Nigeria : Élections sur fond de tension sociale
Remportées par Jonathan Goodluck devant Muhammadu Buhari, sur fond de contestations violentes et de conflits inter-religieux, les élections nigérianes ont surtout fait apparaître les grandes difficultés à faire émerger une candidature se réclamant des travailleurs et de la jeunesse.
Le 18 avril, Jonathan Goodluck a été déclaré vainqueur des élections présidentielles dès le premier tour avec 22 millions de voix contre 12 millions pour son challenger et, en remportant plus d’1/4 des voix dans 2/3 des 36 Etats qui constituent le Nigéria.
Les observateurs, notamment ceux dépêchés par l’Union Africaine, considèrent le vote comme sincère, jugement qui est loin d’être partagé par l’opposition ; ainsi Muhammadu Buhari, arrivé second, dénonce des vols de nuit d’avions remplis de bulletins et met en avant l’existence d’Etats où les résultats pour Goodluck dépassent les 95 %. Dès l’annonce du résultat des émeutes ont éclaté dans le Nord du pays, notamment à Jos provoquant la fuite de milliers d’habitants.
Depuis 1999, le parti démocratique du peuple, le PDP se révèle être une formidable machine électorale et, même s’il a été affaibli par des primaires en son sein, il a réussi son pari de gagner dès le premier tour face à une opposition divisée, mais surtout qui est issue du même sérail que les dirigeants du PDP. En effet, Buhari a déjà été au pouvoir, à la tête d’une dictature pendant deux ans et rien n’a jamais été entrepris pour les populations. Pourtant le pays, comme beaucoup de pays africains, est riche et même très riche, il est le premier exportateur de pétrole du continent.
C’est aussi un pays profondément divisé entre le Nord, musulman, et le Sud, chrétien et si la religion joue un rôle dans cette division, d’autres facteurs doivent être pris en compte ; l’histoire coloniale du pays où l’occupant britannique a soigneusement entretenu l’opposition entre les deux parties du pays et surtout la situation économique du Nord qui reste moins développée et beaucoup plus pauvre que le Sud.
Le trait commun cependant reste que l’immense majorité des 150 millions de Nigérians vivent dans des conditions sociales indignes au vu de la richesse de ce pays. L’élite dirigeante dilapide des sommes provenant de l’exportation du pétrole. En 2007, les comptes de l’Excess crude account (ECA) sur lesquels sont placés les revenus pétroliers, s’élèvent à 20 milliards de dollars ; aujourd’hui, il ne resterait plus que 500 millions de dollars, le reste étant distribué aux différents gouverneurs des Etats afin d’acheter leur soutien au gouvernement fédéral.
Cette corruption se rencontre partout, le Nigaria comparé à l’Afrique du Sud est 27 fois moins développé en ce qui concerne la distribution de l’électricité, ce qui permet ainsi au PDG de Zenon oil, principal fournisseur de diesel pour les générateurs électriques, d’amasser des fortunes considérables. Il est l’un des principaux soutiens de Goodluck et fait pression pour ralentir au maximum le déploiement de l’électricité à travers le pays.
Ces élections font apparaître les grandes difficultés à faire émerger une candidature se réclamant des travailleurs et de la jeunesse. A l’image du système britannique, les syndicats ouvriers sont partie prenante de la constitution du parti travailliste, mais ce dernier a refusé de se présenter au prétexte que ces élections lui reviendraient trop cher ; c’est surtout une manière, pour les bureaucrates syndicaux, de monnayer auprès des différents partis de la bourgeoisie leur soutien lors des différentes élections.
Même faible, l’existence de plusieurs organisations de la gauche révolutionnaire est un point d’appui pour construire une réelle alternative à la politique de pillage organisée par la bourgeoisie nigériane au plus grand profit des multinationales occidentales.
* Paul Martial est membre du Nouveau parti anticapitaliste
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