Swaziland : Les revendications démocratiques dans un pays dont on ignore tout
La réponse de la majorité des gens de par le monde, à la question de ce qu’ils savent du Swaziland, écrit Jan Sithole, sera probablement le silence. Mais le Swaziland est un pays avec une solide histoire de luttes politiques contre des forces de domination. Malgré les efforts du gouvernement, déterminé à faire taire les voix de la démocratie, ces dernières années ont vu un regain d’effort de la société civile pour obtenir plus de liberté, ce qui, espère Sithole, amènera progressivement dans les années à venir, un intérêt accru de la communauté internationale
Demandez au gens dans le monde ce qu’ils savent du Swaziland et probablement que vous rencontrerez un regard vide. Ceux qui ont entendu parlé du Swaziland sont sans doute empêtrés dans des stéréotypes représentant un royaume montagneux. En tant que citoyen swazi, né, ayant grandit et vivant au Swaziland, ces images me fatiguent chaque fois que j’y suis confronté, en particulier lorsque je suis en mission de représentations du mouvement syndical à l’étranger.
Oui, le Swaziland est une magnifique royaume au bout du continent africain, plein de montagnes et richement doté d’une flore et d’une faune abondantes et d’autres paysages naturels. Oui, le Swaziland est très fier de son riche héritage culturel qui inclut les célèbres danses des roseaux. Et oui, notre pays est si petit que souvent il est à peine visible sur les cartes de l’Afrique.
Nous sommes tout cela et beaucoup plus.
Le Swaziland est un pays qui, comme le reste de l’Afrique et le Sud global, est aux prises avec ses contradictions et ses défis qui viennent de l’histoire, de la globalisation et des jeux de pouvoir à l’interne. Etant l’un des dirigeants des organisations de travailleurs au Swaziland, je suis douloureusement conscient que la majorité des travailleurs dans mon pays vivotent au milieu de difficultés en apparence insurmontables.
Les statistiques froides
69% de la population du Swaziland vit en dessous du seuil de pauvreté. Nous avons le privilège douteux d’avoir la plus haute prévalence de HIV, non seulement en Afrique, mais au monde. Près de la moitié de la population survit grâce à l’aide alimentaire. Dans un pays qui compte à peine un million de citoyens, moins de la moitié du nombre qui vit à Nairobi, il y a 110 000 orphelins et enfants vulnérables. Les femmes au Swaziland sont traitées comme des citoyennes de deuxième zone. Elles ne peuvent ni posséder ni hériter de la terre directement et elle constitue 63% de la population pauvre, un pourcentage disproportionné.
Le chômage est de 40% et pourrait se monter à 70% parmi les jeunes qui constituent plus de la moitié de la population.
En terme de gouvernance, nous sommes sous le régime de la monarchie absolue. Pour l’apparence, nous avons des institutions ‘’démocratiques’’ tels un parlement, un système judiciaire, des élections périodiques et même une constitution promulguée en 2005.
En réalité, une proclamation royale, en 1973, a aboli les partis politiques et, au jour d’aujourd’hui, n’importe quel Swazi peut être arrêté et incarcéré par les autorités pour avoir usé de son droit à la liberté d’expression, d’association ou d’assemblée. Récemment, le 12 juillet 2009, une horde de policiers s’est abattue sur un complexe paroissial où se tenait un atelier, sous prétexte que certains des organisateurs appartenaient à un groupe mis hors la loi, selon les termes de la loi controversée sur la suppression du terrorisme.
En matière d’économie, et malgré l’effroyable pauvreté et les privations, le Swaziland est officiellement décrit comme ‘’un pays de revenu inférieur à moyen’’, en partie en raison de la présence du géant Coca-Cola qui a choisi le Swaziland comme lieu d’assemblage des concentrés de son célèbre breuvage. Il n’est pas généralement connu que le minuscule Swaziland fournit les concentrés pour la majeure partie de l’Afrique, une grande partie de l’Asie, toute l’Australie et le Nouvelle Zélande, depuis son site industriel de Matsapa, une petite ville ouvrière, en dehors de la capitale financière de Manzini.
La Banque Mondiale estime que l’économie du Swaziland a entamé un déclin prolongé. Les principaux revenus proviennent des concentrés de cola précédemment mentionnés, des versements de l’Union Sud Africaine des Douanes et du Sucre. Seule une faible part des revenus de l’Etat trouve son chemin vers les gens ordinaires. Récemment, le Swaziland a signé l’Economic Partnership Agreement, largement vu comme un accord commercial au détriment du Tiers Monde au profit de l’Europe.
Le 14 novembre 2008, le gouvernement, sur la base de la loi sur la suppression du terrorisme, a banni le Peoples United Democratic Movement (PUDEMO) et d’autres organisations politiques, suite à l’arrestation de son dirigeant Mario Masuku qui prononçait un discours lors de funérailles. Le militant des Droits de l’Homme, Thulani Maseko, qui défendait le PUDEMO, est lui aussi accusé de sédition.
Il y a eu des protestations de la part des travailleurs, des jeunes, des femmes et d’une large frange de la société civile swazi en réaction à ces réalités économiques, sociales et politiques. Au plus fort des célébrations commémorant les 40 ans d’indépendance - qui coïncident avec les 40 ans du roi - les femmes du Swaziland ont marché et manifesté afin de protester contre les dépenses somptuaires de la maison royale alors que le Swaziland traversait une période de grandes difficultés.
Les juristes des Droits de l’Homme continuent de défier les lois draconiennes qui criminalisent l’opposition démocratique. Les travailleurs se sont élevés contre l’exploitation, les bas salaires et l’horrible environnement de travail et organisent des campagnes pour un travail décent. Pendant des décennies, les dirigeants syndicaux et les militants des Droits de l’Homme ont été battus, arrêtés et harcelés pour s’être faits les champions des droits démocratiques.
Au cours de ces dernières années, les forces de tout bord en faveur d’une réforme démocratique pacifique se sont coalisées, rassemblant les forces travaillistes organisées, les communautés interreligieuses, les femmes, les jeunes, les organisations civiques et d’autres ONG.
Fait partie de cette résurgence démocratique, une réunion tenue le samedi 18 juillet qui doit explorer les moyens de parvenir à un Swaziland plus démocratique. La réunion, désignée sous le nom de ‘’Sidla Inhloko’’ en référence à la coutume répandue de manger une tête de vache lors des discussions importantes dans la communauté, a rassemblé 12 commissions qui traitent du HIV//SIDA, de la santé, de l’éducation, des questions de genre, de la jeunesse, de la gouvernance, des Droits de l’Homme, de la privatisation, de la souveraineté alimentaire, de l’environnement, du secteur informel et d’autres sujets pertinents.
En définitive, le Zimbabwe n’est pas le seul pays d’Afrique qui mérite un engagement critique de forces progressistes de la communauté internationale
* Jan Sithole est le secrétaire général de la fédération des syndicats du Swaziland
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