Amilcar Cabral : Une lumière éclatante et un guide pour la révolution panafricaine et socialiste

Peu de pays africains ont réalisé une indépendance politique totale et aucun n’a été capable de libérer ses forces de productions. Ceci reste à réaliser. Les pensées d’Amilcar Cabral fournissent le plan pour y parvenir.

"Les déficiences idéologiques, pour ne pas dire le manque total d’idéologie au sein des mouvements nationaux de libération, essentiellement dues à l’ignorance de la réalité historique que ces mouvements affirment vouloir transformer, constitue une des plus grandes faiblesses de notre lutte contre l’impérialisme, sinon la plus grande. Nous croyons néanmoins qu’un nombre suffisant d’expériences diverses ont été accumulées pour nous permettre de définir une ligne générale de réflexions et d’actions dans le but d’éliminer cette déficience". (Amilcar Cabral The weapon of theory) [1]

INTRODUCTION

Cet article se propose de présenter une image concise de la claire vision révolutionnaire d’Amilcar Cabral, notre camarade éternel, le propos étant qu’aussi bien sa théorie que sa pratique sont pertinentes pour fournir aujourd’hui une direction politico idéologique. Non seulement en Guinée Bissau et au Cap-Vert, mais aussi pour l’Afrique et les révolutions socialistes de par le monde.

L’article présentera de façon concise ses directives politiques dans le cadre d’un programme cohérent. A savoir les fondamentaux, les objectifs et le développement culturel pour une idéologie de la révolution africaine liée à des stratégies pour des structures sociopolitiques. Sous une forme concentrée, notre modeste tentative est de projeter la pertinence de l’exemple valeureux de Cabral pour la Guinée Bissau, l’Afrique et le monde

Ceci sert d’appel à l’action pour ceux qui, honnêtement, rendent hommage à Amilcar Cabral dans la pratique. A savoir :

1) institutionnaliser l’éducation politico-idéologique au sein des partis politiques, intégrant une étude systématique de la contribution de Cabral à la culture de masse, mais aussi une idéologie pour la révolution panafricaine et socialiste.

2) s’assurer que ceux responsables des structures de masse soient constamment en train d’étudier les théories révolutionnaires et les mettent en œuvre fidèlement, de la base aux dirigeants.

3) Coordonner systématiquement le développement d’une idéologie cohérente par une étude systématique et par la pratique avec d’autres partis similaires dans toute l’Afrique et dans le monde progressiste et révolutionnaire

PRISE DE CONSCIENCE REVOLUTIONNAIRE ET PARTI PERMANENT DE MASSE

La prise de conscience révolutionnaire instillée dans le peuple en raison de la conception de masse qu’avait le Paigc (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert - www.paigc.org) et la nature de masse de la glorieuse lutte armée pour la libération nationale sont les véritables raisons pour lesquelles Paigc est toujours vivant, vibrant et en lutte.

Cabral a donné la priorité des priorités à la formation des cadres qui poursuivraient son travail en théorie et en pratique après sa disparition. Afin de compléter le noyau de cadres qui ont été avec lui depuis avant le début de la glorieuse lutte armée pour la libération nationale, il a établi dans les zones libérées des internats dans lesquels les enfants ont reçu une formation politico-idéologique. Les meilleurs de ces étudiants étaient ensuite envoyés à la "Escola Piloto" à Conakry, situé à côté du quartier général du Paigc.

Cabral a passé régulièrement du temps à participer à leur formation idéologique et leur a rappelé qu’ils seraient les futurs cadres politiques de notre pays à sa libération. Pour les militants armés (pas les militaires), des centres idéologiques étaient établis en sus des commissaires politiques au sein des forces armées de la révolution du peuple. D’autres militants étaient envoyés en Chine, à Cuba, au Ghana, en Urss et en Europe de l’Est pour la formation politique et militaire.

Ces cadres non reconnus ont intensifié le travail révolutionnaire, surtout dans la période récente.

Ceci explique peut-être pourquoi le Paigc est l’un des seuls partis en Afrique à avoir perdu le pouvoir étatique pour le retrouver à deux reprises (en 2004 et encore en 2008). En effet, après le coup d’Etat néocolonialiste contre le gouvernement Cpp de Kwame Nkrumah au Ghana (1966) et le coup d’Etat néocolonialiste contre le gouvernement mené par le Pdg-Rda (sur la dépouille de Ahmed Sékou Touré) dans la République populaire révolutionnaire de Guinée, aucun de ces partis n’ont réussi à reprendre le pouvoir étatique à ce jour. Non seulement le Paigc en a été capable, mais il est prévu qu’il garde le pouvoir lors des prochaines élections en 2014.

FONDAMENTAUX, OBJECTIFS ET STRATEGIE : ELEMENTS DECISIFS

Ceux qui veulent honnêtement poursuivre le travail d’Amilcar Cabral doivent adhérer aux trois éléments suivants :
1) le programme politique, y compris idéologique, la stratégie, les fondamentaux, la tactique et les objectifs ;
2) les structures (sociopolitiques) enracinées dans la culture populaire à un niveau national africain et international afin de traduire le programme politique en action et ainsi gagner de la conscience révolutionnaire et
3) suivre son valeureux exemple politico-culturel

PROGRAMME POLITIQUE
Le programme politique élaboré par Amilcar Cabral inclut les fondamentaux, les objectifs, l’idéologie, la stratégie et les tactiques.

FONDAMENTAUX ET OBJECTIFS
L’objectif fondamental de la libération nationale n’est pas simplement l’indépendance politique. Il va plus loin, aux niveaux plus élevés de la libération des forces de production, en mettant les moyens de production dans les mains du peuple pour son propre progrès (économique, politique social, culturel, etc.), selon notre culture et en récupérant notre histoire [2]

L’objectif ultime est de débarrasser la société de toutes les exploitations, de développer des cadres techniques et politiques et de créer un homme nouveau qui donne selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Avec les moyens de production dans les mains du peuple.

IDEOLOGIE POUR L’AFRIQUE ISSUE DE NOTRE CULTURE/HISTOIRE
"…La valeur d’une culture comme élément de résistance à la domination étrangère réside dans le fait que la culture est une manifestation vigoureuse, sur le plan idéologique et idéaliste, de la réalité physique et historique qui est dominée ou appelée être dominée. La culture est simultanément le fruit de l’histoire d’un peuple et un déterminant de l’histoire par l’influence positive ou négative qu’elle exerce sur l’évolution entre l’homme et son environnement, entre les hommes ou des groupes d’hommes au sein d’une société ainsi qu’entre différentes sociétés" National liberation and culture (1970)

L’idéologie enracinée dans la culture régule les relations en action. De par la pratique culturelle, notre idéologie se développe et une nouvelle société émerge. Afin de réaliser notre objectif, nous devons résoudre la déficience idéologique.

Dans son discours intitulé "Fundamentals and objectives of national liberation in relation to social structure" (Cuba, Tricontinental conference 1966 aussi connu sous le nom de "weapon theory") [3], Cabral a dit : "La déficience idéologique est la plus grande faiblesse que nous avons en Afrique". Et de poursuivre afin de donner une direction idéologique : "…Nous avons néanmoins assez d’expérience accumulée pour tracer une ligne de base de l’idéologie pour l’Afrique."

A cette conférence participaient des représentants africains asiatiques et d’Amérique latine, provenant des deux courants du monde révolutionnaire : le courant qui a émergé lors de la grande révolution socialiste d’octobre et celle de la révolution nationale de libération.

LA PENSEE D’AMILCAR CABRAL ALLAIT AU-DELA DU MARXISME LENINISME
Nombreux sont ceux des deux courants qui se considéraient comme marxiste-léniniste. Sûrement que si Cabral avait considéré que le marxisme-léninisme était capable de résoudre les déficiences idéologiques en Afrique, il aurait alors sûrement proposé que le marxisme-léninisme soit enseigné pour remédier à cette déficience.

Plutôt, il a clairement dit que les idéologies ne peuvent être importées malgré leur attraction. Son diagnostic a été que beaucoup vont lutter contre l’impérialisme mais ne luttent pas pour la libération nationale et ne sont pas conscients de la réalité qu’ils veulent changer. Ce dont on se souvient le plus, concernant sa présentation historique, a été sa révision de l’emphase marxiste sur la lutte des classes comme étant la force motrice de l’histoire, en démontrant que celle-ci est pertinente seulement à des époques où les classes existent mais n’a évidemment pas de raison d’être là où il n’y a pas de classe (c'est-à-dire que sans classe, il n’y a pas de lutte des classes).

Il remarque que dans l’histoire du monde, il y a eu une époque où il n’y avait pas de classes sociales (avant le régime de la propriété privée, c'est-à-dire à l’époque du communalisme) et il y aura une époque où les classes cesseront d’exister (communisme) Il demande : "Cela signifie-t-il que ces périodes sont en dehors de l’histoire ?" Il a aussi fait référence à des exemples contemporains à des groupes ethniques sans classes sociales en Guinée-Bissau, en Angola et au Mozambique. [4]

Dans sa présentation sur la libération nationale et la culture (1970), il a souligné que notre idéologie provient de notre culture qui elle-même provient de notre histoire : "Notre culture est simultanément le fruit de l’histoire d’un peuple et un déterminant de l’histoire"
http://www.historyisaweapon.com/defcon1/cabralnlac.html)

C’est ici que nous trouvons la contribution pragmatique de Cabral pour le développement d’une idéologie cohérente pour la révolution africaine ainsi que pour les révolutions socialistes dans le monde. Pour l’Afrique, notre idéologie doit être une synthèse positive des cultures africaines pendant que dans d’autres parties du monde elle doit être la synthèse de l’histoire et des cultures de ces peuples.

Le marxisme léninisme provient de l’histoire et de la culture révolutionnaire des classes ouvrières européenne et doit être défendue pour être une idéologie juste mais ne doit pas être importée par des non Européens. Son aspect universel doit être appliqué aux réalités d’autres parties du monde, mais les aspects spécifiques qui proviennent de la culture ne peuvent exportées ou importées. Le marxisme léninisme n’est pas la seule idéologie qui conduit au socialisme

Comme le disait Cabral : "… Je suis un combattant de la liberté dans mon pays. Vous devez juger selon ce que je fais en pratique. Si vous pensez que c’est du marxisme, dites à tout le monde que c’est du marxisme… mais l’étiquetage est votre affaire. Nous n’aimons pas ce genre d’étiquette…" [5]

La première nécessité est de connaître le peuple que nous cherchons à libérer. Deuxièmement, on doit vivre au sein du peuple, faire ce qu’il fait, apprendre de lui (de notre culture) et l’aider à atteindre des niveaux plus élevés. [6] Endossant ce principe, Cabral a organisé un des partis révolutionnaires les plus sérieux de l’Afrique : le Paigc (Cuba in Africa : extrait d’une vidéo sur le Paigc http://www.youtube.com/watch?v=mIq2757p8a8&feature=youtu.be)

Au lieu d’importer, Cabral et le parti ont honnêtement appris de la réalité, ont conçu et développé des stratégies et des tactiques.

Il est souvent dit qu’avant la fondation du Paigc, Cabral a eu l’occasion de visiter presque chaque village en Guinée Bissau sous le prétexte de procéder à un recensement dans l’agriculture. Ses observations et contacts ont servi comme base de données principale de la réalité politique et culturelle de la Guinée Bissau que le Paigc utilisera au cours de la lutte armée pour la libération nationale. Il insistait pour qu’on commence avec la réalité : " Les gens ne luttent pas pour une idée dans la tête des gens mais pour une vie meilleure pour leurs enfants."

STRUCTURES SOCIOPOLITIQUES
C’est bien connu de la plupart des gens qu’Amilcar Cabral était l’un des principaux fondateurs du Pai (African Parti of Independance), le 19 septembre 1956, auquel s’est ajouté, en 1960, Gc pour la Guinée Bissau et le Cap Vert. De même, il est connu que suite au coup d’Etat en Guinée Bissau, la branche du Cap Vert a changé le nom de sa structure pour devenir le Paicv, maintenant la pensée d’Amilcar Cabral comme idéologie. Ce que l’on ignore est que Cabral a été l’un des principaux fondateurs du Mpla (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola), le 10 décembre de la même année. Il a été l’un des fondateurs du Partido de Luta Unida dos Africanos de Angola (Pluaa) qui a précédé le manifeste du Mpla http://bit.ly/1n63fBE

Généralement, on connaît le niveau d’influence de Cabral sur la fondation du Frelimo (Front de libération du Mozambique - www.frelimo.org.mz) comme il a aussi influencé le développement du Mlstp (Mouvement pour la libération de São Tomé et Principe) en particulier lorsqu’il avait ses locaux et dirigeants à Conakry, non loin du quartier général du Paigc.

Rares sont ceux qui connaissent le rôle des militants armés du Paigc dans la lutte contre l’invasion sud africaine sous l’Apartheid en Angola, tirant sur les avions sud africains qui voulaient empêcher Agostinho Neto de proclamer l’indépendance le 11 novembre 1975. On doit savoir que c’est le Paigc qui a introduit le Mpla auprès des Cubains qui ont envoyé plus de 400 000 internationalistes en soutien militaire et politique au Mpla contre l’invasion de l’Afrique du Sud et de la Cia en Angola. La plupart des armes utilisées par les Cubains en Angola ont été transportées via l’aéroport de la Guinée Bissau indépendante.

Ces structures sociopolitiques existent toujours au sein des frontières nationales (chacun comportant des milliers de militants et pour le Mpla des millions), pour ceux qui veulent s’approprier les idées de Cabral et les mettre en pratique (Cabral une incarnation de l’histoire et la culture de notre peuple).

STRATEGIE
Il est urgent que nous comprenions bien comment développer le travail de Cabral en tant que fondateur et coordonateur de Concp (Conference of nationalist organisation in the Portuguese colonies) http://casacomum.org/cc/arquivos?set=e_2767 (voir le discours de Cabral à la conférence de Concp 1965 à Dar es Salaam. http://www.marxists.org/subject/africa/cabral/1965/tnmpc.htm

Les structures et coordination panafricaine du Concp de la lutte armée, par delà les frontières nationales, ont été appréciées par Kwame Nkrumah dans le Handbook of revolutionary warfare. (voir pp 53) Pour obtenir un exemplaire, cliquer sur http://bit.ly/1giP37w

Il est impératif que nous nous coordonnions et mettions en relations actives (voir Handbook pp 57) nos structures panafricaines avec l’Organisation pour la solidarité des Peuples en Afrique, Asie et Amérique latine http://bit.ly/LdXNhm (Ospaaal), dont Amilcar Cabral était un cofondateur .

Son implication est impressionnante, la stratégie est claire : mettre en relations les partis nationaux (Frelimo, Mpla, Paigc, Paicv et al) via le Concp avec l’Anc (www.anc.org.za, Pac : www.pac.org.za Pdg-Rda https://www.facebook.com/pdgrda.revolution, Swapo : www.swapoparty.org , Zanu-Pf : www.zanupf.org.zw et al, relié de sorte à former une masse de parties révolutionnaires africains : A-Aprp www.aaprp-int.org); qui à son tour serait relié à Ospaal : www.tricontinental.cu Le développement de cette stratégie n’est pas limitée à l’Afrique http://www.youtube.com/watch?v=wr6SC8X2hIk)

UN EXEMPLE VALEUREUX A SUIVRE

Le pragmatisme, le courage, la modestie, l’intelligence, l’honnêteté [7] d’Amilcar Cabral ainsi que sa crédibilité sont au-dessus de tout soupçon. Son exemple sert de modèle puissant à émuler. Même les détracteurs de la révolution africaine ne trouvent à le critiquer. Plutôt, ils tentent de démontrer qu’il n’a pas d’adepte qui poursuit son travail depuis sa disparition physique, pendant que d’autres vont jusqu’à tenter de démobiliser le soutien potentiel, en soutenant la notion fallacieuse que les organisations fondées par Cabral sont corrompues.

Par contre, les révolutionnaires et les progressistes de tout âge imitent Cabral avec enthousiasme, dans son essence et dans sa forme. Il n’y a personne pour contester la suprématie de l’idéologie de Cabral. Les coups portés au Paigc l’ont été du fait de traîtres internes liés à des forces externes. A chaque coup, les émules de Cabral sont la cible principale et continuent de l’être.

Les ennemis de Cabral sont les impérialistes, les néocolonialistes et les sionistes. Ils n’ont pas été vaincus. Le colonialisme portugais n’a jamais travaillé tout seul mais ont plutôt servi de police à l’Otan.

Ce sont les masses qui disent que le Paigc est l’expression politique organisée de la culture des masses populaires et du fait qu’il s’est engagé dans la glorieuse lutte armée pour la libération nationale, une guerre du peuple. Une administration organisée sans Etat dans les zones libérées, avec ses institutions (justice, instruction, réserves populaires, centres de santé, hôpitaux), une économie, de la culture de notre peuple, est la raison pour laquelle le Paigc détient toujours un pouvoir politique, a survécu à l’assassinat de son chef incontestable, Amilcar Cabral (à la veille de l’indépendance), a survécu à des tentatives de coups d’Etat, a survécu au coup d’Etat du 14 novembre 1980, a survécu à la séparation de la branche de Cap Vert devenu le Paicv, a survécu aux nombreuses formes de sabotage des impérialistes dans les domaines de l’économie, de la politique, de la psychologie et dans le domaine militaire, survivra au coup d’Etat le plus récent, perpétré par un collectif néocolonialiste en faisant usage de quatre régimes néocoloniaux de la Cedeao (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Nigeria et Sénégal), le 12 avril 2012. [4] Et malgré toutes les tentatives de truquage des urnes, il émergera victorieux lors des élections de l’an prochain, peu importe combien de fois elles seront renvoyées.

PERTINENCE DE LA PENSEE D’AMILCAR CABRAL EN GUINEE BISSAU ET EN AFRIQUE

"Maintenant est venu le temps de l’action et non des mots" (Amilcar Cabral)

Peu de pays africains ont réalisé une indépendance politique totale et aucun n’a été capable de libérer ses forces de productions. Ceci reste à réaliser. Les pensées d’Amilcar Cabral fournissent le plan pour y parvenir.

Plus de vingt ans après la trahison du socialisme par la petite bourgeoisie dans l’ancienne Urss et en Europe de l’Est, le marxisme-léninisme ne s’impose plus comme étant la seule idéologie menant au socialisme. Il y a un vide idéologique en Afrique. La pensée d’Amilcar Cabral, en harmonie avec les contributions philosophiques émanant de la synthèse des cultures africaines, comblera ce vide idéologique, basé sur notre culture/histoire

Bien que plus discrète que ce qu’elle devrait être, l’exemple d’Amilcar Cabral croît de jour en jour en Afrique et à l’étranger. Il est fréquent de rencontrer des camarades de formations politiques, dans toute l’Afrique, qui disent être inspirés par Cabral. Il y a ceux qui suivent les idées de Kwame Nkrumah, de Sékou Touré et d’autres mais ne savent pas grand-chose de leurs relations politiques et idéologiques. Ils étaient ensemble dans la République populaire révolutionnaire de Guinée (maintenant contenu simplement sous le nom de Guinée ou de Guinée Conakry). Le Paigc s’est en effet développé là. Après avoir été fondé clandestinement en Bissau, il a déplacé son quartier général principal à Conakry en 1960 où, d’une poignée de jeunes, il est devenu un mouvement rassemblant des milliers de militants.

L’année suivante (1961) il a fondé le syndicat des travailleurs et lui a donné le même nom que celui en Guinée nommé Untg (Union nationale des travailleurs guinéens). L’aile féminine, nommée Udemu qui, ensemble avec les femmes de l’Urfg (Union révolutionnaire des femmes de Guinée) du Pdg-Rda (Parti démocratique de Guinée de la révolution démocratique africaine - le parti qui a conduit le parti état de la République populaire révolutionnaire de Guinée) ont aussi été les co-fondateurs de l’organisation panafricaine des femmes en 1962, une année avant la fondation de l’Oua.

Cabral a non seulement Cabral a influencé les Paigc, Paicv, Mpla, Frelima, Mlstp, mais aussi d’autres mouvements de libération en Afrique, en Asie et Amérique latine. Par exemple, les dirigeants de l’Anc, y compris Nelson Mandela, témoignent avoir été influencés par Cabral. Les dirigeants de Timor Este (Asie) confirment eux aussi l’influence d’Amilcar Cabral sur le Fretilin, particulièrement dans l’usage de la culture. (http://www.tlstudies.org/pdfs/chp_45.pdf)

L’influence d’Amilcar Cabral au Portugal est encore plus méconnue. Les Portugais révolutionnaires témoignent du rôle qu’il a joué et pas seulement comme inspirateur. Lorsque le Paigc capturait des soldats portugais, il les engageait dans la lutte révolutionnaire et leur démontrait qu’eux-mêmes étaient des victimes exploitées par le régime fasciste du Portugal et devrait se considérer dans la même catégorie que ceux qu’ils combattaient par erreur. Lorsque les soldats portugais décidaient d’adhérer au Mouvement des officiers libres, ils étaient envoyés dans l’Algérie déjà libérées où se trouvait leur base. Nombre de ces officiers qui ont servi en Guinée Bissau sont ceux-là même qui ont renversé le régime fasciste au Portugal au cours de la Révolution des Œillets le 25 avril 1975.

CONCLUSION

L’adhésion fidèle aux directives du camarade Amilcar Cabral nous conduira à la libération totale et à l’unification de l’Afrique avec le socialisme scientifique et les moyens de production contrôlés par les peuples africains, dans la conception, les décisions et la mise en œuvre au travers de la consolidation.

Poursuivre la révolution, selon la pensée d’Amilcar Cabral, signifie commettre le suicide des classes sociales pour une renaissance en un travailleur révolutionnaire, activement impliqué dans les sacrifices quotidiens au sein d’un parti politique de masse qui est l’expression politique organisée de la culture de notre peuple, conduite par l’idéologie qui provient de notre culture et qui résulte de notre histoire. Pour la petite bourgeoisie révolutionnaire cela signifie le retour aux sources. [8]

Dans notre honnête poursuite d’une solution aux contradictions fondamentales pour l’Afrique - le manque d’idéologie cohérente pour la révolution panafricaine-, nous encourageons fortement qu’une attention sérieuse soit portée aux contributions de la pensée d’Amilcar Cabral. Le développement des pensées d’Amilcar Cabral ne peut avoir lieu dans une arène académique isolée de la pratique politique.

En cohérence avec l’exemple de Cabral, on doit être impliqué dans une communion journalière avec les masses. C’est là que notre idéologie trouve ses armes, dans la culture de notre peuple qui ne peut être développée que dans la lutte dont l’objectif est la récupération de notre histoire en libérant les forces productives afin que le peuple contrôle les moyens de production, développe notre économie, la politique, la justice, l’armée et une société basée sur notre culture. La condition sine qua non est d’être actif au sein du parti de la masse révolutionnaire du peuple, participant aux sacrifices quotidiens conjointement avec notre peuple tout puissant

Nous réitérons notre appel urgent, en particulier aux partis politiques révolutionnaires et progressistes, afin qu’ils institutionnalisent une formation idéologique systématique au sein des différents partis tout en coordonnant les échanges idéologiques avec d’autres partis afin de développer une idéologie commune pour l’Afrique résultant d’une synthèse positive de nos cultures.

Gloire éternelle à Amilcar Cabral ! Cabral ka muri ! Cabral ká tá more! (Amilcar n’est pas mort. Cabrla ne mourra jamais)

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** Imani Na Umoja a 25 ans d’expérience dans l’organisation du Paigc en Guinée Bissau. Il est membre du comité central, membre du comité central de la branche de la jeunesse. Il est engagé dans les secrétariats nationaux du Paigc et du Jaac et milite au sein du All African People’s Revolutionary Party (A-Aprp) – Texte traduit par Elisabeth Nyffenegger.

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**** Les opinions exprimées dans les textes reflètent les points de vue des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de la rédaction de Pambazuka News

NOTES
[1] La présentation d’Amilcar Cabral au cours de la fondation de Tricontinental Conference, tenue à Cuba en janvier 1966 et intitulée : "Fundamentels and objectives of national liberation in relation to social structure" connu aussi sous le nom de "Weapon of theory"

[2] Ibidem : « … Il est souvent dit que la libération nationale est fondée sur le droit de chaque peuple de librement contrôler sa propre destinée et que l’objectif de cette libération est l’indépendance nationale. Bien que nous ne soyons pas en désaccord avec cette façon vague et subjective d’exprimer une réalité complexe, nous préférons être objectif, compte tenu que pour nous la base de la libération nationale, quelle que soit la formule adoptée dans le cadre du droit international, est le droit inaliénable de chaque peuple d’avoir sa propre histoire et l’objectif de la libération nationale est de récupérer le droit usurpé par l’impérialisme, c'est-à-dire, de libérer le processus de développement des forces nationales de production… »

« …Pour cette raison, à notre avis, tout mouvement national de libération qui ne prend pas en considération cette base et cet objectif peut certainement lutter contre l’impérialisme mais ne luttera certainement pas pour la libération nationale…

« … Ceci signifie, gardant à l’esprit les caractéristiques essentielles de l’économie mondiale actuelle, ainsi que de l’expérience acquise dans le domaine de la lutte anti-impérialiste, l’aspect principal de la lutte pour la libération nationale est la lutte contre le néocolonialisme. De plus, si nous acceptons que la libération nationale nécessite une profonde mutation dans le processus de développement des forces productives, nous voyons que ce phénomène de libération nationale correspond nécessairement à une révolution. La chose importante est d’être conscient des conditions objectives et subjectives dans lesquelles cette révolution peut se dérouler de la façon la plus appropriée à sa réalisation…" Amilcar Cabral

[3] Ibidem : " Les déficiences idéologiques, pour ne pas dire le manque total d’idéologie au sein des mouvements nationaux de libération, essentiellement dues à l’ignorance de la réalité historique que ces mouvements affirment vouloir transformer, constitue une des plus grandes faiblesses de notre lutte contre l’impérialisme, sinon la plus grande. Nous croyons néanmoins qu’un nombre suffisant d’expériences diverses a été accumulé pour nous permettre de définir une ligne générale de réflexions et d’actions dans le but d’éliminer cette déficience. Une discussion approfondie sur ce sujet pourrait être utile et pourrait permettre à cette conférence de faire une précieuse contribution aux renforcements des actions présentes et futures des mouvements de libération nationale. Ce serait une façon concrète d’aider ces mouvements et à notre avis, pas moins important que le soutien politique ou l’assistance financière pour l’acquisition des armes et autres choses de cette nature…"

[4] Ibidem : "Ceci nous amène à poser la question suivante : l’histoire commence-t-elle seulement avec le phénomène des classes sociale et par conséquent de la lutte des classes ? Répondre par l’affirmative serait placer hors de l’histoire toute la période de la vie de groupes humains depuis la découverte de la chasse et plus tard, de l’agriculture nomade et sédentaire, à l’organisation de troupeau et l’appropriation privée de la terre. Cela signifierait également- et nous nous refusons de l’accepter- que différents groupes humains en Afrique, en Asie et en Amérique latine vivaient hors de l’histoire jusqu’au moment où ils ont été mis le joug de l’impérialisme. Ce serait considérer que les peuples de nos pays, comme les Balantes de Guinée, les Coaniamas d’Angola et les Macondes du Mozambique vivent encore aujourd’hui - si nous faisons abstraction de la légère influence du colonialisme auquel ils ont été soumis- hors de l’histoire ou qu’ils n’ont pas d’histoire"

[5] Amilcar Cabral, Our People Are Our Mountains (London: Committee for Freedom in Mozambique, Angola, and Guinea, 1971), p. 21

[6] " La démocratie révolutionnaire demande que les militants n’aient pas peur du travailleur responsable et que le travailleur responsable ne craigne pas le militant, ni les masses de la population. Elle exige que le travailleur responsable vive au milieu de la population, devant et derrière la population et qu’il travaille pour le parti qui sert le peuple"

[7] "Ne cachez rien à la masse du peuple, ne mentez pas, combattez le mensonge, ne cacher pas les difficultés, erreurs et échecs ne croyez pas en une victoire facile ni aux apparences"

[8] "Retour aux sources" est une expression d’Amilcar Cabral décrivant la petite bourgeoisie révolutionnaire qui passe par la renaissance culturelle.

"… Mais le "retour aux sources" ne peut en lui ou par lui-même être un acte de lutte et cela ne signifie plus nécessairement un retour aux traditions. C’est le déni par la petite bourgeoisie, de la prétendue suprématie de la culture de la puissance dominante sur celle du peuple dominé avec laquelle elle doit s’identifier…

… lorsque le"retour aux sources va au-delà de l’individu et est exprimé par des groupes" ou mouvements la contradiction est "transformée en une lutte (secrète ou clandestine) et est un prélude aux mouvements de la pré-indépendance ou la lutte pour la libération du joug étranger. Ainsi le retour aux sources n’a pas d’importance historique à moins qu’il n’entraîne, non seulement un véritable engagement dans la lutte pour l’indépendance mais aussi une identification complète et absolue avec les espoirs de la masse de la population, qui ne conteste pas seulement la culture étrangère mais aussi la domination étrangère comme un tout. Autrement, le retour aux sources n’est rien de plus qu’une tentative de trouver une solution à court terme, délibérément ou non, une sorte d’opportunisme politique…

… Il faut souligner que le retour aux sources, apparent ou réel ne se développe pas d’un seul coup et de la même façon dans le cœur de la petite bourgeoisie. C’est un processus lent, entrecoupé et irrégulier, dont le développement dépend du degré d’acculturation de chaque individu, des circonstances matérielles de sa vie, de la formation de ses idées et de son expérience comme être social. Cette inégalité est à la base de la scission de la petite bourgeoisie indigène en trois groupes lorsque confrontée aux mouvement de libération : a) une minorité, laquelle même si elle veut voir la fin de la domination étrangère, s’accroche aux colonialistes dominants et ouvertement s’oppose aux mouvements afin de protéger sa position sociale ; b) une majorité de gens qui sont indécis et hésitant ; c) une autre minorité qui participe à la construction et à la direction des mouvements de libération…

…Mais ce dernier groupe, qui joue un rôle décisif dans le développement des mouvements de pré-indépendance, ne s’identifie pas véritablement à la masse de la population (avec leur culture et leurs espoirs), excepté au travers de la lutte, l’échelle de l’identification dépendant du genre de méthodes de la lutte, de la base idéologique du mouvement et au degré de conscience morale et politique de chaque individu "