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Le Rwanda a traversé un conflit dévastateur. Il présente au monde un modèle de pardon, de réconciliation et de justice transitionnelle. La capacité de la communauté rwandaise de nouveau vivre ensemble nous donne de l’espoir que les gens peuvent détruire mais qu’ils peuvent aussi guérir et construire.

Mon voyage au Rwanda au début de cette année a été l’une des expériences les plus intéressantes et enrichissantes de ma vie. Je suis allé au Rwanda avec un petit groupe d’études pour apprendre à propos du génocide et pour voir ce que le pays a accompli en matière de récupération. Vingt ans s’étant écoulé depuis le génocide, c’était un moment opportun pour être là-bas et de commencer un voyage d’exploration. Dans ces quelques lignes ci-dessous, j’essaie de faire la synthèse de mon expérience avec des mots dont j’espère qu’ils exprimeront de façon adéquate la complexité de mon expérience et de mes impressions.

Entre avril et juillet 1994, un génocide a balayé le Rwanda et a fait 800 000 morts. Des hommes, des femmes, des enfants. Un propagande intense a amené la majorité de la population a considéré ses voisins et les membres de sa famille comme des ennemis. Des plans d’extermination prévoyant la mise à mort de 1000 Tutsis toutes les 20 minutes ont été mis en œuvre. Les femmes ont été violées et tuées. Un grand nombre de personnes ont été déplacées et d’autres sont partis comme réfugiés dans les pays voisins. Leur seule faute était d’être des Tutsis ou des Hutus qui tentaient d’empêcher le massacre.

J’ai écouté certaines histoires de survivants. Une personne a été séparée de ses enfants après que son mari ait été tué : "Les Tutsis étaient expulsées de leur maison. Avant que ne commence la tuerie, des Hutus venaient dans nos maisons, se sont emparés de nos possessions et nous ont évacués. Après qu’ils nous aient tout pris, ils revenaient le lendemain pour nous tuer." Elle a ajouté : "si un Hutu cache un Tutsi, ils seront tués tous les deux. Par conséquent de nombreux Hutus modérés ont été tués parce qu’ils rejetaient la violence et n’ont pas pris part à la violence". Un autre survivant a ajouté : "A nous autres Rwandais on nous a fait accroire que nous étions divisés en groupes ethniques bien que nous sachions que ce n’est pas vrai. Nous parlons la même langue, nous partageons la même culture. L’ethnicité a été politisée."

Le génocide a été si brutal. Le massacre a eu lieu en plein jour et les auteurs de ces crimes se sentaient en sécurité parce que l’armée et la police étaient impliquées. Le carnage s’est poursuivi sans relâche pendant trois mois cependant que la communauté internationale est restée passive.

Le génocide a laissé le pays exsangue, les survivants traumatisés et le tissu social détruit. Les relations qui existaient préalablement entre membres des communautés ont été érodées. La communication véritable entre les parties au conflit a été coupée et les liens de confiance ont disparu.

Un survivant du génocide témoigne : "Avant le génocide nous vivions bien avec nos voisins. Après quelque temps nous nous sommes rendus compte que les attitudes des uns envers les autres ont commencé à changer. Ils se regardaient avec méfiance. Ils ont commencé à se classer comme Tutsi ou comme Hutu et à faire des différences entre eux."

Au terme du génocide, (…) la promotion de l’autorité de la loi ont aidé à ce que la justice fasse son travail. Surtout, ils ont compris que pour qu’une paix juste et durable s’instaure, il fallait développer et transformer les relations au sein de la société. Par conséquent, des projets de réconciliation de la société et de guérison du traumatisme ont vu le jour et un processus relationnel et psychologique a été développé pour réparer les liens rompus et faire en sorte que les gens soient à l’aise les uns avec les autres.

Autant les victimes que les bourreaux ont été inclus dans les programmes de guérison du traumatisme. C’était des gens qui vivaient côte à côte. Lorsque les bourreaux exprimaient leur traumatisme devant les survivants, ceux-ci comprenaient que les bourreaux souffraient aussi. Ce partage a permis au gens de se rejoindre. Alors qu’ils se réunissaient, les bourreaux demandaient pardon. Si les gens peuvent se rassembler sans violence en un endroit, il y a alors des lueurs de confiance qui peuvent être encouragées.

Le processus de construction de la paix entrepris au Rwanda montre que la guérison et la réconciliation sont possibles mais n’aboutissent pas en un jour. La guérison du traumatisme et la réconciliation est un processus qui requiert le soutien de la communauté. Le traumatisme non guéri peut facilement être transféré. Dans le processus de réconciliation et de guérison du traumatisme, la justice a en partie eu lieu. Les gens ont pu exprimer leur colère et connaître la vérité de ce qui leur est arrivé, parler ensemble et se pardonner. Alors qu’une partie du travail s’est faite sous les auspices du gouvernement, le reste s’est opéré au niveau des gens eux-mêmes, en parlant les uns avec les autres et en se pardonnant réciproquement.

Le Rwanda a traversé un conflit dévastateur. Il présente au monde un modèle de pardon, de réconciliation et de justice transitionnelle. La capacité de la communauté rwandaise de nouveau vivre ensemble nous donne de l’espoir que les gens peuvent détruire mais qu’ils peuvent aussi guérir et construire. Comme tout modèle, il n’est peut-être pas parfait mais les Rwandais ont fait un long chemin. Ils ont reconnu leur passé et se sont pardonnés les uns les autres qui est un prérequis pour construire la paix. Ils ont suivi le dur chemin qui consiste à se pardonner à soi-même et à pardonner à quelqu’un d’autre.

Pour moi, le Rwanda est plus qu’une étude de cas. C’est un modèle, l’exemple d’un pays qui a été déchiré après une guerre dévastatrice mais en même temps un pays déterminé à progresser après que le monde l’ait ignoré. Vingt ans ont passé depuis le génocide et le Rwanda semble reprendre vie. Néanmoins certaines blessures semblent toujours vives. Pour les survivants ce mois est douloureux parce qu’il ramène le souvenir des disparus. Pourtant, le Rwanda est un Etat sur le chemin de la guérison, qui a fait des progrès significatifs au plan économique et de la co-existence

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** Engy Saïd* est titulaire d’un Master en résolution des conflits et paix international. Il est aussi chercheur dans les domaines de la paix, de la transformation des conflits, de l’identité politique et des études de genre – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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