La logique qui sous-tend « l’aide accrue et améliorée, la suppression de la dette et les politiques commerciales plus justes » est que ces dernières créeront les conditions de s’assurer des ressources adéquates pour financer le développement de l’Afrique. Sans nul doute, ces dernières vont, si elles sont entièrement respectées, mettre plus d’argent dans les mains des gouvernements et des gens et assoupliront la contrainte de ressources.
Nous soutiendrons cependant que, pris isolément, peu importe la qualité de l’aide, la vitesse de l’annulation de la dette, le degré d’ouverture dans le Nord et la fin des subventions d’exportation - ces revendications ne vont pas fournir les ressources adéquates pour le financement du développement de l’Afrique.
Ces revendications, bien qu’elles soient pertinentes, sont quelque peu déplacées vu le fait qu’elles se penchent singulièrement sur les sources de « flux de recettes » en ignorant l’ensemble des mécanismes des « flux de sorties ». C’est l’équilibre des entrées et des sorties qui crée les ressources nettes pour le développement.
Nous soutiendrons également que le fait de mettre l’accent uniquement sur les « entrées » enracine le sens de dépendance de l’Afrique et perpétue le mythe de pauvreté de l’Afrique en ressources et l’impuissance du continent. En outre, en se bornant uniquement sur la politique commerciale en soi en excluant ce qui sous-tend le commerce, nous manquons une explication fondamentale à la persistance des gouvernements sur la libéralisation – au-delà du point de vue selon lequel ils sont insouciants, ignorants, impuissants et insensibles.
« Accroissement et amélioration de l’aide »
Notre revendication que les gouvernements du Nord remplissent leur obligation d’accorder 0,7% des Produits Nationaux Bruts au développement international est correcte. C’est en effet un droit des pays africains, en particulier, de faire cette revendication en raison du fait que cette promesse a été utilisée, de manière répétitive dans le passé, comme un appât pour obtenir les réformes économiques et sociales en Afrique.
Mais de façon réaliste, nous savons qu’elle ne sera pas exaucée. La lenteur du rythme et le niveau bas du volume des accroissements de l’aide engagés à la réunion du G8 en 2005 en dépit de tout le bruit, et la menace qui s’ensuivit, de la part des Etats-Unis, de faire baisser même la cible de 0,7%, montrent comment il est difficile et risquant de se fier aux volumes croissants de l’aide pour le développement de l’Afrique.
L’explication est simple, dans la mesure où l’aide traditionnelle continue de dépendre des contribuables dans le Nord, ses flux et reflux dépendront de la température politique et de la performance économique dans le Nord, spécialement l’Europe. Mais les problèmes-clés de l’aide sont son objectif ou sa gouvernance et son impact sur la psychologie et la responsabilité de nos gouvernements et de notre élite.
L’aide au développement officielle est à peine totalement altruiste ou a un objectif unique ou est à peine totalement détachée de la politique étrangère. En conséquence, nous allons constamment passer d’opposition à une chose ou à l’autre associée avec l’octroi de l’aide, par ex. aide enchaînée, conditions dans le cadre des politiques ; conditions dans le cadre des droits humains, influence des politiques et, plus récemment, le lien croissant avec la guerre contre le terrorisme.
Quelle que soit la rhétorique, l’aide ne peut être séparée des objectifs de la politique étrangère et, selon la mesure dans laquelle ces derniers changent, l’objectif de l’aide changera. En tout cas pourquoi pas ? Pourquoi les contribuables dans le Nord ne devraient-ils pas exiger que leurs taxes servent des valeurs et des buts qu’ils tiennent pour précieux chez eux ? Pourquoi ne devraient-ils pas attendre de leurs gouvernements qu’ils rendent compte de l’impact de l’aide, et ainsi mettent sur pied des mesures visant à s’assurer que leur argent rencontre l’objectif pour lequel il a été donné.
La série de conditions est une question importante pour l’Afrique surtout parce que l’aide constitue une part si grande des budgets, ainsi les risques associés à la politique de l’aide sont plus significatifs pour l’Afrique que pour les autres continents où l’aide constitue une proportion minuscule. Alors qu’il convient de continuer de s’assurer que les conditions associées à l’octroi et à la gestion de l’aide n’aggravent pas les problèmes du développement de l’Afrique, le véritable défi est de réduire son importance dans le développement de l’Afrique.
L’impact plus débilitant de l’aide au développement est ce qu’il fait à la mentalité de l’élite africaine et au processus de démocratisation et de gouvernance responsable. Les gouvernements ont développé le mythe selon lequel leurs économies ne peuvent pas survivre sans aide. En réalité, ce sont leurs gouvernements et les systèmes de patronage qui les maintiennent qui sont menacés sans le mécanisme de l’aide.
La compétition entre les gouvernements africains pour l’inclusion dans le club des nations favorisées mène à l’abandon délibéré, aux donateurs, de la souveraineté gagnée au prix des vies humaines lors de la lutte anti-coloniale. L’organisation du soutien au budget par de nombreux donateurs est une manifestation de cette perte de souveraineté.
En l’absence d’une rupture dans la mentalité de dépendance sur l’aide, l’Afrique n’a aucune chance de bâtir une démocratie fondée sur la responsabilité devant les citoyens. Pire encore, la métaphore filée selon laquelle les agences d’aide - privée et officielle – trouvent nécessaire de se déployer en vue de soutenir l’intérêt politique local pour l’aide est souvent un affront à la personnalité et à l’esprit africains, diminue l’estime personnelle et perpétue les stéréotypes négatifs.
Alors que nous ne pouvons pas ignorer l’aide, nous ne devrions pas non plus la glorifier. Parfois nous qui sommes dans la société civile contribuons inconsciemment à l’érosion de la souveraineté et à la perte de l’estime personnelle. Nous nous hâtons parfois de revendiquer ou d’endosser « la série de conditions de gouvernance » là où l’aide et le relèvement de la dette sont conditionnés au progrès dans ces domaines.
Pour en contrôler le respect, il faut souvent même plus d’ingérence et de pouvoir des donateurs dans la gouvernance locale. C’est comme si l’on disait que certaines formes de colonisation sont admissibles compte tenu des droits humains. Ceci est dangereux.
Pourtant, il y a des cas où les abus de droits humains, la dictature et la corruption sont à un niveau tel que l’impact du relèvement de la dette et l’aide vont servir à renforcer la répression et à enrichir peu de gens plutôt que de promouvoir le développement. Que faisons-nous dans cette situation ?
Il y a lieu de baser une solution sur le principe selon lequel les corps politiques régionaux sont mieux placés pour gérer les problèmes politiques au sein des Etats membres. Ceci est un principe appliqué par la CEDEAO, la SADC et l’UA dans la résolution des conflits et la reconstruction/ le maintien de la paix.
Ceci est également le principe qui sous-tend le Mécanisme Africain de Revue par les Pairs (MARP). Notre proposition est qu’il y ait un Fonds de Garantie des Pairs devant être géré par l’UA et utilisé comme le muscle financier derrière le MARP. Le relèvement de la dette et les fonds humanitaires destinés aux pays qui abusent les citoyens seront payés dans ce Fonds, quitte à être gardés sous forme de garantie pour le pays et à être libérés par l’UA au fur et à mesure que le pays concerné fait des progrès dans les domaines de préoccupation au niveau de la gouvernance.
Un tel mécanisme va :
- Renforcer l’UA et lui donner la denture (la rendre offensive) dans son désir et sa capacité de promouvoir la gouvernance responsable et démocratique dans la région ;
- Agir comme un muscle et une motivation pour le MARP ;
- Enlever l’excuse des créditeurs pour ne pas supprimer les dettes dues à l’Afrique ou différer l’aide nécessaire pour des objectifs humanitaires mais qui, pour les raisons signalées ci-dessus, ne peut pas être canalisée directement vers un pays qui abuse ses citoyens ou vers les ONG ;
- Permettre aux Africains et à leurs institutions politiques de conduire leurs propres réformes politiques ;
- Mettre un terme aux moyens arbitraires et sélectifs par lesquels les donateurs appliquent la série de conditions en matière de gouvernance.
Ainsi, que devrions-nous faire à propos de l’aide ?
- Soutenir les efforts de nos partenaires du Nord pour amener leurs gouvernements à s’acquitter de leur part du compact mondial mais à réduire son importance dans le plan d’action de l’Afrique ;
- Soutenir la création d’un Fonds de Garantie des Pairs devant aider l’UA à traiter la question de gouvernance ;
- Accroître les intérêts des OSC locales et leur implication dans les processus budgétaires en vue de réduire l’influence des donateurs sur la gouvernance des budgets et pousser les budgets à délivrer les services publics et lutter contre la corruption ;
- S’opposer aux arrangements de gestion des budgets inspirés par les donateurs, arrangements qui diminuent la supervision du parlement, et proposer des procédures de supervision parlementaire qui sont transparentes et incluent la société civile.
Alors que ces actions sont nécessaires pour améliorer la qualité de l’aide et pour réduire ses dégâts, elles ne s’attaquent pas au problème de déficit de ressources en soi.
La dette
La question de la dette n’est pas tellement ce que nous revendiquons mais celle de savoir à qui nous adressons quels messages. Premièrement le message de mettre fin au fardeau de la dette a été orienté largement dans un seul sens – les créditeurs. Le message en soi a été celui de lancer un appel à la compréhension, que celle-ci soit basée sur la justice ou sur l’empathie. Ceci n’a rien de mal tant que cet appel provient de nos partenaires du Nord et est dirigé à leurs publics et gouvernements.
Quelles qu’elles soient, les stratégies qu’ils trouvent faisables pour exercer la pression pour l’action doivent être bien accueillies par nous aussi longtemps que ces stratégies ne diminuent pas la dignité africaine ni ne réduisent les messages provenant des Africains. Mais l’orientation de nos énergies vers le lancement d’appel à nos créditeurs du Nord suggère notre manque de croyance au pouvoir des débiteurs.
Cependant, l’effort de relèvement de la dette nigériane, si insatisfaisante fut-elle, et l’initiative de reconstruction de la dette argentine suggèrent que les débiteurs sont bel et bien puissants et peuvent forcer le changement. Dans le cas du Nigeria, c’était la menace par le Parlement de différer l’appropriation pour le paiement de la dette et les manifestations de rue qui s’ensuivirent que les comités conjoints du parlement ont entrepris en Europe et en Amérique de ramener chez eux leur menace qui ont forcé le club de Paris à se précipiter de confectionner une offre de relèvement de la dette.
Dans le cas de l’Argentine, une fusion économique et politique résultant des années de respect fidèle des conditions du FMI et le paiement fidèle de la dette a forcé l’Argentine à imposer un moratoire unilatéral sur le paiement de la dette et puis, par la suite, unilatéralement réduire de 75% ses instruments de dette. Après le soulagement et le soupir, tant le FMI que les créditeurs privés ont accepté d’assumer leur part et l’économie de l’Argentine a rebondi.
La dette de l’Afrique qui surplombe plus de 200 milliards de dollars fournit un muscle pour une menace africaine collective. Ceci est la tâche de l’Union Africaine et nous devrions rendre cela résolument clair. L’annulation de 200 milliards de dollars ne pose aucune menace au système financier mondial mais peut sauver des millions de vies.
Même une menace d’un moratoire collectif va envoyer un message clair et très audible, spécialement si cette menace est accompagnée par un engagement réalisable pour la transparence et la lutte contre la corruption et la canalisation de l’argent ainsi récupéré vers la réorganisation des services publics. Nous ne devrions pas célébrer des initiatives divisionnistes de relèvement de la dette comme celle accordée à Gleneagles même si nous pouvons célébrer la victoire en termes de principe général, c-à-d que toutes les dettes, y compris le stock de dettes dues aux IFI, doivent être annulées.
Quelle direction prenons-nous donc à partir d’ici en ce qui concerne la dette :
- Accueillir le principe d’annulation du stock de la dette convenu à Gleneagles et à la réunion annuelle de la FMI/Banque mais condamner le sélectionisme et l’approche divisionniste ;
- Elaborer une stratégie de faire pression sur l’UA et ses Etats membres pour adopter une stratégie guidée par les débiteurs ;
- Faire la campagne pour une Loi Internationale devant réglementer la dette internationale.
Le Commerce
Le centre d’intérêt en politique commerciale a résidé dans quatre domaines :
- Défendre nos marchés locaux contre une libéralisation dangereuse supplémentaire ;
- Défendre nos producteurs – spécialement nos fermiers – contre la mort résultant du « dumping » des
importations subsidiées ;
- Chercher l’accès au marché sans obligation d’ouvrir des marchés réciproques ;
- Promouvoir l’intégration régionale.
Ces revendications sont pertinentes et nous devrions continuer d’y maintenir notre accent.
Nous devrions donner la priorité en particulier à ce qui suit :
- Les intérêts défensifs de nos gens : par exemple, notre accent sur l’agriculture devrait être guidé par les objectifs de sécurité alimentaire et de développement rural plutôt que par la promotion des exportations. Non seulement cette dernière ne peut, de façon réaliste, être atteinte de manière significative (sauf les denrées traditionnelles) mais aussi elle distrait des besoins de l’Afrique pour l’instant. Dans ce sens, le principal centre d’intérêt est de prévenir toute autre ouverture supplémentaire de marché (libéralisation), que ceci se fasse à travers des transactions de l’aide et de la dette ou à travers des négociations multilatérales.
Mieux encore, le but devrait être de protéger l’espace pour la politique flexible grâce à laquelle les pays peuvent varier la politique tarifaire pour qu’elle cadre avec les objectifs de développement, en commençant par les biens du consommateur et le passage aux apports intermédiaires de biens capitaux – tout en rendant flexibles les importations de biens du consommateur – au fur et à mesure que l’économie se développe. C’est cet usage flexible et progressiste des tarifs qui est essentiel en tant que stratégie d’industrialisation.
Condition pour l’industrialisation : Ceci se recoupe avec l’intérêt défensif. Le facteur contraignant clé pour l’industrialisation est la demande – la compétition provenant des biens du consommateur étrangers qui fait qu’il soit impossible `a la production locale de se poursuivre, encore moins de se rénover. L’investissement dans l’infrastructure, y compris les routes et l’énergie, va contribuer à réduire le coût des transactions mais n’est pas, tout au plus, contraignant pour l’industrialisation.
Nous ne devrions pas être distraits par le soi-disant argument en provenance des fournisseurs, argument qui suggère que les investissements en infrastructure vont corriger les pressions de compétition. La revendication politique est de ne plus donner d’accès au marché à travers les négociations de Non-Agricultural Market Access (NAMA) et d’autres tout en sauvegardant l’espace nécessaire en politique pour permettre l’usage flexible de la politique commerciale.
- Défendre les services publics : la poussée agressive sur laquelle se sont embarqués l’UE et les USA aux pourparlers en cours pour l’ouverture du secteur des services reflète le changement dans la structure de ces économies en services. Elle reflète également l’importance croissante des services pour des bénéfices et des services en tant que moyen de gagner le contrôle des ressources naturelles rares telle que l’eau.
Hormis les fournitures universelles de services par le secteur public, l’Afrique n’a aucune chance de réduire la pauvreté, de gérer l’inégalité et les conflits et faire croître la force de travail pour l’avenir. Nous devrions mettre toute l’énergie que nous pouvons mobiliser pour faire la campagne pour la fourniture universelle des services publics par le secteur public, la minimisation de la philosophie commerciale dans les services élémentaires et le fait d’éviter les engagements d’ouverture de marchés.
Marché régionaux : La question clé ici est de soutenir l’UA et les blocs commerciaux sous-régionaux afin qu’ils résistent à la pression de faire des concessions en matière d’ouverture des marchés et des tarifs aux tiers avant que les mécanismes de commerce intra-régional soient élaborés, pas moins dans les questions du Singapore. Ceci suggère la nécessité de reporter à plus tard les aspects d’accès aux marchés des Accords de Partenariat Economiques (APE) avec l’UE et de faire passer l’énergie vers la conduite de la campagne en vue d’une réforme de l’Article 24 de la composante des Accords Commerciaux Régionaux de l’OMC afin de protéger le principe moins que la réciprocité totale.
Dans l’entre-temps nous devrions appuyer l’appel de la campagne stop EPA pour une réforme des règles des aspects d’origine de « Tout Sauf les Armes » ( TSA) en vue de la rendre significatifs pour les LDC africains.
Le mandat de l’OMC et la résolution des différends : Les pays en développement, et en particulier l’Afrique, n’attendent que la perte avec une OMC ayant en mains un programme étendu plutôt qu’étroit. Ceci c’est parce que l’Afrique a au moins la capacité de défendre, encore moins de promouvoir leur intérêt aux multiples forums de négociation. La lourde dépendance du continent sur les IFI pour les ressources l’expose aux pressions unilatérales de libéralisation.
Une fois qu’on aura embarqué sur la libéralisation unilatérale, il y a toujours le risque d’engager facilement les secteurs libéralisés au blocage – dans le mécanisme de l’OMC. En plus, faire des engagements sur plusieurs fronts impose un fardeau de mise en œuvre dont le coût est relativement plus élevé pour les pays plus pauvres que pour les pays riches. C’est donc dans l’intérêt de l’Afrique qu’il faut voir une OMC plus mince.
Cependant, la décision de mettre l’accent sur le commerce à l’exclusion des investissements est une limitation grave. D’abord, l’Accord en matière de services et le programme de Singapore sont essentiellement à propos de l’investissement. Il importe de noter également que les concessions qui sous-tendent l’accès aux marchés que les gouvernements africains donnent au Nord, spécialement en services, est une attente des investissements directs étrangers et sa valeur mythique comme la solution au sous-développement.
De la même manière, les attentes du FDI sous-tendent les politiques macroéconomiques de lutte contre l’inflation par les gouvernements et le respect du paiement de la dette. La croyance au FDI est si forte que les gouvernements ont joyeusement adopté des politiques fiscales négatives pour attirer les compagnies étrangères.
Pour avoir une chance d’élaborer des politiques commerciales et macroéconomiques qui promeuvent le développement, empêcher nos gouvernements de faire des concessions d’accès au marché de façon irréfléchie et canaliser l’attention vers les ressources locales pour les investissements, nous devons d’abord efficacement promouvoir des attentes plus réalistes et moins chauvines associées avec le FDI.
Que faisons-nous donc en rapport avec le commerce et l’investissement ?
- Encourager les gouvernements nationaux à être plus proactifs dans la protection de leurs marchés spécialement dans le domaine des biens de consommation, en agriculture et dans les services publics essentiels. Ils ne vont pas nécessairement subir une action punitive. Même si cela se faisait, leurs économies pourraient toujours s’en sortir en meilleur état.
- Prêcher sur place aux gouvernements nationaux que l’ouverture des marchés ne va pas nécessairement amener le FDI et que même si cela était le cas, le FDI ne va pas nécessairement apporter le développement.
- Poursuivre la campagne en faveur de la flexibilité et mettre un terme à la libéralisation coercitive. Ceci est crucial pour la défense des producteurs de l’Afrique.
- Réduire la concentration des exportations de l’agriculture (accès au marché dans le Nord/et mettre l’accent sur ses objectifs de sécurité alimentaire et de développement rural.
- Soutenir la campagne « Stop EPA »
Financement du Développement : Au-delà du relèvement de l’aide et du commerce.
Ce qui compte pour s’assurer que les gouvernements disposent de ressources adéquates pour financer le développement, ce sont les flux nets. Ceci signifie capitaliser non seulement sur les flux d’entrées tels que les gains en provenance du commerce, ou l’aide ou les versements de fonds mais aussi ce qui est perdu au reste du monde.
Le paiement de la dette est l’une des flux de sorties. Mais il y a plusieurs autres voies par lesquelles les ressources sont perdues au continent. En effet, la réalité de l’Afrique est que les ressources qui font eau dépassent de loin celles qui y entrent.
Voilà pourquoi l’Afrique est une exportatrice nette de capitaux. Et les sommes ne cessent de s’accroître. Njukumana et al. estiment qu’entre 1970 et 2000, alors que l’Afrique a reçu environ 100 milliards de dollars en aide (y compris les prêts), elle a perdu 274 milliards de dollars en vol de capitaux, perte encourue à travers la dette, la facturation commerciale mal faite et les intérêts imputés.
Ajoutez les pertes cumulatives dues aux termes du commerce des pays de l’Afrique sub-Saharienne non producteurs d’huile, estimées par la Banque Mondiale autour de 400 milliards de dollars ou 120% des PIB combinés. Ajoutez aussi les pertes que les pays africains ont encourues tout simplement en ouvrant leurs marchés. L’Afrique a été amenée à réduire leurs taux de protection à un rythme trois fois aussi rapide que les pays de l’OECD.
Ceci a laissé le continent ouvert de façon ridicule, par rapport à son stade de développement. Christian Aid a récemment fait des calculs selon lesquels au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a perdu, en termes de revenus, l’équivalent d’au-delà de 270 milliards de dollars en provenance des seuls effets négatifs de la croissance de la libéralisation commerciale. Ce montant à lui seul fait plus que l’équivalent de la valeur cumulée des subventions, des prêts et des FDI nets canalisés vers le continent.
Ajoutez les pertes dues à la compétition fiscale, l’évasion des impôts et le fait d’éviter les taxes. La taxation qui a bien servi aux pays développés en tant que moyen de redistribution et de source de capitaux d’investissement mais qui a été réduite à travers la déréglementation pratiquée qui a promu la compétition fiscale, l’évitement des taxes et les havres fiscaux.
Comme résultat, alors que le revenu des gouvernements en provenance de la taxation dans les pays développés est en moyenne 30% du PIB entre 1990 et 2000, en Afrique sub-saharienne ceci a baissé au fur des années pour atteindre une moyenne de 17,9% du PIB. Les pertes résultant de la compétition fiscale ont grandement profité aux compagnies multinationales tandis que la charge fiscale a été transférée aux salariés et aux petites entreprises.
Certains analystes suggèrent que les producteurs d’huile africains gouvernent moins de 20% des bénéfices. Le reste est perdu à un réseau compliqué de pratiques commerciales injustes. Le transfert de revenus aux havres fiscaux par ces compagnies et ces individus riches aggrave davantage la perte de revenus.
On estime qu’au moins 11,5 trillions de dollars sont actuellement tenus dans à peu près 74 havres fiscaux – perdus aux autorités fiscales – par des individus riches. Ceci n’inclut pas les profits blanchis d’affaires qui fonctionnent à travers les havres fiscaux afin d’éviter les taxes et n’inclut pas non plus l’argent illégalement transféré à l’étranger à travers la corruption, les drogues et le blanchissement d’argent. Les éléments qui viennent d’être cités renferment, dans tous les cas, une part de pertes de ressources beaucoup plus petite que l’on ne croit en général.
Comme il ressort évidemment des lignes ci-dessus, l’Afrique n’est pas aussi pauvre ou aussi impuissante qu’on la présente souvent. Par contre, c’est un continent qui fait eau gravement. La tâche est de colmater ces fuites. Pour faire cela, la société civile africaine doit tourner l’attention sur les préoccupations suivantes :
- Soutenir des campagnes visant la transparence au sein des compagnies ;
- Campagnes contre les concessions fiscales et pour les politiques fiscales progressistes ;
- Travailler avec les réseaux pertinents pour mener la campagne visant à mettre un terme à
l’occultisme bancaire et aux havres fiscaux ;
- Faire le suivi de la recommandation du rapport de la Commission Afrique chargée de poursuivre et retourner les richesses volées à l’Afrique et de mettre en place des mesures destinées à décourager les transferts illicites à l’étranger.
Au fait, les taxes et le fait de se fier aux sources locales pour le financement du développement fournissent aussi un climat plus propice à la promotion de la responsabilité démocratique que la dépendance sur l’aide. Nous avons une obligation de colmater les fuites.
* Charles Abugre est actuellement responsable de la politique et de la plaidoirie auprès de Christian Aid. Il fut militant du développement au Ghana et dans plusieurs parties de l’Afrique et de l’Asie. Le présent article est une version abrégée d’un document présenté lors de la réunion de concertation organisée en Afrique par Global Call for Action Against Poverty (GCAP), réunion qui s’est tenue à Harare, Zimbabwe, du 7 au 10 novembre 2005. Veuillez envoyer vos commentaires à l’adresse
* Cet article a d'abord paru dans l'édition anglaise de Pambazuka News numéro 240. Voir :