Centrafrique : Ne pas exonérer les responsabilités de la France

La facilité de langage qui classe les anti-Balaka comme milices chrétiennes et la Seleka comme musulmane, ne doit pas nous conduire à lire le conflit comme religieux. La présence d’amulettes et de gris-gris dont se parent les miliciens des deux côtés montrent qu’avant tout leur croyance est profondément animiste. Les divisions communautaires en Centrafrique, hélas, ne datent pas d’hier et le chaos qui ravage ce pays dément largement le contentement de Paris.

Paul Martial

Sangaris ne dérogera pas à la règle des interventions militaires françaises brèves et qui … s’éternisent : Prévue pour une durée de six mois, l’opération en Centrafrique de l’aveu même de Le Drian (Ndlr : ministre français de la Défense), sera « vraisemblablement prolongée » et va être l’objet d’un débat au Parlement.

Sûr que lors des débats, nous aurons droit à un auto-satisfecit du gouvernement qui est déjà repris en boucle par les médias, d’autant plus facilement que droite et gauche sont d’accord sur le principe même de l’intervention.

La situation en Centrafrique, pourtant, dément largement le contentement de Paris. Dès le début, l’intervention française a exacerbé la crise plutôt que de l’apaiser. En effet, l’offensive des Anti-Balaka, dont certains groupes sont des soutiens à l’ancien dictateur François Bozizé, a commencé le 5 décembre par une attaque simultanée aux trois endroits stratégiques de Bangui, jugeant l’arrivée des Français comme une aubaine pour reprendre le pouvoir.

Si Le Drian se félicite de la stabilisation de la situation à Bangui, c’est tout simplement parce que la grande majorité des musulmans ont fuit la capitale. La Seleka qui s’était emparée du pouvoir s’est disloquée, et les groupes armés remontent vers le nord du pays en semant mort et désolation comme nous l’avions déjà pressenti il y a quelques semaines.

De nombreuses critiques fusent, notamment celles de Human Right Watch ou d’Amnesty International, sur l’absence de protection des musulmans par les militaires français de Sangaris, à tel point que la Ceeac, la structure qui regroupe les Etats d’Afrique centrale a «appelé à plus d’impartialité dans le désarmement des milices ».

La facilité de langage qui classe les anti-Balaka comme milices chrétiennes et la Seleka comme musulmane, ne doit pas nous conduire à lire le conflit comme religieux. La présence d’amulettes et de gris-gris dont se parent les miliciens des deux côtés montre qu’avant tout leur croyance est profondément animiste. Ensuite, beaucoup d’acteurs de la paix sont des religieux. Il est rare dans les colonnes de ce journal de rendre hommage à des dignitaires catholiques ou musulmans, surtout par les temps qui courent en France, mais force est de constater que les efforts de l’archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, et de l’imam Oumar Kobine Layama, sont méritoires et courageux.

Les divisions communautaires en Centrafrique, hélas, ne datent pas d’hier. Déjà, en 1981, après la chute de Bokassa, le général Kolingba, cornaqué par le colonel Jean-Claude Mantion de la Dgse (Ndlr : contre-espionnage français) va prendre le pouvoir et continuer une politique ethnique, qui a été suivie ensuite par les autres dictateurs qui eux aussi ont tous bénéficié de la mansuétude et du soutien de la France.

Dans les années 2000, Bozizé, le dictateur qui a été déchu, ne cessera de lancer les Force armées centrafricaines (Faca) contre les rebelles du nord du pays qui formeront plus tard la Seleka. Sous l’œil de l’armée française, les Faca vont se rendre coupables des pires exactions contre les populations civiles, créant une fracture entre le nord et le sud du pays qui explique en grande partie la situation actuelle.

Pourtant dans certains endroits, la haine ethnique ne prend pas le dessus. A Bangassou dans le sud du pays, la population a évité la violence entre les communautés en instaurant des procédures de médiation en dépit des appels à la haine de dirigeants anti Balaka et Seleka, des appels qui montrent bien la responsabilité des dirigeants politiques dans le drame que vivent les populations de Centrafrique.

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** Paul Martial est rédacteur de Afriquesenluttes (afriquesenluttes.org)

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