coopération civile (CCB), a été montrée du doigt en tant que responsable de centaines d’assassinas à l’intérieur du pays et dans la région.
Ces assassinats visaient également à intimider les gouvernements africains qui abritaient les membres de l’ANC et sa branche armée. Ces gouvernements étaient par ailleurs soumis à des fortes pressions économiques et militaires. Tous les Etats de la Ligne du front ont connu des attaques armées contre les ressortissants sud-africains anti-apartheid. Les assassinats des cadres de l’ANC, souvent avec leurs familles, s’est poursuivi le long des années soixante-dix et quatre-vingt, au Botswana, Lesotho, Swaziland et Zambie. Le régime a eu recours à des espions et a soudoyé des collaborateurs pour faciliter ces crimes.
Au Zimbabwe en 1981, le représentant de l’ANC, Joe Gqabi, qui avait longuement été emprisonné à Robben Island, a été assassiné devant sa résidence à Harare par un ancien membre des forces spéciales rhodésiennes ayant rejoint l’armée sud-africaine. Le prêtre d’origine néo-zélandaise, Michael Lapsley, membre de l’ANC, a perdu ses bras en ouvrant un colis piégé dans la capitale du Zimbabwe.
Le Mozambique a été le théâtre de nombreuses attaques contre les dirigeants de l’ANC, ainsi que des raids aériens, comme celui qui avait provoqué la mort de treize cadres en 1981 et de six autres en 1983. Le bureau de l’ANC a été bombardé : cinq cadres blessés. Le militant de l’ANC qui travaillait à la radio de Maputo a été empoisonné.
Particulièrement perfide, l’assassinat de Ruth First en août 1982, une intellectuelle à l’esprit indépendant, épouse de Joe Slovo, leader du parti communiste sud-africain et chef de la branche armée de l’ANC. Ruth First a été assassinée par un colis piégé qu’elle a reçu dans son bureau du Centre d’études africaines de Maputo. En 1987, c’est au tour d’Albie Sachs, avocat de renom international et membre de l’ANC, d’être la victime de la violence de l’apartheid : il a été grièvement blessé dans l’explosion de sa voiture à Maputo. Amputé du bras droit et aveugle d’un œil, Sachs est aujourd’hui un membre éminent de la Cour constitutionnelle de l’Afrique du Sud d’où il veille au respect de l’Etat de droit.
Tous ces assassinats politiques ont sans doute réussi à affaiblir l’ANC et ses allies, la Cosatu et l’UDF, dans le but ultime de créer les conditions les plus favorables possibles aux tenants du système, dans le cas d’un éventuel transfert du pouvoir à la majorité noire. Le régime de l’apartheid a eu recours à l’infiltration des mouvements de libération - l’ANC, mais aussi la SWAPO –, et ses agents ont parfois atteint des niveaux élevés de responsabilité, tels les représentants du mouvement anti-apartheid à l’étranger. Cela a eu des répercussions négatives sur l’image de l’aile extérieure de l’ANC et donc d’une partie de son leadership, qui a crée un malaise au sein du parti qui persiste encore aujourd’hui, malgré le travail de la Commission vérité et réconciliation.
Mais tous ces massacres et assassinats ciblés sont éclipsés par l’ampleur des actions menées par Israël contre les Palestiniens, qui constituent une partie considérable des massacres dont a été victime le Moyen Orient. Depuis 1967, cette région a été enflammée par la lutte pour le Grand Israël sous Menachem Begum et l’inévitable balkanisation du monde Arabe, commencée en 1956 par la tentative de la Grande Bretagne, de la France et d’Israël de détruire l’Egyptien Nasser, le champion arabe du moment .
Les assassinats politiques ont été, et sont encore, le pilier de la politique anti-terroriste d’Israël. Il faut noter à ce propos que les meurtres ont aussi bien ciblés l’aile radicale du mouvement palestinien que ceux qui étaient les plus enclins à ouvrir des négociations avec Israël. Les plus hauts niveaux de l’establishment politico-militaire israélien ont été directement impliqués dans la mise en oeuvre de cette politique.
Des quatre fondateurs du Fatah, seul Yasser Arafat a échappé à l’assassinat. Même si le doute existe quant à la thèse stipulant une cause naturelle de sa mort… L’utilisation de poisons sophistiqués par les assassins du pouvoir israélien fut démontrée en 1997 lorsque le leader du Hamas, Khalid Mash’al, fut empoisonné à Amman par deux agents du Mossad (qui avaient voyagé sous la couverture de faux passeports canadiens et qui furent capturés).
Mash’al fut sauvé lorsque le furieux roi Hussein demanda et obtint d’Israël l’antidote du poison. Pour les autres, il n’y eut pas de répit. Muhamed Yusif al Najjara fut tué en 1973, à Beirut par des commandos israéliens dirigés par Ehud Barak – futur Premier ministre – qui agit déguisé en femme… Abou Jihad, le ministre des affaires étrangères de l’OLP, fut tué dans sa maison dans le quartier général de l’OLP à Tunis, par une unité venant de la mer dirigée par le général Moshe Yaalon, qui devint ensuite le chef d’état-major. Abou Iyad, chef des services secrets du Fatah, fut tué en janvier 1991, dans sa maison à Tunis, avec Abu al Hol, un de ses proches collaborateurs. Le tueur, Hamza Abu Zaid, était un dissident du Fatah qui avait été recruté par Abou Nidal.
Dans son livre Abu Nidal, A Gun for Hire, fruit de longues recherches, l’expert britannique du Moyen orient, Patrick Seale, a exploré la thèse selon laquelle Abou Nidal avait travaillé avec les Israéliens. Nidal avait d’ailleurs lui-même admis que son organisation avait été infiltrée par le Mossad.
L’impact sur l’histoire palestinienne des assassinats politiques n’est pas seulement la conséquence des assassinats qui ont frappé le leadership du mouvement, mais également des assassinats perpétrés par Abou Nidal qui ont eu lieu entre 1978 et 1983, de cinq membres de la direction du Fatah. Tous cinq s’étaient prononcés pour l’ouverture du dialogue avec Israël et tous représentaient l’OLP à l’étranger : Said Hammami était le représentant à Londres, Ali Yassin, ambassadeur au Kuwait, Nain Khudr, représentant a Bruxelles, Izz al-Din Qalaq, représentant à Paris et le Dr Issam Sartawi, un proche de Yasser Arafat, tué à Lisbonne lors d’une conférence sur la Palestine.
Tous auraient sans doute fait partie de l’équipe palestiniennes à des éventuelles négociations. Leur meurtre avait permis à Israël d’atteindre son but qui était celui d’écarter toute possibilité d’organiser de telles négociations et de maintenir l’OLP dans un statut de paria de la communauté internationale et lui coller le labeld’organisation terroriste.
Trente ans plus tard, l’armée israélienne inaugurait avec le Secrétaire Général du FPLP, Abu Ali Mustafa, une technique d’attentat dont on n’échappe pas, et qui serait devenu sa marque de fabrique. En 2001, Mustafa fut assassiné par une attaque de missiles contre son bureau de Ramallah, à son retour en Cisjordanie, après 32 années d’exil.
Le fondateur du Jihad Islamique, Fathi Shiqaqi, a été assassiné en 1995, par des agents du Mossad devant son hôtel à Malte. Le membre de la direction du Hamas, Yahya Ayyash, a été tué en janvier 1996 par un téléphone cellulaire piègé qui lui a été tendu par un collaborateur. Les hélicoptères Apaches de l’aviation israélienne ont tué de nombreux membres du Jihad islamique ; en juillet 2002, un bombardier F16 a été utilisé pour tuer le leader de l’aile militaire du Hamas à Gaza, Saheh Shihada, avec une bombe lâchée sur l’immeuble de son appartement. Le leader spirituel du Hamas, Sheikh Yassine, paralysé sur une chaise roulante, a été assassiné par une attaque de missile devant une mosquée de la bande de Gaza en mars 2004.
L’héritage des mouvements de libération de l’époque de la Tricontinentale a été largement perdu. Nous nous trouvons aujourd’hui dans un contexte où le rapport de force avec l’Occident s’est détériorée, le clivage entre les riches et les pauvres s’est terriblement aggravée. Pire, la voix des intellectuels du Tiers Monde s’est affaiblie, et leur liberté de pensée a été entamée.
En regardant en arrière d’une génération ou deux, la plupart de ces mouvements de libération ont opèré sur le principe de ne pas prendre à cible la population civile (a l’exception du FNL), sur la base de la constitution de mouvement de masse, de la formation d’une conscience nationale, d’idéaux anti-racistes et non ethniques.
Mais cela n’a pas empêché l’Occident de voir en eux des ennemis. Ce sont souvent des pouvoirs occidentaux qui ont dirigé ou commandité leurs meurtres. Aujourd’hui, prendre à cible les civils est devenu la norme, soit par les armées occidentales à Fallujah, ou dans les territoires occupés de Palestine, ou par les attentats suicides aux Etats-Unis, à Madrid, Londres ou Bali.
Aussi, les assassinats politiques de leaders exécutés maintenant par Israël, ne doivent-ils même plus être tenus secrets. Ils sont maintenant considérés comme légitimes – dans un monde dominé par les rapports de force militaires et ou les mouvements populaires sont ignorés par les pouvoirs.
*Victoria Brittain est journaliste, spécialiste des sujets tiers-mondistes, et plus particulièrement de l'Afrique.
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