Au terme d’une mission de huit jours au Niger de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) en collaboration avec son organisation membre, l'Association nigérienne de défense des droits de l'Homme (ANDDH), nos organisations ont pu évaluer les étapes positives déjà entreprises et les efforts encore à fournir par les acteurs de la transition pour placer le respect des droits de l'Homme au cœur de l'agenda de la transition et parvenir à l'organisation d'élections générales libres et démocratiques début 2011.
Cette mission dont les constatations feront l'objet d'un prochain rapport circonstancié, a en effet permis à la FIDH et l'ANDDH de rencontrer des représentants des institutions de la transition, du gouvernement, de la société civile, et des partis politiques, mais aussi de la défunte VIème République du président Mamadou Tandja. Nos organisations sont d’ailleurs parmi les rares à avoir pu s’entretenir avec ce dernier, ainsi qu’avec son ministre de l’Intérieur Albadé Abouba, tous deux en détention extrajudiciaire. Lors d’entretiens accordés à la délégation en présence de représentants de la junte, les deux hommes se sont dits « bien traités et en bonne santé ».
Tout en réitérant leur condamnation du coup d'Etat du 18 février contraire aux principes de l'Acte constitutif de l'Union africaine et aux instruments de protection des Droits de l'Homme, nos organisations tiennent à saluer les efforts des acteurs de la transition relatifs au respect des Droits de l'Homme. Elles soulignent qu'elles n'ont pas eu à constater de violations systématiques des libertés publiques et ne peuvent que se féliciter de certaines avancées majeures survenues au cours même de sa mission, telles que la dépénalisation du délit de presse.
Nos organisations accueillent favorablement l’établissement d’un calendrier précis de douze mois pour la transition, dont les échéances ont été jusqu’ici respectées, et ne peuvent que se réjouir de la confirmation de l'engagement du chef de la junte, M. Salou Djibo, de l’abandon définitif du pouvoir par les militaires à la date du 1er mars 2011.
Si la FIDH et l'ANDDH soulignent également la qualité consensuelle des institutions mises en place par la transition, elles tiennent à attirer également l’attention sur le sentiment de faible représentativité des partis politiques et des organisations de défense des Droits de l'Homme, au sein du Conseil consultatif national (CCN) et à la faible sollicitation du Conseil national du dialogue politique (CNDP). Aux prémices d’un marathon électoral et des discussions sur les textes fondamentaux (Constitution, Charte des partis politiques, etc.), ce sentiment de faible représentativité pourrait nuire à la qualité et au caractère inclusif du processus.
La FIDH et l'ANDDH demeurent aussi vigilantes sur le processus en cours dit d’« assainissement » consistant à auditer les ministères sur leurs finances publiques et enquêter sur la gestion des biens publics. Nos organisations appellent aux respects des normes et principes régionaux et internationaux en la matière et au jugement juste et équitable des éventuels présumés responsables.
La FIDH et l'ANDDH recommandent aux acteurs de la transition de :
- Maintenir le caractère inclusif et consensuel de la transition, notamment en faisant présider le Conseil national du dialogue politique (CNDP) par le Premier ministre ;
- Conserver les avancées réelles que contient l’avant-projet de Constitution, notamment en matière de libertés publiques et concernant la suppression de l’amnistie pour las auteurs des coup d’Etat du 27 janvier 1996 et du 9 avril 1999 ;
- Engager une procédure judiciaire régulière et garantir le droit à un procès juste, transparent et équitable notamment le droit à être librement défendus, à l'encontre du président Tandja et du ministre Abouba, ou en l'absence de charge et de procédure à leur encontre, les libérer ;
La FIDH et l'ANDDH recommandent aux bailleurs de fonds :
- D'adopter avec les autorités nigériennes une « feuille de route » permettant, chaque fois qu’est respectée une échéance du calendrier de transition, d’encourager le processus en libérant les fonds nécessaires à sa poursuite, tout en évitant l’invocation de la crise alimentaire et des besoins financiers y afférents comme prétexte à d’éventuels délais dans ledit calendrier. Nos organisations recommandent à l'Union européenne de poursuivre le processus de dialogue entamé avec les autorités nigériennes et de se conformer à la feuille de route déjà établie conformément aux préconisations ci-dessus.
* Karine Appy est attachée de presse de la Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH)
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