Gouverner le Sénégal différemment : de l’utopie ou de la probabilité ?
Les attentes sont fortes devant les prémices d’alternance qui se dessinent au Sénégal. Dans les impératifs de rupture qui sont évoqués, il est question d’effacer les pratiques et tares liées aux contre-valeurs et à la mal gouvernance, pour forger graduellement un développement durable pour un réel épanouissement du citoyen sénégalais.
Jamais le Sénégal n’a connu dans son histoire des échéances électorales avec des enjeux aussi grands, une mobilisation extraordinaire sur le plan national et international et sous une maturité citoyenne non négligeable. L’aspiration du peuple au changement est tout aussi intense, à telle enseigne que l’on se demande si celui qui viendra après Wade sera à même de réaliser cette alternative à l’alternance de 2000, vu les urgences sociales du moment et la gravité du degré de détérioration de notre Etat de droit. S’agira t-il simplement « d’un lève-toi car je veux m’asseoir » ou plutôt « laisse-moi faire la différence pour répondre à l’aspiration du peuple » ?
En réalité, la question est de savoir : quelle lecture faisons-nous de l’idée de gouverner le Sénégal différemment ? Est-ce qu’il va s’agir de :
- remplacer les théories de socialisme et de libéralisme par une nouvelle idéologie ?
- changer le régime présidentiel par un régime semi-présidentiel ou parlementaire ?
- diminuer les prix des denrées de première nécessité ?
- diminuer le nombre de ministres et les dépenses de l’Etat ?
- rebâtir nos institutions, assainir notre diplomatie ?
- trouver du travail aux chômeurs ?
- remodeler nos systèmes de santé et d’éducation ?
- améliorer l’agriculture, la pêche et l’industrie ?
- pendre en charge les préoccupations de la diaspora ?
- sanctionner sévèrement les détourneurs de deniers publics ?
- veiller au respect des droits de l’homme ?
Voilà les belles promesses à réaliser du jour au lendemain qui ont été faites aux populations. S’agit-il d’une utopie ou plutôt d’une possibilité?
Certains me diront que c’est un rêve irréalisable donc simplement de l’utopie. Le Sénégal ne peut être gouverné autrement car, depuis 1960, c’est la même classe politique qui gouverne et qui aspire encore à gouverner demain après Wade. Autrement dit, nous remplaçons les hommes et les femmes qui gouvernent mais pas le type de personnes. Cependant, nous pouvons positiver cette utopie en suivant le philosophe Thomas More dans sa réflexion : «L’utopie qui se présente comme fiction, affirme néanmoins que l’homme a la possibilité d’influencer son destin. Ou encore l’utopie peut être définie comme une réponse aux injustices du monde réel ».
Par conséquent, loin de nous inscrire dans une fatalité, osons influencer le destin de notre peuple. En effet, nous devons analyser cela plus profondément, au-delà du fait de poser de simples postulats pouvant résoudre un problème aujourd’hui qui va ressurgir le lendemain. Il faudrait plutôt créer un système qui, en évoluant dans le temps parviendrait à démolir les contre-valeurs, la corruption, la gabegie et la mal gouvernance, et à forger graduellement un développement durable sur le plan économique, social, culturel et politique pour un réel épanouissement du citoyen sénégalais.
Cependant ce système ne peut voir le jour s’il n y a pas de projet de société bien défini, réaliste et réalisable. Heureusement pour nous ce projet existe et il s’agit du Rapport Général des Assises Nationales du Sénégal et la Charte de Bonne Gouvernance, tous les deux œuvres des Sénégalais, produit du peuple par le peuple et pour le peuple. A travers ce projet de société et celui de constitution des Assises, nous serons à même d’implanter un nouveau et meilleur système de gouvernance ; nous pourrons réformer un curriculum éducatif du primaire à l’université ; en plus, en rendant les organisations sociales, religieuses et politiques comptables de leurs obligations, nous parviendrons à forger le nouveau type de Sénégalais qui sera un modèle pour l‘Afrique et pour le monde.
S’agit –il d’une probabilité ?
Vu notre passé politique, force est de reconnaitre que gouverner le Sénégal autrement peut être une probabilité, donc une expérience dont on ne peut prédire le résultat. Loin d’être pessimistes, nous pouvons dire que cette probabilité se situe au niveau du degré d’engagement de nos leaders politiques. Est-ce qu’ils sont prêts à sacrifier leurs ambitions personnelles et partisanes au profit de l’amour de la patrie consistant à vouloir servir sans rien attendre en retour ? Aujourd’hui toute la classe politique venant de l’opposition et qui s’aligne derrière Macky Sall pour bouter dehors le régime d’Abdoulaye Wade va-t-elle réellement faire mieux après le 25 mars en se mettant au service du peuple ou plutôt va-t-elle simplement venir prendre sa part du gâteau pour avoir jeûné pendant une décennie ? Une fois Macky élu, n’assisterons-nous pas à des rivalités de leadership pouvant conduire à l’implosion? Dans la mesure où nous inscrivons toutes ces interrogations dans un chapitre de probabilité, permettons-nous de rêver tout en étant réalistes et exigeants face à ceux qui vont nous gouverner demain.
ESPOIR ET EXIGENCE DU PEUPLE
Chers citoyens, oui l’espoir est permis, comme disait l’autre au pays de l’oncle Sam, «Yes we can ».
Enfin au moins nous pouvons espérer dire adieu au pouvoir en place dans peu de jours et pousser un soupir de soulagement d’une décennie de souffrance pour la majorité du peuple Sénégalais. Allez accomplir votre devoir civique en votant pour sanctionner le régime de Wade champion de la mal gouvernance, mais restez surtout vigilants et soyez prêts à continuer le combat citoyen après le 25 mars, au moins sur deux axes essentiels : la préparation des législatives d’une part et d’autre part veiller à ce que les conclusions des Assises Nationales soient appliquées. En effet nous devons rompre désormais avec l’élection des parlementaires au service d’un Président et nullement concernés par les intérêts des populations qu’ils doivent servir. Pour y arriver, de la même façon que nous nous sommes investis à réfléchir sur les critères du candidat idéal aux présidentielles, identifions les critères du député idéal. Seul un parlement efficace peut aider le peuple à limiter les dérapages de tout gouvernement car un parlement inefficace c’est le produit des députés incompétents. Alors soyons vigilants dans le choix de nos députés le moment venu. Le peuple doit absolument refuser désormais le « wax waxeet » des hommes politiques excellant dans la démagogie qui transforme les engagements pris devant le peuple en de simples promesses électorales.
Chers compatriotes, nul ne pourra plus diriger le Sénégal comme cela se faisait auparavant si nous le peuple, nous nous battons pour nos droits. De la même manière que nous avions défendu notre constitution le 23 juin, la nous devrons défendre demain l’application des conclusions des Assises Nationales avec résolution, consistance, et un suivi rigoureux. Autrement dit c’est par notre action constante de veille et de contrôle que dépendra la mise en œuvre des engagements pris par les signataires de la charte de Bonne gouvernance à tous les niveaux (de la gouvernance locale jusqu’au plus haut sommet de l’Etat). Enfin le Sénégal émergeant de demain dépendra aussi de notre détermination pour la refondation de la nation dans le sens préconisé par les Assises Nationales. Par ailleurs si notre problème est plus d’ordre comportemental que structurel, cela signifie qu’un grand travail d’éveil des consciences, d’éducation aux valeurs morales pouvant forger le nouveau type de Sénégalais au sens de l’éthique du «jom» et du «jomb» (Ndlr : des valeurs d'estime de soi) reste à faire car le changement doit venir aussi bien des gouvernants que des gouvernés.
CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS
* Denis Ndour - Source : Initiativesdiaspora2012.com
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