Le 3 février 2008, l’attaque des forces armées de l’opposition tchadienne échoue aux portes du palais d’Idriss Déby, devant l’intervention de la France. Dans les représailles et répression qui suivent, des opposants politiques sont arrêtés. Parmi eux, Ibni Oumar Mahamat Saleh qui a disparu depuis lors. Ndjaména ne s’est jamais expliqué sur cette disparition et la France continue de couvrir ce qui s’apparente à un crime d’Etat.
Quatre ans après l’enlèvement à son domicile à N’Djamena - la capitale du Tchad - de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh par des éléments des forces de sécurité tchadiennes, sa famille, assistée par son avocat Maître William Bourdon, a décidé de déposer une plainte en France avec constitution de partie civile pour enlèvement, séquestration, torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Cette plainte a été déposée le 7 février 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle est l’aboutissement logique d’une défaillance de la justice tchadienne.
L’ACAT-France et Amnesty International France soutiennent l’initiative de la famille d’Ibni Oumar Mahamat Saleh dans leur quête de vérité et de justice. Ces deux associations ont, à de nombreuses reprises ces dernières années, interpellé les autorités tchadiennes et françaises pour que toute la lumière soit faite sur cette disparition forcée.
Après quatre années passées, force est de constater que la procédure judiciaire en cours au Tchad n’a conduit à aucune révélation quant au sort qui a été réservé à Ibni Oumar Mahamat Saleh. Elle n’a également pas permis à ses proches de connaître la vérité. Selon Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France : « Faute de réelle volonté politique, le Tchad n’a jamais véritablement engagé de procédure judiciaire sur cette affaire. Aucun des auteurs et responsables présumés de cette disparition n’a eu à répondre de ses actes devant la justice plus de quatre ans après la disparition forcée d’Ibni Oumar Mahamat Saleh ».
« Après tout ce temps passé, les autorités tchadiennes auraient pu croire que l’affaire Ibni allait être enterrée comme bien d’autres affaires semblables au Tchad. Cette impunité a, au contraire, poussé sa famille à se mobiliser encore plus fortement. Aujourd’hui, dans une suite logique de quête de la vérité, la justice française est saisie de ce dossier » affirme Clément Boursin, responsable des programmes Afrique de l’ACAT-France.
L’ACAT-France et Amnesty International France espèrent qu’une instruction sera rapidement ouverte en France et que la justice pourra faire son travail en toute indépendance, sans interférences politiques et diplomatiques.
L’ACAT-France et Amnesty International France appellent les autorités françaises, notamment le ministère de la Défense, à répondre favorablement aux éventuelles demandes de déclassification de tous les documents, y compris ceux classés « secrets-défense », relatifs aux événements de février 2008 à N’Djamena, qui pourraient être effectuées dans le cadre de la plainte déposée en France.
Dans le même temps, l’ACAT-France et Amnesty International France, conformément aux recommandations de la commission nationale tchadienne chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises en janvier-février 2008, appellent les autorités tchadiennes à traduire en justice, dans les délais les plus brefs, les responsables d’homicides illégaux, de viols, de tortures, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales, perpétrés lors de ces événements, dans le cadre de procès respectant les normes internationales d’équité et sans recours à la peine de mort.
L’ACAT-France et Amnesty International France tiennent à rappeler que ces graves atteintes aux droits de l’homme commises, tant par les forces de sécurité tchadiennes que par les groupes armés d’opposition, pourraient faire l’objet au regard du droit international d’une enquête préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) en cas d’absence de progrès significatif au Tchad.
RAPPEL DES FAITS
Ibni Oumar Mahamat Saleh a été arrêté le 3 février 2008 à son domicile de N’Djamena par des membres des services de sécurité tchadiens, après que l’attaque menée par une coalition de groupes armés d’opposition contre N’Djamena eut échoué. Les autorités tchadiennes n’ont toujours pas révélé ce qu’il est advenu de lui ni traduit en justice les responsables présumés de sa disparition forcée.
Lors des évènements de février 2008, la France a appuyé les autorités tchadiennes pour repousser les forces d’opposition armées. La présence d’officiers français auprès de la présidence tchadienne à la date le 3 février, date à laquelle trois opposants politiques dont Ibni Oumar Mahamat Saleh, ont été enlevés, serait avérée. Les autorités françaises doivent dès lors faire preuve de toute la transparence nécessaire afin de contribuer à l’établissement de la vérité dans cette affaire, qu’elles ont publiquement et à plusieurs reprises appelée de leurs vœux.
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* Ophélie Latil est contact presse d’ACAT-France et Aurélie Chatelard est contacts presse d’Amnesty International France
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