Depuis avril 2011 la Côte d’Ivoire a tourné la page de la guerre civile, avec la défaite du camp de Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara s’est installé, mais malgré le soutien de la France, son régime n’a pas encore apporté ni paix ni stabilité. Et les tueries de continuer, dont, pour l’instant, seul l’ancien président est appelé à répondre devant la CPI.
La « normalisation » projetée par le pouvoir en Côte d’Ivoire, après la fin de la guerre civile gagnée en avril 2011 par Alassane Ouattara, n’a pas fonctionné jusqu’ici. Les élections législatives, tenues le 11 décembre 11, devaient en constituer une étape importante. Il est loin d’être certain que celles-ci aient réussi.
De l’avis général, la participation à ces élections a été très faible. Alors que le nouveau pouvoir parle d’un taux de participation officiel de 36,6 %, des observateurs sur le terrain rapportent plutôt qu’un cinquième seulement des électeurs-électrices (au maximum) se seraient déplacés. Même l’Agence France Presse (AFP) , dont les informations rapportées sont souvent orientées dans un sens favorable au pouvoir Ouattara - réputé « pro-français » -, évoquait une « journée très calme » au moment du vote. Les partisan-e-s du président militairement déchu le 11 avril dernier, Laurent Gbagbo et de son parti (le Front populaire ivoirien/FPI) ont appelé au boycott de ce scrutin.
Pour le nouveau pouvoir en place, il était important d’annoncer un taux de participation officiel supérieur à celui des dernières élections législatives ayant eu lieu dans le pays - avant l’explosion de la guerre civile -, du 10 décembre 2000. A l’époque, Laurent Gbagbo venait d’être élu président, le 6 octobre 2000, et c’étaient alors les soutiens d’Alassane Ouattara et de son parti (le Rassemblement des républicains/RDR) qui avaient boycotté les élections. Le taux de participation se chiffrait officiellement à 33 %. Peu de temps après, les violences commençaient à s’amplifier dans le pays avant que la rébellion militaire, en septembre 2002, ne conduise à la partition du pays entre le Nord et le Sud.
En 2000, Alassane Ouattara avait été empêché de présenter sa candidature au poste suprême de l’État, le gouvernement d’alors (du général Guéi) ayant considéré qu’il était « de nationalité douteuse » puisque sa mère était burkinabè. La Côte d’Ivoire nageait alors en plein discours nationaliste-ethnique, « l’ivoirité ». Ce concept, au fondement raciste, avait été diffusé sous la présidence d’Henri Konan Bédié (1993 à 99) et avait contribué à la discrimination des citoyens de la zone Nord du pays ainsi qu’à la marginalisation politique et sociale des immigrés de toute l’Afrique de l’Ouest.
Aujourd’hui, c’est le président Laurent Gbagbo (2000 à 2011) qui est généralement accusé de cette situation, alors qu’il ne l’avait pas créée, mais qu’il s’était contenté d’en profiter de façon opportuniste pour arriver et se maintenir au pouvoir. Quant à Henri Konan Bédié, alors qu’il porte une responsabilité lourde dans cette problématique, il est aujourd’hui le principal allié… d’Alassane Ouattara, les deux hommes ayant créé une alliance entre les deux tours de la dernière élection présidentielle, en novembre 2010. Parmi les requins de la politique, il n’y a pas de sentiments qui comptent, uniquement des intérêts…
Laurent Gbagbo, a été envoyé le 30 novembre 2011 à La Haye, pour y être jugé devant la Cour pénale internationale (CPI). Il lui sera reproché d’avoir été responsable de « crimes contre l’humanité ». L’accusation portera sur des assassinats et des viols, commis pendant la dernière phase de la guerre civile. S’il est indéniable que son camp politique porte une responsabilité dans de tels crimes, il est cependant totalement inadmissible de vouloir faire porter - juridiquement - la responsabilité unique et entière à seulement l’une des parties de la guerre civile : celle qui a perdu. Ceci alors que les troupes pro-Ouattara avaient, entre autres massacres, commis celui de probablement 800 personnes à Duékué, fin mars 2011.
Le 5 décembre 2011, la première audition de Laurent Gbagbo a bien eu lieu à La Haye. Il incrimina alors le rôle joué par la France pour renverser l’ancien pouvoir ivoirien : « J’ai été arrêté sous les bombes françaises. Le 11 avril, cinquante chars français avaient encerclé ma résidence… », s’était défendu l’ex-président ivoirien. Désormais, Laurent Gbagbo a jusqu’en juin 2012 pour préparer sa défense et prendre connaissance du dossier de l’accusation.
En attendant, plusieurs tueries impliquant les troupes pro-Ouattara des FRCI (« Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ») ont encore lieu dans le pays. Les soldats des FRCI, ainsi que les combattants pro-Ouattara démobilisés, sont craints par les populations. A Vavoua dans le centre-ouest du pays, le 17 décembre 2011, six jeunes furent tués par les FRCI « pour avoir refusé d’obtempérer ».
* Bertold Du Ryon - Sources : afriquesenlutte.org
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