Ghana : Okoree ment sur les Ogm
L’agriculture biologique a été décrite comme l’ennemie du progrès pour la simple raison qu’elle ne peut être monopolisée. Elle peut être adoptée par n’importe quel paysan n’importe où dans le monde sans l’aide d’une multinationale. Bien qu’elle soit plus productive avec plusieurs cultures ou plusieurs variétés dans le même champ, les compagnies de biotechnologies cherchent à réduire la diversité afin de faire du profit, ne laissant aux paysans aucun choix sauf celui d’acheter leurs semences les plus rentables. Elles le font avec des complicités dans nos gouvernements.
L’Ong Food Sovereignty Ghana lance un appel pour un débat ouvert sur la question des Ogm afin d’établir la vérité, de fournir des réponses et générer des débats afin d’informer le public ghanéen plutôt que d’imposer les Ogm à la population sans qu’elle le sache, sans qu’elle y consente
Notre attention, à Food Sovereignty Ghana, a été attirée par un article paru dans l’édition en ligne du Daily Graphic du 20 septembre 2013, intitulé "Gm crops production making progress" (la production des cultures Ogm progressent), de Jojo Sam. Dans cet article, les objections de Food Sovereignty Ghana (Fsg) étaient résumées ainsi :
"Mais il existe dans le pays, y compris Food Sovereignty Ghana, un mouvement de défense qui considère l’introduction des Ogm comme une aventure risquée pour le pays, compte tenu du fait qu’une majorité des paysans sont analphabets et trouveront difficile sinon impossible de cultiver des semences modifiées ". Ceci est une totale distorsion et une représentation scandaleuse de notre mouvement et de ses objections à l’imposition des Ogm aux Ghanéens par certains serviteurs de l’Etat au ministère de l’Environnement, de la Science et de la Technologie
AFFIRMATIONS FALLACIEUSES DU MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA SCIENCE ET DE LA TECHNOLOGIE.
Premièrement, nous voulons clarifier le point selon lequel notre objection aux Ogm s’appuie sur le fait que nos paysans sont ignorants. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Nous dépendons de nos paysans pour notre alimentation et notre survie. Ils sont la clé de notre santé et de notre bonheur. Certains paysans ne sont peut-être pas alphabétisés, mais ils ne sont pas ignorants et ils savent comment gérer une ferme.
Les paysans ne demandent pas d’Ogm ou de semences certifiées. L’objection du Fsg est que le lobby des Ogm essaye de tromper les paysans et les consommateurs en leur faisant croire que cette technologie, dangereuse et démodée, est sans risque, bénigne. Les intérêts supérieurs du lobby des Ogm dans " l’éducation des paysans" est de les intimider afin qu’ils ne sauvegardent pas de semences pour replanter ! Le lobby des Ogm essaye de faire passer des législations et de polluer la terre sans information ou débat, et avant même que les Ghanéens sachent de quoi il retourne. Rien n’indique que les Ogm sont sans danger et les preuves de risques sérieux s’accumulent.
Food Sovereignty Ghana a demandé un "moratoire sur la culture, l’importation et la consommation d’aliments génétiquement modifiés". Notre groupe a aussi déclaré qu’il "est nécessaire que les Ghanéens comprennent clairement toutes les implications associées à la culture d’aliments génétiquement modifiés avant d’embrasser cette technologie".
Nous avons aussi sonné l’alerte en disant "que si les Africains échouent à prendre les décisions justes, la domination de notre agriculture par les Ogm pourrait s’avérer bien pire que les effets combinés de l’Apartheid, du colonialisme et de l’esclavage ! Souvenez-vous des propos de Kissinger : la nourriture est une arme !"
La politique de l’arme de la nourriture se poursuit sans relâche comme le démontrent Monsanto, Sygenta et les multinationales affiliées, par la faim sans limite qui vise le contrôle de l’Afrique et ce que les Africains mangent ou ne mangent pas.
DEBAT OUVERT SUR LES OGM EST NECESSAIRE
Nous avons encore réitéré que "le Ghana est démocratique et un Etat souverain et la question de ce que nous cultivons et ce que nous mangeons affecte le bien-être de chaque Ghanéen". Il s’en suit qu’il y a besoin d’un large consensus après un débat approfondi, ouvert et transparent avant que d’embarquer dans un processus de contamination des gènes de notre chaîne alimentaire qui serait absolument irréversible. Nous croyons qu’une décision aussi importante, aux conséquences aussi énormes, est un problème qui ne peut être laissé dans les seules mains de négociateurs commerciaux, d’experts en investissement ou d’ingénieurs agronome. C’est essentiellement une question d’économie politique, de santé publique, de sécurité nationale, de biodiversité et de santé environnementale dans lesquels nous sommes tous parties prenantes".
FABRIQUER LE CONSENTEMENT PUBLIC POUR LES OGM
Au lieu d’entendre notre appel pour un moratoire et de présenter le pour et le contre de la technologie génétique de la façon la plus honnête possible, pour que les Ghanéens puissent décider pour eux-mêmes, le secrétaire de la National Biosafety Committee et vice-directeur au ministère de l’Environnement, de la Science et la Technologie, M. Eric Amaning Okoree, s’est lancé dans une campagne de propagande, dissimulant délibérément les effets négatifs de la technologie génétique, déformant les vues du Fsg et débitant des mensonges afin d’obtenir le consentement du public.
Selon M. Okeree "la technologie des Ogm est utilisée dans la production de denrées alimentaires afin d’augmenter le rendement, de renforcer la résistance aux maladies et aux parasites… En raison de l’augmentation de la population et des changements climatiques, de nombreux pays dans le monde se sont embarquées dans une série de mesure afin d’améliorer leur agriculture et leur réserves alimentaires. Un des mécanismes gagnants dans cet effort a été l’introduction des cultures Ogm…
Actuellement au Ghana, il y a un momentum pour l’introduction des cultures Ogm dans l’agriculture en vue de participer à l’effort de réduire la faim et de garantir la sécurité alimentaire. A cette fin, la recherche dans la viabilité de certaines de ces cultures Ogm sélectionnées est en cours et accomplit des progrès remarquables".
DE LA SCIENCE FRAUDULEUSE ALLIEE A LA CUPIDITE DES MULTINATIONALES
Ces déclarations sont fausses. Il est évident pour nous que cette nouvelle offensive de la propagande pour les Ogm fait suite au retrait des demandes d’introduction des Ogm de Monsanto en Europe, dont le refus est basé sur des données scientifiques et le rejet par la société civile.
La manipulation génétique des semences est une science frauduleuse dont le seul but est de soumettre notre agriculture au contrôle et au monopole des multinationales géantes aux intentions et aux capacités douteuses.
Les Ogm ne sont pas destinées à nourrir les affamés. Selon la Fao, nous produisons le double de la nourriture nécessaire pour nourrir tout le monde et pourtant plus d’un milliard de personnes vont se coucher chaque soir le ventre vide. La solution n’est clairement pas dans la modification génétique de notre alimentation. La modification génétique est une technologie qui n’a ni la capacité d’aider, ni l’intention d’aider les petits paysans. Des centaines de milliers de paysans indiens ont perdu leurs terres et leurs moyens de subsistance et se sont suicidés pour avoir accordé foi aux promesses fallacieuses des rapaces de l’agro-industrie. Le prix de leurs semences a augmenté de 8000% !
Un volume croissant de preuves scientifiques montre que les Ogm sont un échec technologique. L’industrie agro-alimentaire prétend qu’il y a un haut rendement, une résistance aux changements climatiques et nécessite un usage moindre de pesticides et d’insecticide, ce qui est simplement au-delà des possibilités de la manipulation génétique. Ce dont les compagnies de l’agro-alimentaire ne parlent pas, c’est l’escalade alarmante de super mauvaises herbes, de parasites, ainsi qu’une augmentation et non une diminution de l’usage des pesticides et herbicides fabriqués par ces mêmes compagnies !
Il y a de plus en plus de preuves que les théories de modifications transgéniques sont non seulement obsolètes, mais qu’elles sont basées sur des hypothèses qui s’avèrent être fausses. Par exemple, l’identification mécanique de caractéristiques spécifiques d’un gène. L’importance fondamentale de la preuve, en particulier contre l’affirmation que nous avons besoin de modifications génétiques afin de rendre les plantes résistantes à la sécheresse, aux sols salins ou aux inondations face aux changements climatiques, est que ces propriétés désirables impliquent en fait plusieurs gènes.. En effet, ce n’est pas un gène seul qui confère ces qualités à une plante, mais des familles multi gènes qui travaillent de façon très coordonnées.
Les experts indépendants nous disent par exemple : "Ce que nous pouvons faire avec la biotechnologie c’est cartographier les gènes dans l’Adn des plantes, d’une variété de plante qui dit "tolérance à la sécheresse" et une autre variété de la plante qui dit "haut rendement"… Nous pouvons les faire croître naturellement et ensuite faire usage de la méthode de la cartographie afin d’identifier les descendants de ces plantes qui combinent les gènes des familles multi gènes qui confèrent un haut rendement et une tolérance à la sécheresse".
Le futur de l’agriculture réside dans l’agriculture agro-écologique. Nous savons que l’International Assessment of Agriculutral knowledge, Science and Technology for Development (Iaastd), le rapport des Nations Unies, co-sponsorisé par la Fao, le Gef, le Pnud, l’Unep, l’Unesco, l’Oms et la Banque Mondiale, a fortement recommandé l’agriculture agro-écologique et déconseillé l’agriculture génétiquement modifiée. Nous savons aussi que la Banque Mondiale et les autres institutions à l’origine de ce rapport écrit par 400 scientifiques indépendants ont été soutenus par des scientifiques indépendants provenant de presque tous les pays de la planète !
DE NOMBREUSES QUESTIONS DOIVENT ETRE POSEES ET DOIVENT RECEVOIR UNE REPONSE
La question que les Ghanéens doivent poser à M. Eric Okoree est : pourquoi nous fait-il cela ? Qui en profite réellement ? Où est l’agro-écologie dans tout cela ? Serait-ce parce que c’est bon marché et que les multinationales n’en tirent pas profit ? Il est tout à fait évident que le principal obstacle à l’agro-écologie et d’autres agricultures bénéfiques à la vie, est l’immense pouvoir global de l’industrie biotechnologique et son énorme capacité à influencer la pensée et à obtenir des contrats.
Raison pour laquelle nous avons terminé notre appel pour un moratoire avec une citation de George Monbiot, pour alimenter la réflexion et l’action :
L’agriculture biologique nourrira le monde : "En d’autres termes, nous avons été trompés. L’agriculture traditionnelle a été éradiquée dans le monde entier, non parce qu’elle est moins productive que la monoculture, mais parce que, à certains égards, elle est plus productive.
L’agriculture biologique a été décrite comme l’ennemie du progrès pour la simple raison qu’elle ne peut être monopolisée. Elle peut être adoptée par n’importe quel paysan n’importe où dans le monde sans l’aide d’une multinationale. Bien qu’elle soit plus productive avec plusieurs cultures ou plusieurs variétés dans le même champ, les compagnies de biotechnologies cherchent à réduire la diversité afin de faire du profit, ne laissant aux paysans aucun choix sauf celui d’acheter leurs semences les plus rentables. Raison pour laquelle Monsanto et ses alliés ont passé les dix dernières années à racheter les instituts producteurs de semences et de faire du lobbying auprès des gouvernements pour qu’ils fassent ce que le nôtre a fait : bannir la vente de toute semence qui n’a pas été officiellement - et au prix fort- enregistrée et approuvée."
Nous sommes heureux de noter que nos déclarations hebdomadaires à la presse commencent à avoir un impact. Les agents de ce colonialisme génétiquement modifié sont maintenant obligés de rendre compte publiquement des actions qu’ils avaient dissimulées. Ils commencent à parler après avoir initialement évité toute discussion publique. Nous savons qu’ils préféreraient éviter le débat public, préférant le public ignorant et docile à un public bien informé et actif. Nous convions donc M. Eric Amaning Okoree à un débat public sur la question des Ogm afin de remettre les pendules à l’heure et aussi pour générer des questions, recueillir des réponses informées du public ghanéen plutôt que de nous imposer des Ogm à notre insu et sans notre consentement.
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** Ali-Masmadi Jehu-Appiah est le président de Food Sovereignty Ghana – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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