L’Afrique et la fin de la faim
«L’Afrique et la fin de la faim» est un chapitre du livre Food rebellions ! Crisis and hunger for justice ( Rébellions alimentaires ! Crises et soif de justice), écrit par Eric Holt Giménez et Raj Patel. Recommandé par des personnalités comme Walden Bello and Wangari Maathai, cet ouvrage pose un regard critique sur le Révolution Verte en Afrique promue par les Fondations Gates et Rockefeller. Plutôt que tracer les voies d’une sortie de la crise, de la pauvreté et de la faim par un développement agricole durable, elle apparaît comme une nouvelle forme de colonisation par l’arrimage du continent à un système global d’exploitation. Pour Gimenez et Patel, « le futur des systèmes de productions alimentaires africains et le sort de millions de petits fermiers” ne peut se construire en dehors d’un « nouveau modèle agraire de développement de la souveraineté ». Et des alternatives existent.
L’Afrique est le pivot de toute solution durable à la faim dans le monde. Lorsque la faim et la pauvreté auront été éliminées de l’Afrique, tous les pauvres du monde s’en trouveront mieux. Tout ce qui se passera en Afrique – ou pas- aura une influence profonde sur les systèmes de production alimentaire dans le monde entier.
Les solutions proposées en Afrique pour résoudre la crise alimentaire sont de bien des façons emblématiques des évènements globaux. Les réussites ou les échecs en Afrique reflètent le potentiel ou les limites du système global de production alimentaire à prendre en compte les intérêts de la majorité des pauvres du monde. Si le système ne fonctionne pas en Afrique, alors il ne fonctionnera nulle part ailleurs. Dans ce sens, mettre un terme à la faim en Afrique n’est pas simplement un défi global pour tous les gouvernements du monde. Comme la persistance de la pauvreté en Afrique est un défi pour le système économique global, de même la crise alimentaire est un défi pour le système dysfonctionnant de production alimentaire global. Les enjeux humain, environnementaux et géopolitiques sur le continent sont énormes.
L’histoire récente montre l’Afrique conquise ou résistant aux assauts des intérêts économiques et géopolitiques étrangers. Le découpage du continent, lors de la Conférence de Berlin en 1884, témoigne de la ‘’ première course pour l’Afrique’’ Les pays qui n’ont pas eu la chance de profiter de l’Afrique au 19ème siècle ont eu tout loisir de le faire au cours du 20ème et même du 21ème siècle. L’Afrique est le continent qui a été le plus systématiquement contraint à suivre des politiques d’ajustements structurels extrêmes. Le continent était un exportateur net de denrées alimentaires dans les années 1960, observe Walden Bello ‘’ avec une moyenne de 1,3 millions de tonnes annuelles entre 1966 et 1970. Aujourd’hui, il importe les 25% de sa nourriture, chaque pays étant pratiquement un importateur net de nourriture.’’ (Bello 2008)
Cette dépendance à l’importation a pour corollaire l’accès aux ressources du continent pour les plus offrants et, le plus souvent, pour les moins scrupuleux. L’homme d’affaires américain Philippe Heilberg a revendiqué 4000 km2 de terre fertile à proximité du Nil lors d’une transaction avec des seigneurs de la guerre soudanais (Blas and Walls 2009) et la multinationale coréenne Daewoo a essayé de louer 1,3 millions d’hectares à Madagascar. (Jung and Oliver 2008). Alors qu’il y a eu d’autres appropriations importantes de terre par des puissances étrangères, en particulier par des Européens, des Américains, des Indiens et des Chinois, les inégalités de la possession agraire dans certaines parties de l’Afrique ont été exacerbées par des politiques agricoles néolibérales.
Avec le modèle de réforme agraire préconisé par la Banque Mondiale (‘’ acheteur volontaire, vendeur consentant’’), moins de 5% des terres sont passé des Blancs aux Noirs depuis la fin de l’Apartheid. (Zigomo 2008) Néanmoins, les mouvements sociaux d’Afrique du Sud sont actifs et d’importance vitale, travaillant à des solutions concrètes sur le terrain et en proposant des solutions concrètes aux gouvernements afin d’aboutir à la souveraineté alimentaire. L’effort prépondérant a été fourni par les femmes et les associations de femmes qui produisent la majeure partie de la nourriture du continent et portent un triple fardeau : elles doivent tout à la fois travailler pour un revenu, construire une communauté et nourrir leur famille. Il n’est dès lors guère surprenant si, à la 5ème conférence international de Via Campesina qui s’est tenue à Maputo, au Mozambique, l’un des appels les plus retentissants a été en faveur de la souveraineté alimentaire comme moyen de mettre fin à la violence contre les femmes.
Autant il est important de comprendre que des peuples divers ont élaboré des systèmes de production alimentaires divers, qui tous s’efforcent de se libérer du joug des monopoles agroalimentaires, autant il est important de se souvenir des innombrables initiatives de la base pour mettre un terme à la faim en Afrique. Collectivement, ces initiatives de promotion de la vie, couvrent une aire plus grande et atteignent bien plus de monde que les efforts centralisés. Leurs approches organisationnelles et technologiques sont ancrées dans ‘’ les gens d’abord’’ et diffèrent des approches des multinationales. Leurs stratégies pour mettre fin à la faim est plus démocratiques et emploie d’avantage les méthodes écologiques d’agriculture pour soutenir les petits fermiers.
Ces mouvements africains alternatifs n’ont pas été invités à la Comprehensive Framework for Action (CFA), pas plus qu’ils n’ont été pris en considération dans la planification d’une nouvelle Révolution Verte en Afrique. Toutefois, compte tenu du fait que la faim extrême est si répandue en Afrique, on peine à voir comment il est possible de réussir à mettre fin à la faim sans ces mouvements alternatifs. La question de savoir si les efforts officiels et ceux de la base peuvent se conjuguer pour mettre un terme à la faim ne concerne pas que l’Afrique, mais bien le monde entier.
La question agraire africaine
La majorité des affamés de l’Afrique sub-saharienne provient de familles de fermiers pauvres qui cultivent 2 hectares - ou moins- et parce que le 80% de la population est rurale ; dès lors, la solution à la faim et à la pauvreté sur le continent est nécessairement agraire. La question agraire implique la terre, la main d’œuvre, les marchés, la technologie et la politique à l’échelle locale, régionale, nationale et internationale. Ces préoccupations ne consistent pas seulement à nourrir la population, mais également à changer les moyens de production qui, actuellement, ne parviennent pas à nourrir les pauvres dans les campagnes.
La question de savoir ‘’ quel est le rôle des petits producteurs africains ?’’ ne suffit pas pour aborder de façon adéquate la question agraire en Afrique. En raison de la grande diversité des systèmes écologiques dans lesquelles les petits fermiers opèrent sur tout le continent, il est nécessaire de se demander quels genres de technologies, de marchés, de ressources et de droits fonciers conviennent aux diverses transformations de l’agriculture africaine. Et nous devons demander qui va diriger ces transformations. Cette dernière question revêt une importance particulière, en raison des décisions qui sont prises face aux crises énergétique, alimentaire et économique qui pèsent d’un poids particulier sur les petits fermiers, victimes de l’appropriation de terres, d’eau, de marchés et des ressources génétiques. La crise alimentaire va-t-elle introduire une nouvelle ère d’endettement rural, de métayage et d’exportation de denrée alimentaires afin d’alimenter l’étranger en nourriture et en en énergie ? Ou la crise est-elle l’opportunité d’un nouveau modèle agraire de développement de la souveraineté ?
En Afrique, la lutte pour éliminer la faim est la lutte pour le futur de l’agriculture.
Il y a de nombreuses similitudes entre les mouvements historiques pour l’indépendance et les luttes d’aujourd’hui pour la souveraineté alimentaire. Bien que l’Afrique subsaharienne soit riche en minerai et en ressources naturelles, plus de 450 millions de personnes vivent avec moins de $2 par jour et plus d’un tiers de la population souffre de malnutrition (Faurès et Santini 2008). Les propositions pour mettre un terme à la pauvreté et à la faim en Afrique doivent prendre en compte le fait que, depuis l’époque coloniale, les systèmes de production alimentaire africains et les ressources naturelles ont été appropriées sans répit par le capital étrangers, souvent en collusion avec les élites nationales. Même aujourd’hui, au plus fort de la crise alimentaire, certains gouvernements africains négocient la vente ou la location à long terme de terres agricoles à des gouvernements étrangers ou à des multinationales. D’autres fournissent des forêts, des pâturages, de la brousse à des multinationales produisant du biocarburant.
Les luttes pour la souveraineté alimentaire en Afrique sont très répandues et sont particulièrement difficiles. Non seulement en raison des ressources naturelles dont le Nord industriel a un pressant besoin, mais aussi parce qu’en cette période où les marchés vont se rétrécissant, la crise alimentaire rend les petits fermiers particulièrement vulnérables aux agissements désespérés des vendeurs de semences, d’engrais et de technologie en quête de nouveaux consommateurs. Bien que chaque petit fermier pris individuellement n’aie pas beaucoup d’argent à disposition, collectivement ils représentent un marché important et lucratif, particulièrement si l’aide étrangère et les gouvernements africains fournissent des conditions d’extension des marchés par la mise en place d’infrastructures, de recherche et d’encouragement à l’investissement.
Naturellement, les gouvernements africains doivent augmenter leur aide à l’agriculture. Fait encourageant, en 2003, lors du sommet de l’Union africaine à Maputo, au Mozambique, les dirigeants africains ont endossé le Comprehensive African Agriculture Development Programme (CAADP) qui promet d’augmenter la contribution gouvernementale à l’agriculture à 10% jusque en 2015. Le secteur privé a un rôle important à jouer dans la lutte contre la faim et, en ces temps de crise, a une responsabilité sociale à l’égard du bien public. Néanmoins, particulièrement en Afrique, on doit être attentif à ce que les bénéfices résultant d’une amélioration de l’agriculture bénéficient aux fermiers pauvres plutôt qu’aux fermes étatiques, aux fermes travaillant pour l’exportation, ou aux multinationales.
Le succès ou la faillite des efforts pour mettre un terme à la faim en Afrique va dépendre de qui, de comment ou sous l’égide quels accords et par quels moyens ils seront entrepris. Négliger ces aspects, c’est courir le risque de voir le soutien pour l’agriculture, trop longtemps attendu, détourné au profit d’un système global biaisé au détriment d’une transformation nécessaire et complète de l’agriculture.
Les tensions entre les approches ‘’ haut vers le bas’’ et ‘’bas vers le haut’’, pour résoudre la crise alimentaire africaine, se jouent dans les ‘’fora du développement‘’ transnationaux où le discours officiel de ‘’ partenariat’’ est souvent accompagné de programmes politiques et commerciaux moins altruistes, qui masquent l’exclusion des fermiers des processus décisionnels importants qui pourtant affectent leur vie. Le futur des systèmes de productions alimentaires africains et le sort de millions de petits fermiers et d’affamés sont tributaires des décisions émanant de ces fora.
Un débat public informé, la transparence institutionnelle, rendre des comptes et amplifier les voix des différentes organisations de paysans et leurs propositions sont essentiels dans la quête d’un chemin durable et équitable pour sortir de la crise alimentaire. La solution consiste à diversifier et à démocratiser les initiatives pour un développement agricole en même temps que réagir rapidement et efficacement à la crise sur le terrain.
La difficulté réside en particulier dans le fossé évident entre les appels officiels pour une nouvelle Révolution Verte et le mouvement de la base privilégiant les alternatives agro écologiques.
Le retour de la Révolution Verte
Pendant deux décennies et demie, la Consultative Group on International Agricultural Research (CGIAR) a investi, dans un effort vain, 40-45% de son budget annuel de $350 millions pour répandre la Révolution Verte à travers toute l’Afrique (Banque Mondiale 2004). Les défenseurs de la Révolution Verte offrent une multitude d’explications dans leur échec à augmenter les récoltes sur le continent. Parmi celles-ci, l’épuisement des sols africains, les infrastructures inadéquates, une gouvernance laissant à désirer et le déclin du soutien à l’agriculture africaine (Evanson and Collins 2003). Ils affirment que la Révolution Verte a laissé l’Afrique pour compte et que la faillite du CGIAR à éradiquer la faim en Afrique résulte d’une mauvaise implantation du modèle de la Révolution Verte (Fondation Rockefeller 2007). Les détracteurs de la Révolution Verte soutiennent, quant à eux, que l’Afrique n’est pas à blâmer pour les conditions actuelles et que la faillite de la Révolution Verte est intrinsèque au modèle (Voir Food First. www.foodfirst.org ; ETC Group http://www.etcgroup.org et GRAIN http://www.grain.org)
L’affirmation que l’Afrique est passé à côté de la Révolution verte n’est pas entièrement infondée. Avant le choc pétrolier des années 1970, nombre de gouvernements africains avaient pris des mesures décisives en procédant à des réformes agraires, en mettant en œuvre des projets de développement ruraux, en allouant des subsides aux producteurs, en établissant des chambres de commerce et en garantissant les prix et en augmentant les investissements dans les infrastructures rurales. Des systèmes nationaux de recherches agricoles avaient été mis sur pied afin de tester et de distribuer des paquets de semences et d’engrais. Dans ces conditions, la Révolution verte a commencé à produire de meilleures récoltes en certains endroits, induisant pour beaucoup la croyance que le ‘’ miracle asiatique’’ pouvait se répéter en Afrique (Havnevik et al. 2007)
Toutefois, suite au choc pétrolier et la crise de la dette des années 1970, des programmes d’ajustements structurels de la Banque Mondiale et du FMI des années 1980, les gouvernements africains ont été contraints de réduire les services de l’Etat, de démanteler les chambres de commerce, d’abandonner les projets de développement et de mettre fin aux subsides et aux prix garantis. L’expansion et la recherche gouvernementale se sont évanouies. Lorsque les lois du marché ont remplacé l’Etat, en tant que régulateur du développement économique, l’agriculture a été oubliée par les programmes de développement et la Révolution Verte a trouvé là sa fin (Havnenik et al 2007). Dans les années 1990, il y a eu de nombreuses tentatives infructueuses pour vaincre la faim en Afrique. Parmi elles, celles des anciens président des Etats Unis, Jimmy Carter et Bill Clinton, le philanthrope Ryoicho Sasakawa et le ‘’père’’ de la Révolution verte, le prix Nobel Norman Borlaug
Les échecs répétés de la Révolution verte en Afrique coïncident avec l’écroulement global de cette initiative. Néanmoins, en 2004, lors d’un sommet de l’Union africaine l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, a lancé un appel pour une’’ Révolution Verte unique à l’Afrique’’
Les alliances renouvelées pour Révolution Verte
En 1997, Gordon Conway, nouvellement élu président de la Fondation Rockefeller, a publié The doubly Green Revolution (La double révolution verte) : nourriture pour tous au 21ème siècle, qui appelle à une nouvelle Révolution Verte à fort rendement, ancrée dans l’équité et la durabilité. Les efforts de la Fondation Rockefeller de remettre la Révolution Verte sur les rails n’avait pas beaucoup progressé jusqu’en juin 2006, lorsqu’elle a co-organisé African Fertilizer Summit avec le New Partnership for Africa’s Development (NEPAD) à Abuja, au Nigeria. Des représentants de 40 gouvernements africains, des banques africaines et des banques de développement multilatéral, le CGIAR et des patrons de l’agri business ont discuté de stratégies pour moderniser l’agriculture en Afrique. Un mois plus tard, la Fondation annonce sa stratégie pour l’Afrique : The New Green Revolution for the 21st century. Africa’s turn (La nouvelle Révolution Verte pour le 21ème siècle. Le tour de l’Afrique). Elle inclut :
- La promotion des semences génétiquement modifiées et des engrais chimiques
- La formation des ingénieurs agronomes africains pour l’amélioration des semences
- Le développement du marché
- La création de réseaux locaux de négociants et de distributeurs
- Des infrastructures d’investissement
- Des réformes de la politique agricole
Deux mois plus tard, la fondation Rockefeller, en partenariat avec la fondation Bill et Melinda Gates, ont lancé l’Alliance for a Green Revolution in Africa (L’alliance pour une Révolution Verte en Afrique - AGRA), l’organisation non gouvernementale dont le but est de réaliser les idées de la double Révolution Verte et les stratégies de Africa’s Turn. La fondation Bill et Melinda Gates, dotée de $38.7 milliards à des fins de philanthropie, a contribué pour $100 millions au budget de $150 millions initial de AGRA.
L’alliance a rapidement élaboré le Programme for the Green Revolution in Africa (ProAGRA) afin de réaliser AGRA. La plupart des membres des conseils de AGRA et de ProAGRA sont des employés des Fondations Rockefeller et Gates (Daños 2007)
AGRA : la Révolution Verte recyclée ?
Cependant qu’AGRA adoptait les paradigmes technologiques de la Révolution Verte - basée sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et l’utilisation d’engrais comme stratégie centrale pour améliorer l’agriculture - elle a aussi ajouté des variantes qui reflètent les nouveaux développements à l’intérieur de CGIAR, les industries chimiques et de semences et les facteurs financiers globaux. Cette fois, une palette plus large d’aliments africains traditionnels sera inclue dans les programmes. La micro finance et des garanties de crédit aux Etats et les banques commerciales fourniront le crédit. Le projet a prévu une campagne vigoureuse de représentation et de défense, afin d’influencer les politiques des gouvernements africains.
AGRA fait aussi un effort particulier pour aller à la rencontre des femmes, aussi bien les fermières que les chercheurs. Son ‘’Programme intégré de fertilité des sols’’ utilisera ‘’ des subsides intelligents’’ afin d’augmenter de 400%, jusqu’à 30 kg par hectares par an, les engrais chimiques utilisés par 4 millions de fermiers (Fondation Gates 2008). Ceci doit être accompagné d’instructions pour construire et accumuler les matières organiques dans les sols. Bien que pour l’instant le Programme for Africa’s Seed Systems (PASS - Programme du système des semences pour l’Afrique) n’inclut pas la distribution des OGM, AGRA a d’ores et déjà annoncé qu’il le serait dans le futur, lorsque les réglementations seront en place.
Dans l’intervalle, des programmes de formations préparent les spécialistes de semences africains aux biotechnologies (AGRA-Alliance 2008). De surcroît, la Fondation Bill et Melinda Gates, les principaux bailleurs de fonds du projet AGRA, ensemble avec les fondations Yara, Monsanto et Syngenta, soutient les institutions de biotechnologies africaines comme la African Harvest Biotech Foundation, l’African Agricultural Technology Foundation (AATF) et l’International Service for Acquisition of Agricultural Biotechnology Applications, dans un effort concerté de promotion et de recherche sur les OGM (Daño 2007)
La manipulation génétique des semences est concentrée sur une plus haute teneur en vitamines, ainsi que sur la résistance aux parasites, à la sécheresse et aux mauvaises herbes. Dans le cadre de la Révolution verte, ces projets et ceux d’AGRA se renforcent mutuellement : l’un prépare les scientifiques, l’autre la technologie ; l’un établit un réseau de distribution des semences et l’autres introduit les OGM
D’un point de vue stratégique, AGRA présente un changement substantiel pour la Révolution Verte. En l’absence des programmes étatiques de développement des années 1960 qui fournissaient crédit, recherches et infrastructures et des réseaux commerciaux, les défenseurs de la Révolution verte espèrent, par le présent partenariat philanthropique public/privé, sortir de l’impasse. Bien qu’initialement il ne sera pas possible d’obtenir de grands profits, ‘les perspectives sont une procuration’’ jusqu’à ce que des profits se présentent (Gates 2008).
Etant donné les réticences du secteur privé à investir dans des infrastructures et les services aux pauvres, ceci est certainement un pari. L’Afrique a besoin d’investissements dans le secteur agricole de quelques $15 milliards par an. Si les gouvernements du Nord reviennent sur leurs promesses d’augmenter l’aide aux pays du Sud, comment peut-on être sûr que les investissements privés feront la différence ? La Révolution Verte requiert des investissements sociaux majeurs afin de réussir.
Toutefois, structurellement, AGRA semble reproduire les mêmes travers que les autres Révolutions Vertes et renforce la position antagoniste de la Banque Mondiale à l’égard des petits fermiers. Malgré toutes ses prétentions d’indépendance, AGRA est considéré par la Fondation Bill et Melinda Gates comme ‘’ la face et la voix africaine de notre travail’’. Les bienfaiteurs d’AGRA annoncent clairement sa fonction dans la théorie pour le changement de la fondation Gates :
« Afin d’assurer la transition entre la situation actuelle d’investissements, d’une productivité et d’une rentabilité faibles à une orientation vers les marchés, des systèmes hautement productifs, il est essentiel que l’offre et la demande aillent en parallèle et que le système de production utilise les ressources naturelles efficacement et aide les fermiers à gérer les risques… Ceci implique des fermiers tournés vers les marchés, opérant des fermes profitables qui génèrent un revenu suffisant pour les extirper de la pauvreté. A la longue, ceci requerra une certaine mobilité et une diminution du nombre total de personnes employées directement dans la production agricole (…) Nous sommes positionnés de façon unique (…) 150 millions de ménages de petits fermiers dans l’Afrique subsaharienne (…) qui ont le potentiel de transformer l’agriculture à grande échelle. Nous considérons ces fermiers, le plus souvent des femmes, comme nos clients et leurs besoins et leurs réalités nous guident dans notre travail » (Fondation Gates 2008).
AGRA poursuivra les stratégies de la Banque Mondiale, qui veut un développement selon les lois du marché, prévoyant d’ouvrir le secteur des petits fermiers africains aux marchés volatiles et propulser les paysans ’’ les moins efficaces’’ hors de l’agriculture. Ceci, combiné avec les mêmes paradigmes sociaux et technologiques que ceux qui ont guidé la Révolution Verte pendant quatre décennies et, compte tenu des limitations politiques et économiques prévalant dans de nombreux pays africains affaiblis, le potentiel pour de nouvelles violences structurelles à l’égard des communautés rurales est important.
* Eric Holt Gimenez directeur de Food Firts est Raj Patel est un universitaire, journaliste et activiste.
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