Depuis que nous avons assisté à la naissance de l’Union Nationale des Mini laiteries et des Producteurs de lait du Burkina Faso, nous nous intéressons davantage aux performances laitières des vaches de races locales. Nous avons également fait quelques recherches sur les possibilités qui s’offrent à un éleveur qui veut améliorer l’alimentation de ses animaux. Et nous avons été de surprise en surprise.
Première surprise
Il existe très peu de statistiques disponibles et fiables sur les performances laitières des races locales.
Lorsqu’on lit (dans un document officiel du Ministère des ressources animales) qu’une vache zébu peule donne en moyenne 110 litres de lait par an, on a envie de comparer ce chiffre à la moyenne de la production des vaches laitières en Europe. Par exemple, 6 000 litres par an en Allemagne. De là à penser que les performances laitières des races locales sont quasiment nulles, il n’y a qu’un pas qu’il ne faudrait surtout pas franchir.
En effet, pour commencer, il faudrait comparer ce qui est comparable. Quand on vous dit qu’une vache laitière allemande donne en moyenne 6 000 litres de lait par an, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une vache bien nourrie, et le plus souvent en stabulation libre. Que donne une vache laitière « burkinabè » bien nourrie et en stabulation libre ? Pour répondre à cette question nous n’avons pas trouvé de statistiques exploitables. Aussi, l’Union nationale des mini laiteries est en train d’enquêter auprès de ses membres.
Nous avons vu, par exemple, une vache zébu peule qui donnait jusqu’à 6 litres par jour, mais seulement pendant 3 à 4 mois. Ce qui nous donne une lactation d’environ 600 litres. Ce qui est faible, mais quand même bien supérieur au 110 litres dont on parle le plus souvent. Nous avons trouvé un document qui dit que dans d’excellentes conditions, certaines peuvent atteindre 1 200 litres.
Les performances laitières des zébus azawaks et des zébus goudalis, (autres races locales) sont, le plus souvent, supérieures à celles des zébus peuls. Nous avons vu des zébus goudalis ou azawak qui, en stabulation libre et bien nourris, ont donné 1 800 litres en 8 mois de lactation. Nous sommes loin des 6 000 litres de la vache laitière allemande, mais déjà on se dit qu’avec une sélection bien menée, et des progrès dans l’alimentation, « nos vaches » ne peuvent être disqualifiées sans recherche approfondie !
Mais ce n’est pas tout, il faut savoir qu’une vache « exotique », débarquée en Afrique, n’a plus les mêmes rendements que dans son pays d’origine. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, je lisais qu’une « Jersiaise » rendue au Cameroun ne donnait plus que 2 500 à 2 600 litres de lait par an, alors qu’en France elle en donnait plus de 5 000 !
Il faut savoir que seule une bonne alimentation, bien équilibrée, permet d’extérioriser les qualités d’une race. L’amélioration laitière doit d’abord passer par l’amélioration de l’alimentation et de la santé des animaux. On peut penser que les races locales ont un bel avenir devant elles !
Deuxième surprise
Si on trouve peu d’études sur les performances des races locales, on trouve encore moins de documentation sur le point de vue des éleveurs traditionnels. Aussi, l’Union a-t-elle lancé une enquête auprès des éleveurs qui fournissent le lait à ses membres. Cette enquête n’est pas achevée, mais déjà nous pouvons partager certains éléments.
A Fada, les éleveurs du quartier Djou Laré ont opté résolument pour les Goudalis. Après une amère expérience avec des vaches exotiques (des Girs et Girolondo du Brésil) ils ne cessent de clamer les nombreux avantages des Goudalis. Les performances laitières des Goudalis ne sont pas les seuls avantages de cette race. A l’embouche, pour la viande, ils ont un très bon rendement. Les Goudalis sont aussi appréciés parce qu’ils sont faciles à alimenter. Contrairement au zébu peul, le zébu goudali ne sélectionne pas l’herbe quand il va au pâturage : « il mange tout ce qu’il trouve ». En stabulation, il tire parti des fourages les plus pauvres. Enfin, les Goudalis sont appréciés parce que très dociles, et très doux. D’où leur utilisation comme bêtes de trait.
D’autres éleveurs s’intéressent davantage aux zébus azawaks. Ils profitent alors du projet de soutien à la diffusion du zébu azawak (PSDZA), projet qui malheureusement touche à sa fin. Cependant, la naissance de l’Union nationale des Eleveurs d’Azawak laisse espérer que les objectifs du projet seront poursuivis.
Troisième surprise
Actuellement beaucoup d’éleveurs se plaignent qu’ils n’arrivent plus à trouver du tourteau de coton. Quand je leur demande s’ils ont essayé de remplacer le tourteau par du soja, beaucoup me disent qu’ils ne connaissent pas le soja. Pourtant, dans le monde, le soja est beaucoup plus utilisé que les graines de coton dans l’alimentation du bétail. Ensuite, le soja est cultivé de façon significative au Burkina, et sa culture ne demande qu’à se développer. Pourquoi ne pas essayer de l’introduire progressivement dans l’alimentation du bétail au Burkina ?
En terminant ces lignes, je pense aux paysans-chercheurs (producteurs de riz) que j’ai rencontrés en Thaïlande, il y a tout juste trois mois. Et je rêve. Puissions-nous faire que d’ici deux ou trois ans les éleveurs en lien avec l’Union Nationale des mini-laiteries soient devenus des éleveurs-chercheurs, travaillant à l’amélioration des races locales (les zébus peuls, goudalis et azawaks) et à l’amélioration de leur santé et de leur alimentation.
* Maurice Oudet est le président du Service d'Édition en Langues Nationales (SEDELAN) au Burkina Faso
* Veuillez envoyer vos commentaires à ou faire vos commentaires en ligne à l’adresse suivante www.pambazuka.org
- Identifiez-vous pour poster des commentaires
- 2016 lectures