Le gouvernement somalien et ses alliés éthiopiens –cette fois-ci appuyés par l’armée américaine, ne peuvent pas en finir sans un règlement politique, indique Harun Hassan dans le présent article tiré de . Pour l'auteur, la Somalie, l’Ethiopie (et les Etats-Unis) ont déjà commis une erreur politique majeure, en installant quatre seigneurs de guerre (dont aucun n’est membre du gouvernement somalien) comme gouverneurs des zones qu’ils ont dirigées avant que l’Union des Tribunaux Musulmans (UTM) ne les détrônent.
Le conflit énigmatique de la Somalie a de nouveau pris un tournant dramatique. Au moment où l’an 2006 s’achève et à l’aube de 2007, après six mois d’impasse politique et de manœuvres militaires de chaque côté, la situation a explosé en une totale confrontation armée.
Le résultat fut une victoire éclaire de l’armée éthiopienne et de ses alliés somaliens, à savoir le Gouvernement Fédéral de Transition(GFT)basé à Baidoa et les seigneurs de guerre « freelance » qui le soutiennent. Leurs adversaires, les miliciens de l’Union des Tribunaux Musulmans (UTM), furent vaincus et mis en débandade (et, dès le 7 janvier 2007, assujettis à de lourds bombardements de la part de l’armée de l’air des Etats-Unis). Dans l’espace de dix jours, les prospections politiques de la Somalie se sont renversées dans les circonstances les plus imprévisibles.
Un conflit qui, au départ, était un petit conflit local, a maintenant éclaté et a passé à la une des informations écrites et télévisées de la presse mondiale, reflétant la réappropriation « mondiale » soudaine du conflit somalien dans une version d’histoire plus vaste de la « guerre des Etats-Unis contre le terrorisme » ou bien de « longue guerre »
Les tous derniers développements sur le terrain, et les commentaires faits par les autorités américaines, confirment le nouveau statut de la Somalie en tant qu’un troisième « théâtre » dans cette guerre (après l’Irak et l’Afghanistan). Les avions américains ont lancé une nouvelle vague de bombardements aériens dans le sud de la Somalie le 10 janvier, après des raids par bombes ayant pour cibles (selon lesdites autorités) les dirigeants d’al-Qaida qui auraient trouvé refuge parmi les éléments de ces forces de l’UTM dans la région. Dans un mouvement significatif, l’Union Européenne et les Nations Unies ont critiqué la tactique américaine.
Les Etats-Unis ont nommé trois hommes qu’ils accusent d’être impliqués dans les bombardements en août 1998 des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, bombardements qui ont coûté la vie à 250 personnes : Fazul Adullah Mohamed (des Iles Comores) ; Abu Talha al-sudani (un Soudanais) et Saleh Ali Saleh Nabhan (un Kenyan). Il n’y a pas eu de confirmation que ces trois hommes ont été vus en Somalie, même si les informations suggèrent que Fazul Abdullah Mohamed fut tué lors du tout dernier raid ; dans tous les cas, l’anarchie qui règne dans le pays et le manque de gouvernement central fort ont exposé ses frontières (aériennes, maritimes et terrestres) à toutes sortes d’abus pour une longue période.
La zone que les avions américains sont en train de bombarder est une vaste jungle qui s’étend sur environ 20 kilomètres le long de la frontière entre la Somalie et le Kenya où les milices de l’UTM ont dressé une résistance farouche. L’objectif principal de l’armée américaine est d’écraser irréversiblement les résidus de l’UTM. L’UTM pourrait toujours disposer de plus de 2.000 combattants qui sont prêts pour la bataille. Les médias somaliens indiquent que les troupes éthiopiennes sur terrain ont subi des pertes lourdes les 7 et 8 janvier et ainsi demandé le bombardement américain. Les avions MIG de l’Ethiopie eux-mêmes avaient bombardé cette zone pendant environ dix jours mais ils ne semblent pas avoir la capacité de faire des attaques ciblées que la haute technologie américaine peut garantir.
Dans toute cette escalade militaire, il est très aisé d’oublier que des civils innocents – y compris ceux déjà déplacés par la guerre et fuyant cette dernière – sont en train d’être tués, peut-être en nombres importants. Certains fermiers de la région sont également en train de perdre des animaux qui sont la base de leur source de revenus. Cette situation a des ingrédients d’un désastre humanitaire qui rend complexe l’insécurité humaine déjà endémique de la Somalie.
Dispersion et retraite
La guerre pour la Somalie est ainsi entrée dans une nouvelle phase. Même il y a moins d’un mois, la situation actuelle aurait paru comme un dénouement surprenant. Le 12 décembre 2006, confiant à l’époque, le commandant des miliciens de l’Union des Tribunaux Musulmans a donné aux troupes éthiopiennes soutenant le gouvernement somalien un ultimatum d’une semaine pour quitter le pays ou être forcées à le faire. Mais même pendant qu’il annonçait cela, l’Ethiopie avait (au milieu des dénis moqueurs d’une quelconque activité du genre à Addis-Abeba) a déployé plusieurs brigades mécanisées à l’intérieur de la Somalie et les a préparées à la guerre.
Le 20 décembre, un jour après que le délai de l’UTM eut été dépassé, des coups de feu ont éclaté à la ligne de front entre les deux côtés tout près de la base temporel du gouvernement somalien à Baidoa. Une nouvelle phase de la guerre avait commencé. Huit jours plus tard, l’armée éthiopienne avait (avec ses alliés somaliens) capturé la capitale Mogadishu et d’autres principaux centres urbains antérieurement contrôlés par l’UTM. Les militants de l’UTM en effondrement, qui perdaient ville après ville, furent forcés à s’enfuir davantage vers le sud dans la zone dominée par la jungle à la frontière avec le Kenya.
Il y a eu deux facteurs cruciaux dans la bonne fortune inattendue du gouvernement somalien, qui avait été la partie ayant subi de sérieuses pertes en hommes juste avant le dernier conflit. Le premier fut le fait que l’UTM a sous-estimé la puissance de l’armée éthiopienne. Il a été indiqué qu’entre 8.000 et 10.000 hommes de troupes éthiopiens furent impliqués dans la bataille, étant armés d’hélicoptères de combat et de tanks de fabrication américaine, d’avions de combat et d’artillerie lourde. Aidée par 3.000 miliciens du gouvernement, cette force était presque le double de la taille des miliciens de l’UTM, qui n’était armés que d’AK-47, de machine guns et de bazookas.
Le second facteur fut que le plan tactique de l’UTM – pour capturer Baidoa et transformer la bataille en une guerre urbaine et de rue qui est familière à la plupart de ses combattants) – a échoué de manière désastreuse, puisqu’ils furent forcés à affronter une armée conventionnelle dans un contexte de ligne de front ouverte. Même en dépit de cela, aucun côté n’avait réalisé de conquête territoriale majeure pendant sept jours jusqu’à ce que les défenses de l’UTM dans les régions centrales de la somalie tombèrent.
A ce stade, les forces éthiopiennes et somaliennes ont pris l’initiative et forcé les milices de l’UTM à se retirer de Baidoa. Sans tarder, les villes tombèrent les unes après les autres et l’UTM ne reçut aucune chance de se regrouper. Le 27 décembre, les éthiopiens et leurs alliés somaliens marchèrent sans aucune résistance jusque dans la capitale. Les combattants de l’UTM avaient été supposés se battre à Mogadishu et dans la ville australe de Kismayo ; ils optèrent plutôt de se retirer, et ce, peut-être, afin de mener une guérilla à partir de la brousse.
Le 28 décembre 2006, la Somalie est entrée dans une nouvelle ère.
Vainqueurs et vaincus
Il se dégage trois vainqueurs et trois vaincus de la toute dernière bataille pour la Somalie. Le premier vainqueur est le gouvernement somalien de transition lui-même. L’on s’attend à ce que ce corps déménage vers Mogadishu (pour la première fois depuis sa formation au Kenya en 2004) afin de combler le vide politique, avec le soutien d’un contingent de troupes de l’Union Africaine qui doit être bientôt déployé dans le pays.
Le deuxième vainqueur est le gouvernement éthiopien, qui a exécuté une stratégie politique et militaire décisive en cassant la potentialité de l’émergence d’un voisin puissant et hostile. Tout au moins, l’Ethiopie a évité (peut-être pour plusieurs années) l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement somalien dirigé par des individus qui combinent de fortes croyances religieuses et des tendances nationalistes.
Le troisième vainqueur ce sont les Etats-Unis, qui pour la première fois ont gagné leur guerre indirecte contre les dirigeants musulmans de la Somalie qu’ils accusent d’avoir des liens avec al-Qaeda et de cacher des terroristes recherchés (accusations qui restent à prouver effectivement).
Le premier des trois perdants dans ce conflit c’est l’Union des Tribunaux Musulmans. L’UTM a payé le prix de son immaturité politique et de ses décisions hâtives. La force - même de ses milices comparée aux forces du GFT, et le vaste territoire qu’elle parvint à contrôler au cours de 2006, s’est révélée comme étant une arme à double tranchant en termes de sa capacité d’être flexible et de se compromettre (voir « Somalia’s new Islamic leadership », le 13 juin 2006).
Le deuxième élément vaincu c’est l’Erythrée, qui a perdu un allié clé dans ses bousculades indirectes avec l’Ethiopie pour la domination régionale. Toutefois, l’on a appris que l’Erythrée n’avait pas de personnel militaire en Somalie (contrairement aux accusations onusiennes selon lesquelles plus de 2.000 hommes de troupes érythréens étaient présents).
Le troisième perdant c’est la diplomatie internationale, qui a cédé la place à la violence et à la préférence de l’action militaire. La plus récente confrontation armée de la Somalie aurait pu être évitée s’il y avait eu une diplomatie honnête et solide aux moments cruciaux. Cet échec fait tomber la honte sur la communauté internationale ainsi que sur les combattants immédiats.
L’implication d’un groupe musulman a contribué à donner au tout dernier conflit de la Somalie une dimension internationale. Et pourtant pendant des mois, les Nations Unis, les Etats-Unis, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la Ligue Arabe ont choisi d’observer l’escalade du danger vers une confrontation armée. Ces agences pourraient avoir eu des intérêts divergents, et des doutes à propos du déploiement par l’Ethiopie de son armée au-delà de la frontière « dans la défense de l’intérêt national » - mais elles ont choisi le silence ou le consentement. Leur attitude est un feu vert à des invasions pré-emptives « semblables ».
L’Ethiopie et la Somalie
Ce conflit a été décrit comme un conflit régional, indirect ou même (en termes idéologiques) comme un conflit mondial. La vérité la plus profonde si pas la moins bonne pour les grands titres de journaux est qu’il y a encore une nouvelle épisode de la longue histoire du conflit entre les deux sociétés de l’Ethiopie et de la Somalie.
Les principaux quotidiens de l’Ethiopie ont utilisé le terme « mission accomplie » après que leurs forces entrèrent dans la capitale somalienne. De la même manière, beaucoup de publications faites par les médias somaliens ont décrit le 28 décembre 2006 comme une journée sombre dans l’histoire de la Somalie. Ceci nous donne une indication sur les raisons pour lesquelles ces deux pays pourraient être les plus grands perdants dans ce conflit.
Il y a une longue histoire de tension entre ces deux territoires. Les anciens royaumes éthiopiens – depuis de 2ème siècle, le royaume d’Aksun – a envahi et régné sur beaucoup de parties de la Somalie. Les Somaliens (ou « Berbères noires » comme les appelait à l’époque) furent poussés vers les zones côtières où ils ont bénéficié de relations proches, basées sur le commerce, avec les anciens Egyptiens. Les dynasties et les sultanats somaliens ont ainsi fait l’expérience de contacts violents avec leurs équivalents éthiopiens ; mais la tension s’est empirée même plus lorsque l’Islam a atteint la Somalie au 9ème siècle.
Au début du 16ème siècle, l’une des guerres les plus catastrophiques se produisit. Un seigneur de guerre somalien ayant le désir d’élargir le règne de l’Islam, l’Imam Ahmed Gurey (ou Ahmed Gran), envahit l’Ethiopie avec l’aide de l’empire Ottoman et vainquit l’armée de son empereur Lebna Dengel. Dans le parcours, il captura de vastes territoires et massacra beaucoup de gens qui refusait de se convertir à l’Islam. Mais les Ethiopiens se regroupèrent et (avec l’aide du Portugal) lancèrent une contre-attaque, vainquirent et tuèrent Gurey.
Quatre siècles plus tard - au réveil de la « bousculade impériale pour l’Afrique » au début du 20ème siècle – un autre seigneur de guerre somalien, Sayyid Mohamed Abdullah Hassan, prit les armes contre les Britanniques qui, à l’époque, occupaient des parties de la Somalie. Afin de sauvegarder les bonnes relations avec les colons européens, l’empereur Menelik II de l’Ethiopie rejoignit la campagne contre le dirigeant somalien en soutien de la Bretagne par l’invasion de la région somalienne d’Ogaden.
Dans une première phase de sa propre ère de retraite impériale, la Bretagne garantissait en 1948 l’Ogaden à l’Ethiopie et demandait à l’ONU de considérer d’autres parties de la Somalie pour l’indépendance. La somalie lança des opérations militaires en 1964 et 1977 en vue de regagner cette région, mais elle échoua.
C’est cette histoire qui couvre l’actuel malheur et la présence de l’Ethiopie en Somalie. C’est un passé qui hante beaucoup de gens des deux pays.
En pratique, ceci pourrait ne pas être une guerre entre deux gouvernements, parce que le gouvernement internationalement reconnu de la Somalie a présentement des rapports mutuellement favorables avec les Ethiopiens. Mais théoriquement et idéologiquement, c’est également une guerre entre les sociétés.
A la lumière de ce qui précède, les bruits politiques et la dimension internationale de la situation actuelle sont moins importants que la présente tache noire dans les rapports entre les deux sociétés voisines. La raison en est que l’histoire ne se rappellera pas de l’opération triomphante de l’Ethiopie en Somalie comme l’œuvre de deux gouvernements alliés, mais plutôt comme l’un des plus grands succès militaires contre la montée de l’Islam politique en Afrique – si pas dans le monde entier.
Guerre et Politique
Le président de la sSomalie, Abdullah Yusuf Ahmed, indique que ce moment-ci constitue un nouveau départ pour la Somalie et une chance pour la communauté internationale de donner son assistance. Les Etats-Unis, l’UE et l’UA ont donné leur réponse. Il est maintenant officiel que les troupes de l’UA seront envoyées – peut-être avant fin janvier – bien que le mandat de leur mission n’ait pas été spécifié.
Le dirigeant de l’Ethiopie Meles Zenawi indique qu’il a l’intention de garder ses troupes à l’intérieur de la Somalie pour seulement quelques semaines, et de quitter les lieux une fois que les troupes de l’UA arriveront – une position soutenue par les Etats-Unis et le gouvernement britannique. Mais le premier ministre somalien qui est vainqueur, en retournant dans la capitale, indique que les Ethiopiens resteront là-bas aussi longtemps que le gouvernement somalien trouvera leur présence nécessaire. Cette option très sensible est une véritable possibilité. Pourrait-elle aussi transformer la victoire en une défaite?
Il y a deux raisons qui font qu’on puisse penser de la sorte. La première est que l’intervention éthiopienne est un cauchemar diplomatique pour la communauté internationale. Lorsque les Etats de la région de l’Afrique de l’Est ont proposé, au départ, après de pénibles négociations qui ont duré deux ans – l’envoi de troupes en Somalie en soutien au gouvernement somalien, ils ont pris le soin d’exclure les pays frontaliers avec la Somalie (le Kenya, l’Ethiopie et le Djibouti) – puisque tous les trois avaient des intérêts divergents sur la Somalie ainsi que de grandes populations d’ethnie somalienne.
Cette opinion fut reprise après la formation du gouvernement somalien en 2004, lorsque le parlement de transition a approuvé le déploiement de troupes africaines mais a spécifiquement exclu les mêmes pays voisins. En décembre 2006 également, quand les Nations Unies ont adopté une résolution autorisant le déploiement en Somalie d’une force africaine composée de 8,000 hommes, ces mêmes trois nations furent encore une fois exclues. Tout ceci prouve à suffisance que l’entrée éthiopienne en Somalie a violé les normes et la loi internationales.
Deuxièmement, les trois gouvernement engagés – somalien, éthiopien et américain – vont trouver difficile de modifier la perception des Somaliens envers les forces éthiopiennes, compte tenu des circonstances de leur entrée, spécifiquement si la situation sur le terrain devient défavorable à cette dernière (si, par exemple, le GFT ne parvient pas à délivrer et que l’insécurité continue de régner, et/ ou l’UTM resurgit de la brousse).
Il y a déjà eu des manifestations anti-éthiopiennes à Mogadishu en protestant contre les tentatives de collecter les armes. Le gouvernement somalien a maintenant retardé indéfiniment la politique de collecte des armes. Entretemps la tension est en train de monter dans la ville centrale de Beletweyne après que les Ethiopiens aient détenu un commandant de haut rang des forces gouvernementales somaliennes après qu’il eut pardonné au président local des Tribunaux Musulmans et refusé de le remettre aux Ethiopiens.
Le problème du gouvernement en ce qui concerne l’UTM vaincue est que celle-ci ne souffre d’autre stigmatisation que l’allégation de liens avec les terroristes par les Etats-Unis et l’Ethiopie. Ainsi s’il ne succombe pas aux attaques actuelles, ce ne sera pas surprenant que certaines autorités de l’UTM réapparaissent dans les villes principales dans quelques mois.
Le Présent et l’avenir
Ceci rend une option diplomatique continuellement pertinente. Le déploiement prospectif des troupes de l’Union Africaine va également nécessiter des initiatives politiques nouvelles et créatives en vue d’atteindre une solution. Le gouvernement somalien devra agir d’une manière réconciliatrice et éviter la vengeance et la politique de boucs émissaires ; les milices et les clans devront être désarmés dans tout le pays et de manière équitable et en retour recevoir des garanties de justice et de sécurité ; le gouvernement devra éviter la désunion tout en essayant d’accomplir des miracles de délivrance.
Le gouvernement somalien et ses alliés éthiopiens ont occupé des endroits où l’UTM a régné pendant plusieurs mois et fait voir un nombre important de réalisations: elle a mis en œuvre la loi et l’ordre, ouvert tous les ports (tout le long de la plus longue ligne côtière en Afrique), reconstruit les institutions gouvernementales essentielles (le palais présidentiel, l’aéroport international de Mogadishu, la cour suprême, la prison, et les immeubles du ministère des affaires étrangères et de l’information – et désarmé tous les seigneurs de guerre. C’est une demande difficile à satisfaire pour le gouvernement, mais même la moitié de ce que l’UTM a réalisé pendant cette période serait perçue par beaucoup de Somaliens comme un pas significatif.
Le succès militaire du gouvernement somalien et des Ethiopiens, et le déploiement de troupes dans l’après-guerre, ne sera d’aucune valeur si l’on ne trouve pas de solution politique à l’un des conflits les plus compliqués de l’Afrique. Tout échec ici va hanter les commandants militaires de l’Union Africaine qui devront s’occuper de l’échec politique, et le peuple somalien continuera de souffrir.
La Somalie, l’Ethiopie (et les Etats-Unis) ont déjà commis une erreur politique majeure, en installant quatre seigneurs de guerre (dont aucun n’est membre du gouvernement somalien) comme gouverneurs des zones qu’ils ont dirigées avant que l’UTM ne les détrônent.
Ceci soulève vivement la question de savoir si oui ou non l’UTM pourrait se ressaisir et redevenir forte. Le processus politique de la Somalie a été stagnant pour la majeure partie des seize dernières années – dominé par les mêmes seigneurs de guerre et dirigeants claniques. La phase dramatique des débuts de l’été 2006 a mené l’UTM dans une position de commandement qu’ils ont perdue au bout de six mois. La phase actuelle verra deux déploiements majeurs de troupes étrangères dans une courte période. Les chances de voir encore davantage de surprises sont réelles. L’une d’entre ces dernières sera –t-elle le retour de l’UTM à travers la guérilla, ou sous une forme d’un autre groupe de résistance ?
Deux scénarios pourraient contribuer au retour de l’Union des Tribunaux Musulmans. Le premier est que le gouvernement fédéral de transition continue de s’appuyer sur le soutien étranger – de la part de l’Ethiopie ou d’autres troupes africaines, ou des deux – mais ne gagne pas la confiance des Somaliens ordinaires. Le second est que le GFT ne trouve pas un mécanisme politique soit pour ménager ou pour anéantir les seigneurs de guerre freelance, rendant ainsi très difficile la restauration de la sécurité. Plus ces seigneurs de guerre restent en dehors du gouvernement, plus les groupes d’opposition sont susceptibles d’augmenter. La bataille a été gagnée, du moins pour le moment. Pourtant rien ne signale que la guerre va se terminer bientôt. La Somalie reste à la croisée des chemins.
Le présent article par Harun Hassan fut initialement publié sur apendemocracy.net sous une licence de creative commons. Si cet article vous a fait plaisir, visitez opendemocracy.net pour davantage. Le lien de l’article original est : [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org
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