Un nouveau rapport appelle à une action mondiale pour combattre la sur-utilisation de la détention provisoire, mettant en évidence son impact dévastateur sur le bien-être sur les individus et les communautés.
Le rapport, «Présomption de culpabilité : la sur-utilisation mondiale de la détention provisoire», est le premier sondage mondial sur les dommages infligés par l'enfermement des défendants avant leur jugement, alors qu'ils pourraient être relâchés en toute sécurité dans leur communauté.
Écrit par l'Initiative de justice de la société ouverte, le rapport de 260 pages qualifie l'utilisation excessive de détention provisoire « un modèle massif et largement inconnu d'abus des droits humains qui affecte —avec une estimation conservative— 15 millions de personnes par an. « Le droit à être présumé innocent jusqu'à culpabilité prouvée est universel, mais aujourd'hui environ 3,3 millions de personnes dans le monde sont derrière les barreaux, attendant un procès qui peut être dans des mois voire des années», déclare Martin Schoenteich, officier légal sénior à l'Initative de justice et auteur du rapport. Il ajoute qu'« aucun droit n'est aussi largement reconnu en théorie mais autant violé en pratique. Il semble juste de dire que l'utilisation mondiale de la détention provisoire est l'abus des droits humains le plus ignoré de notre époque. »
Dans la région Afrique de l'ouest, le Libéria, Bénin, Togo, Nigéria et la Guinée sont tous dans la liste des 20 pays où plus de deux tiers des prisonniers sont en attente de procès. Beaucoup de ces détenus provisoires passeront des mois ou des années en attente de procès. Dans un cas qui n'est tristement pas rare, un détenu au Nigéria, Sikuru Alade, a été libéré l'année dernière après plus de neuf années à attendre le procès pour un vol mineur, après une intervention de la Cour communautaire de la Cedeao.
Sans surprise, la grande majorité des plus de 135 millions de personnes dans le monde qui finissent en détention provisoire tous les ans sont pauvres. Le rapport note que les pauvres « sont plus amenés à entrer en conflit avec la loi, plus amenés à être détenus en attendant le procès » et moins capables de s'offrir les clés d'une libération provisoire : un pot de vin, une caution ou un avocat. Les minorités éthniques, et les groupes excluts comme la communauté Dalit en Inde, sont aussi représentés disproportionnellement dans les populations de détenus provisoires dans le monde.
Beaucoup ne doivent pas être là, mais sont détenus pour des charges liées à des offenses mineures, non-violentes. Il en résulte que, du Brésil au Pakistan, les défendants passent plus de temps derrière les barreaux en attendant le procès que la peine maximum qu'ils encourent s'ils sont finalement condamnés. Au Chili, entre 2005 et 2010, moins d'un quart des détenus provisoires terminaient avec une peine sous condition.
Le rapport détaille le gâchis horrifique de vie humaine qui suit—dans les pires cas les défendants peuvent passer des années en détention provisoire, leurs dossiers désespérément oubliés. Comparativement aux prisonniers condamnés, les détenus provisoires ont souvent moins d'accès à la nourriture, aux lits adéquats, à la santé ou à l'exercice. Les maladies infectieuses—Vih/sida, hépatites et tuberculose—sont communes.
En prison, les détenus sont aussi exposés aux risques de violence, y compris les tabassages et la torture pour extraire des confessions, ainsi qu'à la corruption, car ils se retrouvent obligés à payer pour s'assurer l'accès à des aliments et habits corrects, ou même pour s'assurer un procès. Le rapport note que, selon l'Organisation mondiale de la santé, les taux de suicides chez les détenus provisoires sont trois fois ceux des prisonniers condamnés.
« Toutes les détentions provisoires ne sont pas irrationnelles ou illégales, » déclare James A. Goldston, directeur exécutif de l'Initiative de justice. « Les personnes qui présentent un véritable risque d'évasion ou de mise en danger des témoins ou de la communauté doivent être détenues avant procès, en l'absence d'alternatives raisonnables. Appliquée correctement et avec parcimonie, la détention provisoire a un rôle important dans un système de justice criminelle équilibré. »
Le rapport souligne aussi des solutions disponibles pratiquées dans le monde pour réduire la détention provisoire. Une étape importante est de fournir aux défendants des conseils légaux lorsqu'ils sont face à un magistrat, pour assurer qu'il y a de bonnes raisons pour l'arrestation, et pour faire le dossier de libération provisoire s'il n'y a pas de menace publique. Ces projets ne coûtent pas beaucoup d'argent, et peuvent réduire les coûts et arrêter la surpopulation carcérale. D'autres étapes soulignées dans le rapport comprennent financer correctement la formation des juges et de la police, et même des étapes de base comme s'assurer qu'il y a des véhicules de police disponibles pour amener les prisonniers au procès.
Le rapport en appelle aux gouvernements et aux donateurs pour supporter ce type de travail de réforme, qui a un impact direct sur le bien-être économique et social des familles et communautés des détenus. Pour cela, Goldston a noté que son organisme et les autres sont maintenant pression pour que les nouveaux objectifs de développement post 2015 de l'Onu, aujoud'hui en négociation à New-York, incluent des objectifs clairs et mesurables pour ce type de travail - dans la rubrique « accès à la justice».
«Après des décennies de sur-incarcération, diminuer le nombre de personnes derrières les barreaux en attente de procès est un impératif mondial—pour répondre à la surpopulation carcérale , limiter la diffusion de maladies, combattre la corruption et promettre l'application de la loi», déclare-t-il.
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