Le site d'investigation burundais « Le Témoin – Nyabusorongo » revient sur l’assassinat de feu président Ndadaye en octobre 1993. Ce meurtre a plongé le pays dans une guerre civile qui a duré 10 ans.
Ce 21 octobre 2012, les Burundais commémorent le 19ème anniversaire de l’élimination physique du premier président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye. C’était un jeudi matin, dans un camp militaire abritant le Bataillon Para, quand le coup fatal fut porté contre celui qui sera plus tard consacré héros de la démocratie, qui s’est éteint, étranglé par un certain Floribert Nduwumukama, surnommé Kiwi, après d’interminables actions de torture physique et morale.
Il avait remporté, haut la main, les élections de juin 1993, à la surprise de son rival le Major Pierre Buyoya, qui croyait dur comme fer qu’il pouvait, sans difficulté aucune, gagner le scrutin présidentiel. Ndadaye ouvrait ainsi une ère nouvelle, la construction d’un Burundi nouveau « Uburundi Bushasha » caractérisé par la paix, la sécurité et le respect des droits de la personne humaine.
Le 10 juillet 1993, c’est l’investiture et Pierre Buyoya passe le témoin à son successeur, la mort dans l’âme. Le même jour, le nouveau président de la République crée encore une fois la surprise et rend publique la liste des membres de son gouvernement, à la tête duquel il nomme une femme, d’ethnie Tutsi. Il affiche, par cela, sa volonté de réconcilier les burundais et d’enterrer à jamais le conflit ethnique. Il amnistie également cinq centaines de prisonniers politiques ou de droit commun et promet d’organiser le rapatriement des burundais exilés à cause des crises qui ont endeuillé le Burundi, tout au long de son histoire, depuis la période des indépendances. Il n’ira pas au bout de sa réflexion ni de son action, car il ne passera que quelques jours à la tête du pays.
En effet, trois mois plus tard, dans la soirée du 20 octobre, sa résidence était attaquée par des putschistes armés jusqu’aux dents et assoiffés de sang. Ils avaient tout planifié. Ndadaye ne pouvait leur échapper, encore moins certains de ses compagnons dont le Président de l’Assemblée Nationale Pontien Karibwami et le Vice-président de cette même chambre du parlement, l’Hon. Gilles Bimazubute.
Le président Ndadaye, informé, avait cru que c’était encore de petits soldats agités et qui allaient être vite maitrisés car il y avait déjà eu d’autres tentatives, au lendemain de sa victoire. Même avant la publication des résultats, l’Uprona a tenté, dans la nuit du 1er au 2 juin 1993, de convaincre le président sortant, Buyoya, pour qu’il use de son influence afin que la Commission électorale ne proclame pas la victoire de Ndadaye. Premier échec. Les résultats furent bel et bien publiés et Ndadaye, candidat du Frodebu, déclaré vainqueur.
Le lendemain, l’Uprona appelle au boycott des élections législatives, pour protester contre la victoire de Ndadaye. Des étudiants, membres de l’Uprona, manifestent dans plusieurs rues de la capitale, déchirent leurs cartes d’électeur. La Commission Electorale est intimidée. Le grand perdant, l’Uprona, demande tout simplement l’annulation de toutes les autres consultations électorales, sans succès.
Voyant que les préparatifs pour les législatives se poursuivent comme si de rien n’était, l’Uprona choisi la voie de la force. Ainsi, le 16 juin 1993, a lieu la première tentative de coup d’Etat sous la direction du Lieutenant Bizuru. Le Camp Base se met en mouvement. La tentative a vite été étouffée, Deuxième échec donc et comme troisième échec, les élections législatives ont bel et bien lieu, le 29 juin 1993 et le Frodebu rafle la quasi-totalité des sièges à pourvoir. En effet, sur 81 représentants du peuple, le Frodebu en a eu 65 et l’Uprona uniquement 16.
Le courroux des extrémistes de l’Uprona ne faisait que s’aiguiser. L’ancien chef de cabinet du Major Buyoya, le Colonel Siningi décide d’entrer en action. Il organise un putsch le 3 juillet 1993. Quatrième échec. Il rencontre une résistance d’un jeune capitaine, Gratien Rukindikiza, qui repousse l’assaut contre le palais présidentiel. Siningi est arrêté et écroué à la prison centrale de Mpimba.
Vu qu’il y avait comme un vide institutionnel, le pays n’ayant point de président puisqu’il y avait un sortant et un élu et que les tentatives de coups de force se multipliaient, la sagesse a été de procéder à l’investiture du nouveau le plus rapidement possible afin de doter du pays d’institution présidentielle forte. Cette investiture initialement prévue pour le mois d’août 1993 a donc été ramenée au 10 juillet, ce qui a permis de tenir tranquilles le groupe de Tutsis de l’Uprona et de l’armée pendant quelques jours, du moins pendant au moins deux mois.
Le 10 septembre 1993, au bout de plusieurs réunions clandestines, un groupe de 18 officiers de l’armée et de la gendarmerie signent un engagement pour le renversement du pouvoir de Melchior Ndadaye. Ils assument les actes qu’ils vont poser et conviennent d’éliminer le même jour le président de la République, celui de l’Assemblée Nationale et son vice-président ainsi que d’autres proches collaborateurs de Ndadaye comme Sylvestre Ntibantunganya, Richard Ndikumwami, Léonard Nyangoma et Juvénal Ndayikeza.
« Nous, officiers supérieurs des Forces Armées Burundaises convenons que nous devons renverser le régime du Président Melchior Ndadaye. Nous devons nous préparer à un usage de force pour destituer non seulement le président, mais aussi éliminer à tout prix ses subordonnés politique au niveau de la présidence, l’Assemblée Nationale, Documentation, Sûreté Nationale ainsi qu’aux Ministères clés. »
Dans cette réunion ils décident qu’une fois leur forfait commis, ils remettraient un hutu au pouvoir à savoir François Ngeze. Ce dernier dirigerait le pays pendant une petite période, le temps de calmer la population hutu, avant de céder le fauteuil au Major Buyoya. L’opération devait être financée par la société AFFIMET.
Ceux qui ont apposé leur signature sur le document sont :
1. Colonel Charles Nditije
2. Colonel Célestin Ndayisaba
3. Colonel Alfred Nkurunziza
4. Colonel Jean Bikomagu
5. Colonel Juvénal Nzosaba
6. Colonel Jean-Bosco Daradangwa
7. Colonel Gabriel Gunungu
8. Colonel Anicet Nahigombeye
9. Colonel Gérard Cishahayo
10. Colonel Laurent Niyonkuru
11. Colonel Pascal Simbanduku
12. Colonel Ascension Twagiramungu
13. Lt-Colonel Juvénal Niyoyunguguruza (Mamba Vert)
14. Lt-Colonel Janvier Baribwegure
15. Lt-Colonel Mamert Sinarinzi
16. Lt-Colonel Pancrace Girukuwigomba
17. Lt Bigirimana
18. Lt Jean Ngomirakiza.
Cependant, d’après un autre document signé la veille par le colonel Daradangwe, président du Comité National de Salut Public, le major Pierre Buyoya est à la tête de la mutinerie, transmet ses ordres via le colonel Alfred Nkurunziza, beau frère d’Alphonse Marie Kadege. Sur le terrain, le Colonel Jean Bikomagu et le Lt-Colonel Célestin Ndayisaba coordonnent tout le travail.
Ce coup d’Etat prévu le 10 septembre n’aura pas lieu. Il faudra attendre la nuit du 20 au 21 octobre pour faire éclater, au vrai sens du terme, une hécatombe sur le Burundi. Déjà, ce 20 octobre, pendant que le président Ndadaye dirigeait le Conseil des ministres, la rumeur de coup d’état circulait.
Quelques minutes avant 18h00, le capitaine Mushwabure va trouver à la clinique Prince Louis Rwagasore, le capitaine Rugigana qui a en charge la protection du président Ndadaye, pour lui annoncer qu’un coup d’Etat était déjà en marche. Quelques minutes plus tard le commandant Gaciyubwenge, Commandant en second du bataillon Para vient à la clinique avec le même message. Les choses deviennent sérieuses et le capitaine Rugigana doit prendre des dispositions.
Le chef de cabinet du président Ndadaye appelle ainsi le colonel Jean Bikomagu pour s’enquérir de la situation. Ce dernier tranquillise et rassure que la situation est sous contrôle. Le ministre de la Défense, le Colonel Charles Ntakije fait de même. Il tranquillise.
Ndadaye rentre donc au palais, confiant en son armée. Ce n’est que légèrement après minuit qu’il est réveillé par des coups de feu. Le capitaine Rugigana essaie de résister contre les militaires du 11ème bataillon blindé et du 1er bataillon Para qui ont lancé un assaut contre le palais présidentiel.
Une seule solution pour le brave capitaine, évacuer le président Ndadaye et sa famille, à bord de véhicules blindés vers le camp Muha, où ils resteront jusqu’à l’aube, quand le colonel Jean Bikomagu livrera, en personne, le président Ndadaye aux insurgés qui le transporteront jusqu’au Bataillon Para. Et c’est là qu’il rendra l’âme après avoir prononcé ces dernières paroles « Mwishe Ndadaye ntimwishe ba Ndadaye » (Vous éliminez Ndadaye mais n’étouffez pas son idéologie »
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** Nzoza Alphonsine (Source : http://bit.ly/PR7cwG )
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