Dans son effort tendant à refermer la boîte de Pandore raciale suite à l’acquittement de George Zimmerman, Obama prétend une fois de plus être opposé au profilage racial. Il ment. Le premier président noir américain encourage le meurtre d’autres Trayvon, comme il ordonne des meurtres de masse avec des drones, tous les jeunes hommes d’un certain âge au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, en Somalie, meurtres qui sont sa "responsabilité".
Pendant quelques minutes, en réaction à la rage presque universelle qui a saisi les Noirs à l’annonce de l’acquittement de Georges Zimmermann qui avait traqué et assassiné Trayvon Martin, le président Obama a prétendu être du côté des Noirs. Selon le sondage du Washington Post-Abc News, 87% des Afro-américains estiment que le meurtre était injustifié, avis que seul un Blanc sur trois partage. Les Noirs ont donné cours à leur colère à travers des centaines de manifestations et de veillées dans tout le pays, poussant ainsi les apologistes les plus fervents d’Obama à supplier leur icône de remettre le mauvais génie noir dans sa bouteille.
Débutant son discours par " une fois que le jury a rendu son verdict, c’est ainsi que le système fonctionne" et après avoir endossé le verdit du procès, Obama a à moitié marmonné 2100 mots destinés à montrer qu’il avait conscience " d’une histoire de disparité raciale dans l’application du droit pénal, de la peine de mort et de l’application des lois contre la drogue ". Et presque immédiatement après, il se lavait les mains du problème avec une mise en garde : "Le droit pénal et l’application de la loi se passent traditionnellement au niveau de l’Etat et au niveau local et non au niveau fédéral". Le droit de Stand your Ground (ne vous laissez pas intimider) est quelque chose qui doit être revu "s’il est orienté de sorte à encourager le genre d’altercation, de confrontation et de tragédie comme celle survenue en Floride, plutôt que de désamorcer des altercations potentielles".
Obama était surtout soucieux de rétablir la "confiance" dans le système en confiant : "Je pense qu’il serait bon pour le département de la Justice, les gouverneurs et les maires de travailler avec la police pour faire de la formation au niveau de l’Etat et au niveau local afin de réduire ce genre de méfiance à l’égard du système qui est actuellement en vigueur". Pour finir, il a soutenu que "les choses s’améliorent aux Etats-Unis" malgré la prolifération des lois Stand your Ground, destinées à justifier ces meurtres commis par des vigiles et l’acquittement de ces derniers, et qui sont à l’origine de cette conférence de presse impromptue.
Le fait est que la mort de Trayvon Martin est banale, tout comme l’impunité accordée à Zimmerman d’abord par la police et ensuite par un jury. Ce qui est extraordinaire, c’est la marée de protestions furieuses des Noirs. Une réaction si féroce qu’elle a contraint Obama à se souvenir du temps où il était Noir lui aussi.
Son excuse – que la plupart des lois sont élaborées au niveau des Etats - occulte le fait qu’Obama et le procureur général Eric Holder sont les champions de l’incarcération de masse, protégeant le système carcéral fédéral de l’austérité, alors même qu’il procède à des coupes sombres dans les budgets du Medicare et du Medicaid, de même que dans les budgets des vaches sacrées de la Défense et de la Homeland Security. Pendant que la population carcérale des prisons des Etats a décliné de façon générale, le système carcéral fédéral "continue de croître d’environ 3% par an", selon Mother Jones. Pour cette administration, l’incarcération de masse est la plus importante des priorités.
Remplir les lits de ces prisons de corps noirs et bruns requiert le maintien et l’expansion d’un système monstrueux d’hyper surveillance, pierre angulaire de l’Etat emprisonnant. La surveillance raciale, qui nie à des communautés entières la protection de la Constitution, alimente le système du Goulag américain. Raison pour laquelle, un prisonnier sur huit à la surface de la planète Terre est un Afro-américain et qu’un Afro-américain sur trois finira avec un casier judiciaire rempli. Etude après étude, on trouve que les jeunes Noirs font usage de substances illégales au même rythme ou à une fréquence moindre que les Blancs et pourtant les Noirs sont plus susceptibles d’être arrêtés et incarcérés pour avoir enfreint la loi sur les stupéfiants- en raison de la surveillance raciale. Vous chez un crime ? Vous le trouverez !
Lorsque le président a déclaré à la nation que "les jeunes hommes afro-américains sont touchés par le système de justice pénale de façon disproportionnée", il tentait de rassurer les Blancs qui ont peur des Noirs, soutenant qu’il s’agissait d’une mesure pratique relevant du bon sens plutôt que du racisme (Obama avait nié, dans son discours de mars 2008 sur le racisme, à Philadelphie, que le racisme est endémique aux Etats-Unis). Dans le monde réel d’une Amérique insidieusement raciste, les Noirs sont hyper surveillés depuis le berceau jusqu’au tombeau, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur communauté. "L’implication" dans le système de justice pénale est ainsi inévitable.
L’hyper surveillance présuppose un soupçon de culpabilité de la population et des communautés visées - ce qui, aux Etats-Unis, signifie tous les Noirs (même Obama jusqu’à ce qu’il fut devenu sénateur, a-t-il déclaré). L’hyper surveillance - sa justification et sa pratique - a privé Trayvon Martin de la présomption d’innocence, le désignant l’emblée comme coupable. Les deux tiers des Blancs pensent toujours que sa mort était justifiée, bien que son innocence ait été clairement établie. Sa mort est banale parce que, de façon routinière, le Blanc ordinaire approuve ce genre de meurtre.
Obama réagit de la même manière malgré la mise en scène de sa conférence de presse. Le président a chanté les louanges de Ray Kelly, le commissaire de police de New York qui a supervisé et approuvé plus de 5 millions d’interpellations et de fouilles corporelles depuis 2002, visant principalement des Noirs et des gens de couleur, et qu’Obama semble destiner à une nomination importante. Celui-ci, à la recherche d’un nouveau chef pour la Homeland Security, a déclaré : "Je crois que Ray Kelly est l’un des meilleurs qui soit". Ce dernier justifie fièrement ses interpellations et fouilles corporelles comme moyen "d’instiller la peur" chez les jeunes Noirs et les Latinos, leur signifiant qu’ils peuvent être inspectés par un flic dès qu’ils sortent de chez eux. Kelly a aussi mis sur pied un programme massif pour espionner les Musulmans, non seulement à New York mais aussi dans d’autres localités et il s’est arrangé pour engager des agents de la Cia dans la police new yorkaise, pour la surveillance domestique - ce qui est illégal.
Bien entendu, Obama est parfaitement au courant de l’immense contribution de Kelly à la cause de l’hyper surveillance raciale et ethnique et l’a soutenu sans réserve. Le premier président noir encourage le meurtre d’autres Trayvon à travers le "Homeland", comme il ordonne des meurtres de masse avec des drones, tous les jeunes hommes d’un certain âge (y compris les femmes et les enfants qui peuvent se trouver dans la zone du missile) au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, en Somalie, meurtres qui sont sa "responsabilité".
La rage qui contraint Obama a endosser son identité noire doit être canalisée dans une action politique - un mouvement - qui attaque à la racine et de front la déshumanisation et le ciblage des Noirs américains : le ciblage excessif de l’hyper surveillance. Autrement, ce n’est que haine et que rage. Ce qui ne signifie par grand-chose.
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** Glen Ford est le directeur exécutif de Black Agenda Report – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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