Larmes de joie : Les contacts humains débouchant sur le développement humain

A travers les âges, nous avons reconnu cette vérité évidente, selon laquelle le bonheur est favorisé par nos liens avec les autres. Ceci est tout à fait approprié en termes de développement humain.

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Nous pouvons savoir, peut-être même personnellement, qu'une lacune dans la société peut plonger d'innombrables personnes dans la souffrance. Ici au Maroc, un tel vide, celui de l'implacable pauvreté, existe, en particulier en milieu rural (où la pauvreté est généralement plus concentrée dans le monde entier) et surtout dans les zones montagneuses du Royaume.

Dans le même temps les gens identifient les possibilités d’améliorer leur bien-être qui est si proche, mais qui demeure hors de portée d’année en année. Le sociologue Charles Tilly a suggéré que la disparité entre les conditions d’existence déplorables vécues actuellement et les améliorations que nous pouvons envisager, mais dont nous pensons que nous sommes privées, est une condition première qui propulse des mouvements sociopolitiques pouvant entraîner des conflits.

A travers les âges, nous avons reconnu cette vérité évidente, selon laquelle le bonheur est favorisé par nos liens avec les autres. Ceci est tout à fait approprié en termes de développement humain puisque des conditions socio-économiques désastreuses sont effectivement inversées par des personnes et des groupes qui se mettent en relation et communiquent par le biais de l’approche démocratique participative. Lorsque ces procédures sont utilisées pour créer un développement géré à l’échelon local, des convictions d’autonomisation sont engendrées chez les bénéficiaires, en même temps que la joie qui accompagne une plus grande autodétermination. En substance, les éléments qui sont cruciaux pour la durabilité du projet conduisent également au bonheur.

UNE ‘ETINCELLE’ HUMAINE

Imaginez le sentiment d'appartenance à une communauté marginalisée ne disposant guère d’une dynamique de changement. Un jour, un animateur de dialogue communautaire commence à organiser - et à catalyser – des réunions où les membres de chaque ménage règlent leurs différends et décrivent leur vision pour l'avenir, tous dans le but de définir un plan d'action commun pour le changement qu'ils recherchent.

La mobilisation pour le développement nécessite cette étincelle, qu’elle soit fournie par un agent externe ou une femme leader locale, le membre d’une association, un fonctionnaire ou un bénévole formé. Il est après tout très rare qu'une communauté se réunisse spontanément pour résoudre ses divergences en vue de faire avancer la cause commune. En outre, même dans des pays comme le Maroc où la loi exige l'établissement de plans de développement fondés sur la volonté collective de la population, la mise en œuvre effective d'une véritable expérience participative risque de rester un vœu pieux. Les personnes capables d'agir comme des vecteurs d’un changement constructif sont par conséquent celles qui ont suivi des programmes de formation pratique où elles ont appris à animer le dialogue communautaire dans des contextes réels.

DES PARTENARIATS FRUCTUEUX

Partons du principe qu’un plan de développement reflétant les priorités de la population est en place. Bien qu’il s’agisse d’un premier pas nécessaire et positif, la bataille n’est pas encore gagnée ; une transition réussie vers la mise en œuvre nécessite en effet ses propres possibilités fortuites.

La collecte de fonds pour établir des projets nécessite l'établissement de partenariats au début du processus, lorsque les communautés déterminent leurs initiatives les plus importantes, afin que les bailleurs de fonds éventuels soient attirés le plus tôt possible dans l'expérience de la planification participative.

Dans le Maroc rural, les chances de bénéficier d’un financement de projet sont encore plus faibles, vu que le taux d'analphabétisme est un important facteur d’inhibition du type de communication requise. Dans le monde entier, les donateurs potentiels feraient à la fois preuve de sagesse et de générosité s’ils acceptaient les propositions soumises de façon facilement transmissible par les bénéficiaires, c’est-à-dire par voie orale ou rédigées dans les langues locales traditionnelles (qui sont souvent menacées).

SAVOURER LA VICTOIRE

Enfin, imaginons que le déclenchement et la facilitation du dialogue communautaire débouchent effectivement sur des plans communs de projets, auxquels les bailleurs de fonds sont prêts à contribuer financièrement, ainsi que les bénéficiaires par le biais de la main-d’œuvre en nature et par d’autres moyens vitaux.

Cette manifestation d'une idée ou d’un objectif défini individuellement dans la réalité est une source d’autonomisation interne et externe. L'expérience renforce la confiance, le sentiment d’autonomie et la croyance dans l'efficacité de l'action collective tout en perfectionnant les compétences techniques et managériales.

Selon mon expérience, lorsque les communautés sont assez chanceuses pour passer à la phase de mise en œuvre, il survient presque sans exception au moins un moment magique de réflexion, d'émerveillement et de profonde gratitude. Les gens considèrent tout ce qu’ils ont parcouru pour arriver au moment de la concrétisation, de la construction ou de la plantation, de l'enseignement, de l'apprentissage ou de faire une présentation, ainsi que la nature imprévisible du chemin qu'ils ont parcouru, guidés par les principes de la démocratie participative. Ces moments, même s’ils sont éphémères, sont vraiment heureux car ils résument le sentiment d'accomplissement qui, une fois reconnu, peut être plus facilement atteint à l'avenir.

La durabilité nécessite donc la participation populaire pour entraîner dans son sillage aussi bien l'autonomisation que nous cherchons que le bonheur dont nous avons besoin.

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** Dr Yossef Ben-Meir est président de la Fondation du Haut Atlas.

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