Le 500ème numéros de l’édition anglaise de Pambazuka News a été publié le 14 octobre 2010. Dans quelques mois, notre journal célèbre son 10ème anniversaire. Il est difficile de croire que ce qui a commencé comme une initiative informelle, permettant aux militants et aux organisations des Droits de l’Homme en Afrique de se maintenir au courant et de rester en contact les uns avec les autres par courriel, a évolué jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Firoze Manji rappelle la vision, les principes et les actions de ce qui est plus qu’un journal.
Qu’est ce que Pambazuka News est devenu ? Ceci est une question difficile parce qu’il représente pour chacun quelque chose de différent. Bien que son nom indique un bulletin d’informations, il n’en est rien. Pourtant il contient des infos et, oui, nous essayons de résumer ce que nous pensons être les développements les plus importants sur le continent dans la section ‘’Liens et Ressources’’ du bulletin électronique. Mais c’est plus que cela.
Le contenu de Pambazuka ne provient pas de journalistes, mais bien d’un nombre croissant de correspondants, d’universitaires, de blogueurs, de militants, d’organisations et de mouvements. De ce point de vue, c’est probablement le journalisme citoyen le mieux établi - et pourtant non reconnu- qui a vu le jour longtemps avec que le terme n’entre dans le jargon usuel. Et pourtant, c’est plus qu’un site pour le journalisme citoyen.
Pambazuka News a été développé afin de cultiver et de soutenir le développement d’un mouvement panafricaniste progressiste, porteur de la promesse aux peuples du continent qu’ils peuvent et détermineront leurs propres destinées. Il a été développé afin ‘’de permettre aux gens d’organiser leur émancipation de toutes les formes d’oppression, de reconnaître leurs responsabilités, de se respecter les uns les autres et de réaliser tout leur potentiel’’. (1)
Ce que nous avons cherché à faire, c’est de fournir une tribune, un espace pour une analyse critique d’un point de vue panafricaniste et émancipateur, qui informe et arme ceux qui sont engagés dans la lutte pour la transformation sociale et qui leur permette de se faire entendre aux milieu de la cacophonie des médias dominants.
Nous avons activement cherché à favoriser l’établissement de connexions de solidarité à travers tout le continent et avec la diaspora. Nous avons cherché à démystifier le ‘’développement’’, en mettant en évidence l’exploitation des peuples africains, le pillage des ressources naturelles par les multinationales et les agences de développement, par lesdites puissances émergentes et par nos élites locales. Nous avons permis à de nombreux mouvements sociaux et des organisations faisant campagne d’utiliser Pambazuka News afin de promouvoir des politiques sociales progressistes. Nous avons fourni un espace de sécurité où des sujets comme la sexualité, les mouvements homosexuels et de lesbiennes peuvent être discutés sans craintes. Et nous avons encouragé les débats et les discussions sur les questions critiques du jour.
Ce faisant, nous avons promu une image de l’Afrique qui va à l’encontre des caricatures superficielles, condescendantes, souvent racistes qui tendent à prévaloir dans les médias internationaux dominants, une image qui contredit la mentalité de mendiant chère aux ONG du développement et de l’industrie caritative qui présentent les Africains comme de pitoyables objets passifs qui attendent leur bienveillance. Mais par-dessus tout, Pambazuka News montre le peuple d’Afrique comme un agent du changement ; ceux qui, malgré les difficultés, écrivent l’histoire de leurs luttes quotidiennes.
Mais si notre but était bien de cultiver le panafricanisme, nous reconnaissons aussi qu’à l’intérieur du mouvement il y a des tendances diverses qui doivent être mises en lumière et discutées. Nous n’avons pas reculé lorsqu’il s’est agi de discuter de thème comme la réforme agraire de Mugabe au Zimbabwe, du Darfour ou du Rwanda. Des discussions ouvertes et non sectaires, qui considèrent des perspectives divergentes, sont une précondition à la clarté et, paradoxalement, à la construction de l’unité.
Un des principes directeurs de Pambazuka News a toujours été de dire : nous n’avons pas de concurrent. Lorsque d’autres développent des bulletins électroniques, créent de nouveaux sites sur le Web ou prennent des initiatives similaires à la nôtre, nous célébrons et nous leur faisons de la pub dans nos pages
Notre lectorat est relativement modeste. Nous avons approximativement 26 000 abonnés et quelque 600 000 visiteurs du site web au cours de l’année passée. Ce lectorat a été principalement établi par ‘’le bouche à oreilles’’. Mais en réalité nous ne connaissons pas la dimension de notre lectorat : des articles de Pambazuka News sont régulièrement publiés dans Africa.com et sur de nombreux autres sites. Notre évaluation du lectorat montre que chaque abonné envoie le journal à cinq autres personnes.
La mesure des possibilités par lesquelles ces 2500 correspondants et les lecteurs ont pu interagir s’est jusque là limitée à l’écriture d’articles, de lettres au rédacteur ou à faire des commentaires en ligne Ceci est une chose que nous cherchons à améliorer. Au cours des prochains mois, nous allons lancer un nouveau site Web qui permettra une plus grande interaction, un espace où les membres pourront afficher les informations les concernant, initier des débats, organiser des campagnes ou participer à des forums en ligne que des intellectuels éminents et des militants seront invités à diriger.
Il y a cinq ans, nous publiions trois à quatre articles originaux chaque semaine. Aujourd’hui, nous recevons tellement d’articles que force nous est de publier entre 20 et 30 articles par semaine. Nombre d’en vous nous ont fait savoir que le volume était trop important, les articles trop longs. Nous-même avons des problèmes à tout lire et à tout éditer.
Sommes-nous juste les victimes de notre propre succès ? En partie, certainement. En raison de la popularité de Pambazuka News, il y a un nombre croissant de gens qui voudraient être publiés dans nos pages. Mais nous pensons aussi que l’augmentation du volume est le reflet de quelque chose qui dépasse Pambazuka News : au cours de nos dix ans d’existence, nous avons pris conscience que nous vivons dans une ère nouvelle où les protestations sont en augmentation, que le militantisme est en recrudescence, que les mouvements sociaux qui refusent de se plier réémergent, que l’époque réclame un autre monde.
Nous pensons que plus grand monde n’accorde de crédit aux mantras de nos ‘’dirigeants’ qui ont tant vendu des fruits durement acquis de l’indépendance, qui ont présidé à la privatisation des services publiques, de la terre, des ressources naturelles, qui ont créé des chômeurs et des paysans sans terre tout en accumulant pour eux-mêmes de vastes fortunes. Le concept de ‘’ développement’’ a été vidé de sa substance au-delà de l’accumulation par la dépossession. Il y a dans l’air du mécontentement, une recherche d’alternative à l’idéologie du pillage. C’est cette humeur qui nous semble être reflétée dans le contenu des articles publiés dans Pambazuka News
Dans les temps à venir, alors que l’économique mondiale capitaliste poursuit sa spirale de crises, alors que la poursuite du profit maximum empêche toute mesure raisonnable pour arrêter et renverser les tendances de changements climatiques et alors que la compétition pour l’accès aux ressources naturelles s’accélère, l’Afrique est menacée de perdre même davantage : le contrôle de sa destinée. Un mouvement efficace en faveur de la justice et la liberté est nécessaire aujourd’hui comme jamais dans l’histoire. Si Pambazuka News contribue à créer un tel mouvement, alors nous aurons vécu des vies qui méritaient d’être vécue
Note
(1) Déclaration de Fahamu-Networks for social justice. http//www.fahamu.org - Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
* Firoze Manji est éditeur de Pambazuka News
* Veuillez adresser vos remarques à [email protected] ou commentez en ligne sur Pambazuka News
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