Au cours du processus pour l’application du Protocole de Maputo par le Kenya, de nombreuses leçons ont été apprises. Regina Mwanza revient sur les difficultés rencontrées et détaille ces leçons.
Au début de 2003, Equality Now a accueilli une conférence de groupes féminins afin d’orchestrer une campagne en vue de mettre la pression sur l’Union africaine, pour qu’elle adopte le protocole et que le texte soit conforme aux normes internationales. La démarche a été couronnée de succès. L’Union africaine a repris le processus et a achevé le document. Ce Protocole de la Charte africaine pour les droits humains et des peuples et les droits de la femme en Afrique a été ainsi officiellement adopté lors du sommet de l’Union africaine à Maputo, le 11 juillet 2003.
Le 25 novembre 2005, le protocole est entré en vigueur après avoir été ratifié par 15 Etats membres de l’Union africaine, comme requis. Quarante-cinq chefs d’Etats des 53 Etats membres de l’Union africaine ont signé le protocole et, dès décembre 2009, ont ratifié et déposé le protocole. Le Kenya faisait partie des pays qui ont signé le protocole, mais qui ne l’ont pas ratifié en raisons des réserves exprimées.
LE CHEMINEMENT
En mai 2007, au cours de la 41ème session de la Commission africaine sur les droits humains et des peuples qui s’est déroulée à Accra, au Ghana, le gouvernement kenyan déclarait avoir ratifié le protocole. Les mots exacts du ministre de la justice et des affaires constitutionnelles étaient les suivants : «Je peux dire avec confiance que l’instrument sera déposé d’ici à la fin juin.» Des mots vains. Il n’y a pas de preuve qu’il y ait eu de suites à sa déclaration il n’y avait aucun engagement dans sa déclaration ; laquelle n’était rien de plus qu’une promesse en l’air (Ndlr : Le Kenya a finalement ratifié le protocole le 31 octobre 2010, voir : Défendre les droits des femmes: de nouvelles perspectives?)
Le bureau des affaires légales a en effet confirmé que le protocole était discuté et qu’il avait reçu l’approbation du Cabinet pour être ratifié (…) qui a été communiquée au ministère des Affaires étrangères en mai 2006 et qu’il était attendu de celui-ci qu’il prépare et dépose l’instrument pour ratification. Ce fut frustrant, par la suite, d’apprendre que le bureau des Affaires légales du ministère a reçu des informations contradictoires, les unes prétendant que l’approbation avait été communiquée mais ‘’perdue, cependant que d’autres sources prétendent qu’aucune approbation n’avait été reçue.
Au Kenya, bien que de grands pas aient été faits pour la protection des droits de la femme, les violations restent monnaie courante. La violence contre les femmes continue d’être minimisée par la société et le gouvernement n’y accorde aucune priorité. La santé reproductive continue d’être soumise aux valeurs sociétales. Le financement pour aborder les questions des femmes continue d’être conditionnel et soumis à des relations de pouvoir. Nombre de politiques et de lois se sont efforcées de protéger le droit des femmes, mais la plupart reste des projets. Cas de la loi sur le mariage, sur la propriété matrimoniale, la santé de la famille et la santé reproductive. Toutes contiennent des dispositions pour une plus grande protection des droits de la femme. La politique du genre, la loi sur les enfants, la loi sur l’emploi, la politique agraire, la politique nationale des droits humains, la loi sur les crimes sexuels et la loi sur l’éducation, contiennent aussi des dispositions qui visent à améliorer les droits de la femme.
Au cours du processus pour l’application du Protocole de la Charte africaine pour les droits humains et des peuples et les droits de la femme en Afrique, connu sous le nom de protocole de Maputo, de nombreuses leçons ont été apprises.
D’abord, il y a la nécessité d’avoir un calendrier clair au cours du processus de ratification. Il n’y avait aucune clarté dans le processus. Ceci a permis à divers agents d’échapper à leurs responsabilités au cours du processus tout en rejetant la faute sur les autres et fabriquer des excuses qui ont conduit au retard de la ratification des instruments internationaux et régionaux.
Un autre enseignement consiste en la nécessité de créer des synergies entre les différentes institutions qui ont des compétences diverses, mais aussi d’aménager plusieurs points de contacts qui permettent d’accélérer le processus de ratification du protocole. Le réseau de SOAWR, emmené par la Coalition contre la Violence faite aux Femmes a été un lobby effectif qui a exercé la pression nécessaire sur le gouvernement afin qu’il ratifie le protocole.
La troisième leçon apprise concerne les méthodes nouvelles et innovantes qui peuvent mettre le gouvernement sous pression afin qu’il ratifie le protocole. Auparavant, hormis le fait d’impliquer tous les ministères concernés dans le processus, les organisations avaient de la peine à savoir comment obtenir la ratification. Actuellement, des méthodes, comme l’analyse des lois nationales déjà en vigueur, qui donnent du poids à de telles stratégies, ont été utilisées pour obtenir un résultat plus favorable.
Quatrièmement, la vulgarisation du Protocole a été des plus utile. FEMNET a réalisé des émissions à la radio diffusées sur la station locale dans la langue nationale, le kiswahili. Le feuilleton intitulé « Crossroads » comprend six épisodes et a contribué à faire connaître le Protocole des Droits de la Femme en Afrique. Chaque épisode durait 20 minutes et brossait à grand trait les éléments clé concernant les droits de la femme contenus dans le Protocole. Les intervenantes, appartenant à la SOAWR, ont mis en évidence le message clé diffusé dans chaque épisode et ont répondu aux questions.
Cinquièmement, le calendrier était essentiel. Le Kenya recevait la conférence de la Décennie de la femme africaine. L’utilisation de cette plateforme a permis d’exercer une pression appropriée sur le gouvernement afin qu’il ratifie le protocole. La leçon à en tirer est qu’il faut profiter des réunions ou des célébrations qui se présentent et qui mettront la pression internationale sur le gouvernement.
Le Protocole de Maputo est plutôt holistique dans son approche des droits de la femme. Il a agi comme catalyseur d’un changement accéléré parce qu’elle offre une voix aux revendications des femmes. Sa focalisation sur l’Afrique offre l’opportunité d’intégrer le point de vue autochtone à la question du genre. Du fait qu’il inclut une demande de rapport, les gouvernements auront à rendre des comptes.
Afin que les droits contenus dans le protocole soient réalisés, un plan d’action national, complet avec des allocations budgétaires et des ressources humaines sera nécessaire pour une application effective
* Regina Mwanza
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