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Comme dans un remake de la solution kenyane, l’Union africaine a proposé un gouvernement d’union nationale au Zimbabwe, avec Mugabe comme président et Tsvangiraï comme Premier ministre. Le leader du MDC a rejeté la proposition, soulignant qu’il pouvait s’accommoder du maintien du chef de la ZANU PF au pouvoir dans la seule perspective de préparer une autre élection libre et démocratique. Dans cette logique, il est certain qu’avec la terreur qui règne depuis plusieurs mois au Zimbabwe, l’avenir de ce pays ne peut s’écrire sur la base d’un compromis bancal. Dans cet article, Mary Ndlovu rappelle le contexte qui avait poussé Tsvangiraï a renoncer à se présenter au second tour, le 27 juin dernier, et montre que le Zimbabwe a plutôt besoin d’un nouveau départ, au risque d'une descente aux enfers.

Un soupir de soulagement collectif et audible pouvait être entendu partout au Zimbabwe, au soir du dimanche 22 juin, lorsque la nouvelle du retrait de Morgan Tsvangirai du deuxième tour de l'élection présidentielle s'est répandue. Mais il y a eu, à coup sûr, des signes de consternation et de colère devant le fait que nous serons privés de la possibilité de parler grâce à nos bulletins de vote et de parachever l'oeuvre de libération. Les deux réactions se fondaient sur de fausses hypothèses : d'abord que la violence peut prendre fin si les deux candidats ne sont pas en lice, ensuite que le deuxième tour allait inéluctablement déboucher sur une défaite de la ZANU PF.

Les raisons avancées par Tsvangirai pour expliquer son retrait étaient clairement affirmées et incontestables : dans des circonstances marquées par la torture, la mise à feu des maisons, le viol, la destruction systématique des structures du MDC, les tueries et arrestations, on ne pouvait organiser des élections dignes de ce nom. Mais ce qui l’a surtout poussé à se retirer, c'est le changement de position de la majorité des gouvernements des pays membres de la SADC.

Le MDC et la plupart des Zimbabwéens pensent que Tsvangirai est arrivé en tête au terme du premier tour. Il a gagné la bataille malgré que tout, à toutes les étapes du processus, a été fait pour le désavantager. Depuis le parti pris de la Commission Electorale Nationale, l'inscription sur les listes électorales, la délimitation des circonscriptions électorales, l'emplacement des bureaux de vote, jusqu'au décompte des voix et l'annonce des résultats.

La mascarade d'un deuxième tour a été mise en scène dans une atmosphère de plus en plus surréaliste, non en vertu de la loi ni pour la démocratie ou pour le peuple zimbabwéen, mais surtout pour les chefs d'Etat de la région dont le manque de sympathie pour le MDC, auquel ils tentent par tous les moyens de faire accepter les manœuvres d'un régime qui a perdu le soutien du peuple tout en continuant de contrôler les leviers du pouvoirs, ne fait l'objet d'aucun doute.

Robert Mugabe et la ZANU PF avaient perdu la légitimité de gouverner le Zimbabwe avant le 1er avril. Le premier tour de l'élection a eu lieu le 29 mars, et à la fin de la journée du 30 mars au plus tard, tous les résultats auraient dû être annoncés. Au contraire, la Commission Electorale Nationale, sous la houlette de la ZANU PF, a tergiversé et retardé les choses tout en ouvrant la voie à une longue tragi-comédie, feignant de re-conter les voix, de valider le vote, et s'est engagée dans toutes sortes de manœuvres souterraines pour évider d'admettre que le pouvoir avait été battu par la voie des urnes, tant aux élections législatives qu'à l'élection présidentielle.

Ils ont fait fi de toutes les dispositions pertinentes de la loi électorale, et sont même allés jusqu'à réécrire la loi par texte réglementaire. Ceci leur a donné le temps de retarder le second tour jusqu'à ce qu'ils puissent dérouler leur plan macabre destiné à terroriser les populations pour les obliger à se soumettre à leur volonté de s'accrocher au pouvoir. Mugabe, de façon éhontée, a convoqué de nouveau le gouvernement qui a été dissous avant l'élection; et sans même un simulacre de légitimité, ils ont repris leurs postes et continué à percevoir leurs salaires et autres avantages liés à la fonction, malgré le fait que plusieurs d'entre eux ont été battus dans leur propre circonscription du fait d'un électorat qui ne demandait qu'un changement de régime.

Depuis le mois de mars, le Zimbabwe ne dispose plus ni d'un parlement ni de conseils ruraux, ou encore d'un Exécutif légitime. La ZANU PF a gouverné le pays par décret, sous les ordres de la JOC, sigle désignant la junte militaire qui contrôle actuellement les destinées de la nation, aux côtés de M. Mugabe et du Gouverneur de la Banque centrale, M. Gono dont on a besoin pour émettre de la monnaie.

Les gouvernements des pays membres de la SADC ont permis la poursuite de la mascarade, en entretenant des relations avec le gouvernement illégitime comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Bien que les raisons de ce retard orchestré soient maintenant bien connues, il n'en est pas de même de celles qui expliqueraient pourquoi les présidents de la région l'ont soutenu.

Au cours des deux derniers mois, la guerre que Mugabe menace de déclencher s'il est battu par les urnes était déjà en train de battre son plein. La tactique utilisée pour terroriser les militants de l'opposition était la même que celle utilisée pendant la guerre de libération nationale. Les bases des milices ont recréé les bases des guérilléros des années 70, ainsi que les réunions qui duraient toute la nuit, appelées “pungwes” en langue locale, prétendant rééduquer la population. Ces « pungwes » ont été dans le passé et demeurent aujourd'hui des réunions auxquelles les populations sont obligées de prendre part, entonnant des chansons et scandant des slogans, pendant que ceux qui ne soutiennent pas ouvertement la ZANU PF sont battus, torturés et même tués.

Aux mois d'avril et de mai, la milice de la ZANU PF et les anciens combattants se sont mobilisés dans les circonscriptions électorales rurales pour éliminer les partisans connus du MDC. Des maisons ont été brûlées et plusieurs personnes torturées ou tuées en raison de leur allégeance politique, mais aussi pour celle de leurs enfants, grands enfants, parents et voisins. Au mois de juin, la terreur s'est étendue aux zones urbaines, surtout à Harare mais aussi aux petites villes. Les nervis de la ZANU PF avaient comme cibles non seulement les responsables politiques de l'opposition, mais aussi quiconque n'arbore pas leurs insignes. Les forces de police ont également été ciblées. Elles ne doivent pas intervenir dans des situations "politiques". De sorte qu’aucun des auteurs de cette violence n'a été arrêté ni accusé, tandis que les victimes ont fréquemment été mises sous les verrous et accusés d'incitation à la violence.

Organiser une élection dans de telles circonstances était déraisonnable. Dans cette parodie d'un processus par lequel la volonté du peuple doit s'exprimer clairement, les voix du peuple devaient être réduites au silence et remplacées par des refrains reprenant les slogans de la ZANU PF. On les informe qu'ils avaient "mal" voté et usage sera fait de la force pour s'assurer qu'ils voteront là où il faut à la prochaine occasion.

Deux semaines avant le scrutin, les gouvernements des pays membres de la SADC ont émis, en chœur, le vœu que l'élection soit libre et transparente, essayant de faire semblant que quelque chose qui s'apparente à une élection fournirait une "solution" au problème zimbabwéen. Ce n'est qu'après que Thabo Mbeki a dépêché sa mission militaire voir ce qui se passait sur place, et que les premiers observateurs de la SADC ont commencé à témoigner de l'anéantissement et de l'horreur, que nous avons commencé à entendre des bruits venant des gouvernements des pays d'Afrique australe demandant à Mugabe à faire preuve de retenue.

L'un après l'autre, ils ont dénoncé la violence, demandant à Mugabe d'y mettre fin, et enfin, au cours des derniers jours, envoyant un message plus clair comme quoi s'il n'arrêtait pas, ils ne reconnaîtraient pas les résultats de l'élection. Ce n'est qu'à ce moment précis que Tsvangirai a décidé de prendre la mesure de se retirer de ce que la plupart des Zimbabwéens avaient perçu comme une punition inutile qui leur a été infligée par les gouvernements des pays de la région. Il était devenu clair que ceux qui avaient insisté pour que la mascarade soit mise en scène avaient compris la vraie nature du régime de la ZANU PF, et sa détermination de ne perdre le pouvoir par la voie des urnes.

Pourquoi le Zimbabwe s'est-il laissé entraîner par force dans cet enfer ? Pourquoi la SADC ne pouvait-elle pas faire ce qui aurait dû être fait en avril - insister que la ZANU PF respecte la loi électorale, produise des résultats au moment opportun, et accepte sa défaite ? Les Etats étaient-ils trop aveugles pour voir la vérité ? Où était-il trop pénible et difficile pour eux de dire la vérité, trop compliqué pour développer une stratégie de sortie pour Mugabe ? Ils sont les seuls à pouvoir répondre à ces questions, mais les conséquences de leur cécité, hypocrisie ou lâcheté sont nettement perceptibles de tous. Ils ont donné à la ZANU PF une marge de manoeuvre de trois mois pour faire connaître au Zimbabwe le mauvais sort de plusieurs milliers de nouveaux morts, plusieurs milliards de nouveaux billets de banque sans valeur qui ne font que saper une économie mourante, des institutions en ruine et les retombées négatives qui se font sentir partout dans la région.

Ces trois mois n'ont fait que rendre le problème plus insoluble - comment faire partir Mugabe ? (…) Ce que nous avons obtenu jusqu'ici de la communauté internationale, régionale et mondiale, est un accord selon lequel le résultat du scrutin ne produira pas un gouvernement légitime. Mais outre cela nous n'avons rien.

(…) Tsvangirai a appelé à la mise en place d'une autorité de transition sous les auspices de l'Union Africaine, et soutenu par les soldats de maintien de la paix. Le mieux que la SADC semble pouvoir faire est d'appeler à de nouvelles négociations entre la ZANU PF et le MDC – des pourparlers en cours depuis plus d'un an et qui ont accouché d'une souris.

(…) Si la SADC échoue dans la mission de gestion des catastrophes qu'elle s'est assignée, si l'UA est incapable ou peu encline à faire face à ses responsabilités, la faim, la terreur, les déplacements et la mort constituent une sérieuse menace qui plane au-dessus des Zimbabwéens. L'économie ne parvient plus depuis longtemps à assurer une vie stable aux populations; l'état de droit a simplement cessé d'exister depuis longtemps ; le contrôle du pays par l'armée est de rigueur, mais la perspective d'une descente aux enfers de l'anarchie, du règne des chefs de guerre et des foules déchaînées se dessine à l'horizon.

Même l'écho du soupir de soulagement du dimanche 22 juin s'est estompé, et les Zimbabwéens envisagent l'avenir avec anxiété et crainte.

*Mary Ndlovu est une militante zimbabwéenne des droits de l'homme.
Cet article avait été publié dans la version anglaise de Pambazuka News à la veille de l’élection présidentielle au Zimbabwe

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