L'amertume du retour à la discipline, au travail et à beaucoup de sacrifices, nécessaires à la relance, ne passera pas sans un dialogue de qualité entre tous les acteurs.
Le SeFaFi concluait son premier communiqué de 2014 [1] par la nécessité de « réconcilier les Malgaches avec la politique ». En plus de l'indispensable renouvellement des pratiques et de la classe politiques, le vrai dialogue constitue l'une sinon la principale des voies de cette réconciliation fondamentale.
Déjà, en toutes les périodes de sortie de crise, le dialogue est une priorité pour essayer de se mettre d'accord sur une lecture commune des événements passés ainsi que sur le diagnostic de la situation. Mais il est surtout indispensable pour que soient fixées ensemble les règles communes ou leur application, ainsi que les perspectives d'avenir de la nation. Pratiquer le vrai dialogue c'est renouer avec le bon sens et la sagesse populaires : « plus on est nombreux à échanger, et plus on voit loin » (ny hevitry ny maro mahataka-davitra) ; ou encore : « il n'y a rien plus amer que le piment, mais les décisions concertées sont acceptées par tous » (tsy misy mangidy toy ny sakay fa teny ieràna dia lany).
Les règles communes, ce sont d'abord la Constitution et les lois. Les perspectives d'avenir, ce sont les orientations et les plans définis pour le développement harmonieux du pays. Tant que ces règles et ces perspectives ne seront pas fixées dans un esprit de vrai dialogue avec un souci véritable d'intelligibilité, même si la décision et la responsabilité reviennent aux hommes politiques, il n'y aura pas de réconciliation des Malgaches avec le monde politique. Car ce sont ceux qui détiennent le pouvoir, politique d'abord, mais aussi économique, qui ont la plus grande responsabilité de la qualité du dialogue. L'amertume du retour à la discipline, au travail et à beaucoup de sacrifices, nécessaires à la relance, ne passera pas sans un dialogue de qualité entre tous les acteurs.
Mais où en sommes-nous alors en cette fin d'année 2014 ?
Le communiqué [2] commun du patronat et des syndicats des travailleurs du privé est passé inaperçu dans la multitude des annonces, à l'approche des festivités. Mais son contenu est profondément inquiétant, compte tenu du fait que le monde du travail se trouve au cœur de la relance économique. En effet, ce communiqué fait clairement apparaitre un déficit grave de dialogue dans la gouvernance de notre pays. Les règles instituées par des conventions internationales ratifiées par Madagascar et entérinées par la loi - en l'occurrence, ici, le Code du Travail et ses textes d'application -, ne sont pas respectées. Et les instances de dialogue telles que le Conseil national du travail [3], instituées par ailleurs par la loi, ne fonctionnent pas du tout ou sont ignorées par les détenteurs du pouvoir.
Les séminaires et autres ateliers, qui se multiplient en fin d'année pour permettre de décaisser les reliquats de financement, ne sont pas forcément la meilleure voie du dialogue : ils n'en ont souvent que l'apparence. Mais comment instituer un minimum de confiance mutuelle avec de telles pratiques ? Seules les instances qui respectent les règles, notamment celle de la représentativité, sont légitimes et, de ce fait, susceptibles de développer la confiance sur le long terme.
La Constitution votée en 2010 prévoit, dans une démarche de dialogue vrai, la mise en place d'un Conseil Économique, Social et Culturel, instance de dialogue plus élargi et d'avancée vers une démocratie plus participative. Ni l'exécutif ni les députés n'ont jugé utile d'en faire une priorité, dans la mise en place des institutions de la quatrième république, et la Loi de Finances 2015 l'ignore complètement. Finalement, le plus consternant en cette affaire est que ni la société civile ni la société économique ne s'en émeuvent. Mais il est encore temps de se ressaisir.
Il reste à espérer que les jours fériés de 2015, ainsi que les évolutions attendues des revenus des travailleurs dans leurs différents aspects, y compris fiscaux, seront fixées dans le dialogue et les instances appropriées, conformément à la loi [4]. Ce sera un signe du renforcement de la performance, de l'efficacité et de l'autorité de l'État auquel tout le monde aspire et qui devra être l'un des principaux chantiers pour 2015.
Outre ces questions liées à l'emploi et l'entreprise, un dialogue autour des réformes proposées mais non-discutées concernant notamment la décentralisation et des nouvelles institutions constitutionnelles, présentées sous forme de projets de lois toutes faites, méritent plus d'ouverture et de dialogue.
Enfin, le dialogue est un élément indissociable de la réconciliation nationale, qui semble se cantonner actuellement à des tractations secrètes et exclusives. Le SeFaFi avait souligné qu'en parallèle à la réconciliation entre politiques, il faut une réconciliation plus élargie[5], qui inclut une mise en place d'une décentralisation à laquelle la population adhère, et une meilleure transparence et égalité des chances autour de l'accession au pouvoir. A la veille d'une nouvelle année d'élections et d'une continuation de la mise en place de toutes les institutions de la République, la communication et le dialogue s'annoncent primordiales.
Antananarivo, 17 décembre 2014
NOTES
[1]. « Après les élections, mise en place des institutions et réconciliation », 11 février 2014.
[2]. « Appel des partenaires sociaux au dialogue social », GEM, FIV.MPA.MA, CTM, du 5 décembre 2014.
[3]. Ce n'est pas le seul conseil qui ne fonctionne plus du tout, alors que les textes les instituant sont toujours en vigueur.
[4]. L'article 81 de la loi 2003-044 prévoit en effet que les jours fériés et les jours ponts soient fixés en début d'année dans une liste limitative fixé par décret, après avis du Conseil National du Travail.
[5]. « Après les élections, mise en place des institutions et réconciliation » du 11 février 2014, et « Réconciliation et pouvoir » du 22 octobre 2014.
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