http://www.pambazuka.org/images/articles/74Fr/angola_33ansplustarde_l.jpgEn septembre 2008, l’Angola a connu les deuxièmes élections législatives de son histoire. Un événement qui a eu lieu trente-trois ans après l’accession du pays à l’indépendance. Mais, cette fois, dans un contexte différent qui permet d’entrevoir une nouvelle ère démocratique. En parcourant l’évolution de l’Angola indépendante, José Patrocinio évoque les pesanteurs qui ont gêné l’évolution politique dans ce pays et évoque les changements qui permettent, à partir des dernières élections, d’entrevoir un nouvel avenir.
Avec la Révolution des œillets au Portugal, le 25 avril 1974, s'ouvre une page dans l'histoire de ce pays colonial et de ses colonies d’alors. C’est à cette époque que ’Angola entre dans un processus de décolonisation qui le conduit à l'indépendance, le 11 novembre 1975. Pendant ce processus de transition, nombreux ont été les espaces de participation ouvertes aux Angolais. Des commissions ont été créées dans tous les domaines, pour les étudiants, les travailleurs, etc. Les espérances liées à la construction démocratique étaient partout manifestes. Les manifs se multipliaient et les grèves se déclenchaient un peu partout dans le pays. Les mots d'ordre se mélangeaient dans ce contexte marqué par la révolution portugaise et l’affirmation de différents mouvements de libération nationale (FNLA, MPLA et UNITA).
A partir de là, de nouveaux partis sont ainsi apparus. Quelques-uns avec un évident legs historique, d’autres étant de simples créations liées à l’évolution du moment. Des campagnes volontaires sont lancées avec un esprit révolutionnaire : récolte du café, du coton et de l’ananas, déchargement de bateaux, vaccination et distribution de lait, jusqu'à l'alphabétisation.
Ce scénario d'espoir et d’espérance n'a pas duré longtemps. Les mouvements de libération font parader leurs armées. Les provocations de groupes radicaux de la droite anti-indépendantiste sèment la panique. Dans le panorama qui se crée ainsi, la main extérieure se fait évidemment sentir. L’Angola se transformait en une scène où se jouait la réalité la plus cruelle de la guerre froide.
La majorité des Portugais et des descendants de Portugais, mais aussi beaucoup d'Angolais, ont alors commencé à fuir le pays, mettant en place des ponts aériens en direction du Portugal. Les principaux ports comme ceux de Lobito et de Luanda ont vu s’empiler des bagages de toutes sortes : boîtes, petites caisses, voitures, etc., on emportait tout ce qu’on pouvait prendre avec soi.
Dans les villes et villages, les conflits entre les forces armées des différents mouvements de libération, commencent à marquer le vécu des populations. De petites trêves sont signées, mais l'armée portugaise n'intervient pas. Quelques jours avant l'indépendance, l’Angola est envahie à partir de la région sud, par l'armée sud-africaine et au nord par l'armée zaïroise (actuelle RD Congo). Les confrontations militaires prennent alors une autre tournure et le MPLA résiste seulement dans Luanda. Entre alors en scène l'armée cubaine.
Au même moment où Augustin Neto, au nom du MPLA, proclame à Luanda l'indépendance de l'Angola et la naissance de la République Populaire d'Angola, Jonas Savimbi leader de l'UNITA, annonce, à la Nouvelle Lisbonne (actuelle Huambo) la constitution de la République Démocratique d'Angola. Mais devant l’avancée du MPLA, appuyé par la troupe cubaine, l'UNITA abandonne tous les centres urbains pour se maintenir dans les zones rurales. Le nouveau pouvoir instaure un système politique et économique socialiste. Le contrôle de l'Etat s’impose dans toutes les sphères, avec la centralisation du pouvoir et la politisation de la sphère publique. Devant la terreur toujours présente de la police secrète, toute initiative est alors enlevée à la société civile.
Quand les accords tripartites sont signés, conduisant au départ des armées sud-africaines et cubaines, le pays voit alors s’installer une économie incontrôlée. Malgré tout, les conditions sont propices à une nouvelle tentative et en 1991 un cessez-le-feu est signé entre le gouvernement (MPLA) et la guérilla (UNITA). La Constitution révisée permet le pluripartisme, promeut l'économie de marché et élargit les libertés individuelles. La société civile s'organise et les associations apparaissent.
Le peuple réagit de manière euphorique devant l'espoir qui s'ouvre. Mais l'erreur du passé n'est pas corrigée. Les deux armées du MPLA et de l’UNITA, sous le regard des Nations Unies et des observateurs internationaux, se font face. La surenchère s’installe dans les discours propagandistes de la campagne électorale. Faible et sans expérience, la société civile est absente du débat. Les premières élections sont organisées en septembre 1992 et voient la population voter massivement et pacifiquement, démontrant au monde entier sa fierté d'appartenir au concert des nations libres et démocratiques. Mais le rêve ne dure pas. La guerre reprend et s’étend à tout le pays.
Le conflit durera plus de dix ans. Les associations qui naissent interviennent plus dans l'urgence et dans l’humanitaire. Ils vont en gagner de l'audience et de l'expérience, élevant leurs voix et en occupant l'espace politique avec des propositions et des revendications. Quand le leader de l'UNITA, Jonas Savimbi, est assassiné, la guerre prend fin, avec la signature d’accords de Paix. On est alors en 2002.
L’ANGOLA, 33 ANS PLUS TARD, a vécu ses deuxièmes élections législatives, le 5 septembre 2008. Dans un contexte différent. Il n’existe plus qu’une seule armée. La Société civile peut participer de façon directe et active aux débats. Le pays présente un des plus grands indices de croissance économique au monde, avec une économie liée à la production pétrolière. Les médias publics sont monopolisés par le gouvernement et par le MPLA. Mais la presse privée affiche les propos sensationnels et gène souvent l’Etat. Les partis d'opposition sont fragiles et divisés. Ils n'offrent pas tous des alternatives et nombre d’entre eux ont eu à être mêlés à des scandales. Le président de la République s'implique directement dans la campagne électorale de MPLA en se dirigeant la liste de ce parti.
L’ANGOLA, 33 ANS PLUS TARD, continue à présenter les pires indices de développement humain au monde, dans un contraste saisissant avec ses indices de croissance économique. La corruption et le clientélisme sont partout. Des condominiums de luxe s’accaparent des terrains et délogent des milliers d'Angolais. Des milliers d'enfants meurent de paludisme, de tuberculose et autres maladies diarrhéiques. Les espaces publics sont transformés en infrastructures privées pour l'élite.
Mais la société civile a adhéré au processus électoral depuis son début, en développant des campagnes d'éducation civique électorale. Il a produit matériel informatif, organisé des débats, discuté les lois. Il consolide son espace d’évolution, est reconnu par le pouvoir et s’est posé en observateur des élections. Le grand défi est désormais que s'instaurent définitivement le processus d'éligibilité des pouvoirs d'Etat, l'élimination du fantôme de la guerre, la participation de la société civile et la décentralisation du pouvoir.
L’ANGOLA, 33 ANS PLUS TARD, est allée aux urnes. Le peuple afflue en masse vers une nouvelle aube. De façon pacifique, civique et responsable, il a dit à nouveau qu'il ne veut plus guerre.
L’ANGOLA, 33 ANS PLUS TARD, croit à nouveau que le processus d’alternance au pouvoir est en marche. Indépendamment des résultats des partis politiques sortis des urnes, le peuple angolais a gagné dans la défense de la Paix et de la Démocratie.
*José Patricínio est coordinateur de l'ONG Association Omunga, dont le siège est à Lobito, Benguela – Ce texte est paru, sous sa version originale, dans l’édition portugaise de Pambazuka (http://www.pambazuka.org/pt/category/features/50697)
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