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Fournissant aux lecteurs de Pambazuka un lien clair entre les droits de la femme et la loi Islamique, le Dr. Muhammad Tawfiq Ladan soutient qu'un lien significatif existe entre ce que le Protocole sur les Droits de la Femme en Afrique et la Charia ont à offrir aux communautés Musulmanes en Afrique. Détaillant le fondement de l'égalité de la femme telle que stipulée dans le Coran et la loi Islamique, cet article soutient que l'Islam reconnaît que bien que les hommes et les femmes soient différents, ils ne sont certainement pas inégaux. L'article se termine avec quelques recommandations importantes pour les défenseurs de la cause travaillant dans les pays Africains Musulmans pour assurer les droits de la femme.

Ce papier soutient que le Protocole sur les Droits de la Femme en Afrique offre une plate-forme stratégique pour les défenseurs de la cause cherchant à porter les droits universels de la femme à l'attention des citoyens, organisations, gouvernements et décideurs à travers l'Afrique. Il va plus loin en soutenant qu'il y a un lien significatif entre le Protocole et la Charia en termes d'objectif, de nature et de portée des droits de la femme.

Ainsi, cet article vise à atteindre les objectifs suivants:

1. Donner une vue d'ensemble du Protocole avec un accent particulier sur les droits fondamentaux à la survie, au développement, à la protection et à la participation des femmes en Afrique;
2. Établir un lien significatif entre les dispositions fondamentales du Protocole et la perspective Islamique sur l’égalité des sexes.
3. Conclure avec quelques options viables pour des stratégies efficaces dans la promotion et la protection des droits de la femme en Afrique.

Le Protocole sur les Droits des Femmes en Afrique

Cette partie de l’article vise à mettre en évidence la signification et le potentiel du protocole ainsi que le raisonnement qu’il y a derrière et examiner ses dispositions clés relatives aux droits de la femme en Afrique.

Signification et Potentiel du Protocole

Le 11 juillet 2003, l’Union Africaine a adopté à Maputo, au Mozambique, un traité de référence intitulé Protocole sur les Droits de la Femme en Afrique (le protocole) pour compléter la charte régionale des droits de l'homme, la Charte Africaine sur les Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte Africaine). Le protocole, qui est entré en vigueur le 25 novembre 2005 après avoir été ratifié 15 gouvernements Africains, offre une large protection des droits universels de la femme, dont l'égalité des sexes et la justice

La signification et le potentiel du protocole vont au-delà de l'Afrique. Le traité comporte un certain nombre de précédents mondiaux. Par exemple, il représente la première fois qu'un instrument de défense des droits internationaux de la personne a explicitement articulé le droit de la femme à l'avortement lorsque la grossesse résulte d’abus sexuel, de viol ou d'inceste; lorsque la poursuite de la grossesse met en danger la vie ou la santé de la femme enceinte; et dans les cas d’anomalies foetales graves qui sont incompatibles avec la vie. Une autre première est l'appel du protocole à l’interdiction de pratiques nuisibles comme la circoncision/mutilation génitale des femmes (FC/FGM) qui a ravagé la vie d’innombrables jeunes femmes en Afrique.

Le protocole peut aider les défenseurs de la cause à mettre la pression sur les gouvernements pour qu’ils abordent les questions prioritaires d’ordre social, économique, politique et médical qui contribuent au sombre état de la condition de la femme partout en Afrique et à travers la confiance aux valeurs Coraniques dictées sur l'égalité des sexes, des liens avec le protocole peuvent être établis pour renforcer les droits de la femme Musulmane à travers le continent.

Égalité des Sexes et Justice dans la Charia

La Charia qui est techniquement citée comme étant 'la loi du croyant' dans l'Islam, a deux composantes. Une composante divine qui est fondée sur les dispositions du Saint Coran et de la Sounah du Prophète de l'Islam ; et une composante humaine de la Charia qui est en grande partie enracinée dans la pratique de l'ijtihad, techniquement citée comme étant l’initiative humaine de s'engager dans la recherche, de fournir des interprétations juridiques des dispositions de la composante divine de la Charia, de recourir à des avis légaux ou fatwa, de procéder à une analyse juridique, de discourir ou d’interpréter, ainsi que de faire des déductions analogiques sur les règles par des mujtahids qualifiés ou des érudits de la lettre et de l'esprit du Saint Coran. Ainsi, tandis que la composante divine est immuable, l'aspect humain de la Charia est sujet à l’erreur.

Généralement on considère que la Charia traite la femme injustement et que l'égalité des sexes et la justice ne sont pas possible dans le système judiciaire Islamique. Cette affirmation est en partie vraie et en partie fausse.

En partie vraie concernant le recours au processus de l'ijtihad, le résultat et l’application duquel ne reflètent pas les besoins de changement et les conditions de vie de la Ummah Musulmane et n’est pas compatible avec les valeurs que le Coran soutient à plusieurs reprises en quatre mots: ‘adl (Justice), ihsan (Générosité), rahmah (Compassion) et hikmah (Sagesse).

Ces valeurs Coraniques sont très proches des droits humains; elles sont en fait l'essence même des droits de l'homme. On ne peut penser aux droits humains, d'un individu quelconque ou d’un groupe dans le monde moderne sans ces valeurs. La justice est aussi fondamentale pour les droits de l'homme que la générosité, la compassion et la sagesse. L’on ne saurait avoir une société humaine sans qu’elle ne soit société juste.

La notion est en partie fausse du fait que le concept de droits humains et son respect sont tout à fait intrinsèques aux enseignements du Coran et aux pratiques du Prophète. Le Coran ainsi que la Sounah demeurent pour les Musulmans le cadre de promotion et de protection de ces droits humains de l'individu et/ou du groupe.

Et le Coran a reconnu et a soutenu les droits de la femme en particulier : la libre possession de biens, l'éducation, la succession, le libre consentement au mariage, le divorce, la garde d'enfant, au droit de vote et à la pleine capacité juridique. Cependant, il est nécessaire d'améliorer l'accès des femmes à la justice et de renforcer de manière pratique l'égalité des sexes dans les sociétés Musulmanes.

La perspective Coranique de l’égalité des sexes

On avait trouvé « l’expression perspective Coranique de l’égalité des sexes» comme étant le titre le plus approprié car elle nous oriente vers la découverte de ces principes de base du Coran même qui nous permettent de comprendre la marche des sociétés de notre monde musulman.
Tous les musulmans aspirent à vivre dans une société qui fonctionne selon les principes du Coran, même si sans le savoir nous nous devions de ces principes.

Nous devons travailler tous à la tenue de la conférence pour une société qui fonctionne selon les principes du Coran si nous voulons que les populations aspirent à un avenir radieux. Ce n’est pas la version indonésienne, pakistanaise, saoudienne, égyptienne, soudanaise ou nigériane de cette société que nous devons considérer comme la norme incontestable mais celle fermement basée sur les enseignements du Saint Coran. C’est seulement de cette façon que l’on pourra trouver une définition appropriée du rôle de la femme dans la société. Puisque ces enseignements constituent le sujet de ce sous titre, ce qui précède plus haut semblait être le titre le plus approprié.

Par le choix de ce titre on a éprouvé le besoin de mettre l’accent sur le fait que les musulmans doivent considérer le Saint Coran comme notre guide dans tous les aspects de nos vies. Ce n’est pas seulement la première source de connaissances en ce qui concerne les pratiques, obligations et croyances religieuses, c’est aussi le guide, que cela soit spécifique ou implicite de tout aspect de la civilisation islamique.

Dans cette dynamique, considérons d’abord ce que le Coran doit nous apprendre à propos de l’égalité des sexes dans la société à laquelle nous aspirons, et réfléchissons sur ses effets par rapport à la position des femmes. Quelles sont les caractéristiques de base d’une société Coranique qui affecte particulièrement les femmes ?

Cinq caractéristiques qui semblent fondamentales, cruciales et indéniables d’une société Coranique sont à considérer. Bien que présentées en série, elles sont liées les unes aux autres. Cette interdépendance entre les 5 caractéristiques rend difficile toute possibilité de parler de l’une d’entre elles sans mentionner les autres et naturellement elles ne sont pas et ne peuvent pas exister séparément

Les Caractéristiques comprennent les éléments suivants:

Premièrement, le Coran reconnaît l’égalité de statut et de valeur des sexes, et les premières de ces confirmations Coraniques de l’égalité homme–femme sont contenues dans des déclarations ayant trait aux préoccupations religieuses comme les origines de l’humanité ou les récompenses et obligations religieuses.

Deuxièmement, les musulmans acceptent une société double sexe plutôt qu’une société unisexe. Tout en maintenant la validité de l’égalité entre les hommes et les femmes, le Coran n’entend pas par cette égalité une équivalence ou une identité des sexes. La société qui fonctionne selon les principes du Coran est une société par contre double sexe dans laquelle les deux sexes ont leurs responsabilités propres. Cela assure le fonctionnement sain de la société dans l’intérêt de tous ses membres.

Troisièmement, l’interdépendance entre tous les membres de la société est d’une importance capitale. Contrairement à la tendance actuelle mettant l’accent sur les droits de l’individu au détriment de ceux de la société, le Coran insiste de façon constante sur l’interdépendance entre l’homme et la femme de même que tous les membres de la société.

Quatrièmement, la valeur de la famille élargie est synonyme d’Islam, puisqu’elle sert à améliorer les relations entre les hommes et les femmes. Ainsi les liens de famille qui dépassent le cadre nucléaire de l’unité familiale sont manifestes à travers de forts liens économiques, sociaux, psychologiques et même politiques.

Cinquièmement la caractéristique de base d’une société Coranique est le patriarcat. Pour avoir la stabilité et la cohésion, dans l’islam, le patriarcat est de mise avec les hommes assumant la responsabilité du maintien de la société.

L’analyse ci-dessus démontre que tout en étant différents, les hommes et les femmes sont toujours égaux et comme tel méritent un traitement équitable. Le Coran donne ainsi la base à partir de laquelle la femme doit être perçue dans les communautés musulmanes, pendant que le protocole assure la protection légale de toutes les femmes africaines y compris même celles vivant dans un contexte islamique.

L’analyse précitée démontre que même s’il y a une différence entre les hommes et les femmes, ils restent cependant égaux et devraient par conséquent être traités comme tels. Le Coran constitue la base sur laquelle la femme doit être considérée dans les communautés musulmanes alors que le protocole donne la protection juridique à toutes les femmes africaines y compris celles qui vivent dans un contexte islamique.

Conclusions et recommandations

Il apparaît de l’analyse ci-dessus, qu’aussi bien le Protocole sur les Droits des Femmes en Afrique que l’Islam reconnaissent le rôle capital que jouent les femmes dans la préservation des valeurs familiales et de la société, et cherchent à promouvoir et protéger les droits des femmes en tant qu’être humains, citoyennes de leurs pays respectifs et comme membres d’un groupe vulnérable qui font l’objet de discrimination, de marginalisation et de violations dans toutes les sociétés humaines.

Par ailleurs, la question de savoir comment les hommes et les femmes (en particulier ceux ou celles qui occupent des fonctions publiques, politiques, les leaders religieux et communautaires, les érudits neutres sur la question du genre, ceux qui formulent et mettent en œuvre les politiques) perçoivent les droits des femmes et dans quelle mesure leurs décisions et comportements reflètent une préoccupation de ces droits, sont de préoccupations qui nécessitent : une éducation permanente sur les droits humains, des campagnes de sensibilisation agressives , une recherche pluridisciplinaire et une approche interculturelle à la compréhension, à l’articulation et à la promotion des droits des femmes comme droits humains dans un contexte civique, politique, social, économique, culturel, environnemental et de développement.

De même, puisque les reformes politiques et juridiques ainsi que les idées sur les droits humains ne peuvent que créer un contexte réceptif aux changements d’attitude et ne peuvent en elles mêmes produire ces changements, il est également important de prêter attention aux réalités pratiques qui peuvent, soit soutenir ou entraver ces reformes. Ces réalités concernent les infrastructures sanitaires et économiques, les modèles de formation et de dissolution des familles, ainsi que la diffusion des idées à travers l’éducation et l’échange. En d’autres termes, il s’agit de toutes ces conditions nécessaires à une protection efficace des droits des femmes et à une promotion de l’égalité et de la justice entre les genres.

Les options viables pour les défenseurs des droits de la femme.

De prime abord, les défenseurs des droits des femmes dans les pays qui n’ont pas encore ratifié le protocole, devraient faire du lobbying auprès de leurs gouvernements pour qu’ils le ratifient.

Deuxièmement, il y a lieu de soutenir les objectifs du protocole. Tout Etat signataire du traité est soumis à l’obligation immédiate de soutenir les objectifs du traité : à savoir assurer la promotion et la protection des droits humains des femmes ; veiller à la mise en œuvre du protocole au plan national ; soumettre des rapports périodiques à la Commission Africaine des Droits Humains, et apporter les remèdes juridiques adéquats à toute femme dont les droits seront violés. L’adoption ou l’abrogation de certaines législations, la mise en œuvre de politiques et programmes, et l’application par les juridictions nationales et les autres mécanismes légaux peuvent répondre aux obligations prévues dans le présent protocole ;

Troisièmement, les militants peuvent faire du lobbying auprès de leurs gouvernements pour reformer les lois et politiques nationales défavorables aux droits des femmes dans le cadre de ce protocole. Quatrièmement, les militants des droits des femmes doivent pousser les décideurs nationaux et locaux à faire appliquer les politiques et programmes visant à protéger les droits des femmes : par exemple violence faite aux femmes ; discrimination contre les femmes ; le droit de la femme au développement durable ; le droit de la femme à participer à la gouvernance, au processus décisionnel, à tous les niveaux, même en politique.

Cinquièmement, les militants peuvent soumettre certains litiges aux juridictions nationales pour faciliter la résolution de questions liées à la violation des droits sexuels et des droits à la reproduction des femmes, de leurs droits à un environnement sain et durable etc.

Sixièmement, les traités permettent aux militants d’exprimer clairement la nature et le contenu des droits humains des femmes. Le langage du protocole peut par conséquent être utilisé pour éduquer les femmes et les hommes, les décideurs politiques et autres militants sur le sens et l’importance des normes juridiques, des droits et obligations tels qu’ils s’appliquent aux droits des femmes en Afrique.

Septièmement, organiser des sessions de formation sur le système africain des droits humains et le rôle du protocole pour ceux qui protègent et œuvrent à la promotion des droits des femmes en Afrique.

Enfin, les militants des droits des femmes doivent faire du lobbying auprès des États membres de l’Union Africaine de manière à s’assurer que les mécanismes de mise en application des droits humains en Afrique sont efficaces.

*Cet article contient des extraits et un résumé d’une longue communication faite lors d’un symposium co-initié par l’Association Scientifique des Femmes de Babiker Badri, le Ahfad University for Women (Université Ahfad pour les Femmes) et organisé par la coalition Solidarity for African Women (Solidarité pour les femmes Africaines (SGAWR)) pendant le sixième sommet de l’Union Africaine en janvier 2006 au Soudan.