Le nouveau paysage futuriste de la capitale Luanda ne doit pas faire oublier que 68,2 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Les besoins restent énormes et l’entourage de Dos Santos s’arroge la plupart des profits de tous ces secteurs économiques névralgiques, alors que la gestion des revenus pétroliers reste très opaque. Face aux inégalités, très peu de marge de manœuvre est laissée aux contre-pouvoirs.
cc CPL’État angolais, dirigé depuis son indépendance en 1975 par le Mouvement populaire de libération de l’Angola (Mpla) de José Edouardo Dos Santos (qui a remplacé Agosthino Neto à sa mort en 1979), s’est construit à travers différents conflits : d’abord par une guerre de décolonisation de 1961 à 1974, l’opposant au Portugal, puis par une guerre civile qui ne prit fin qu’en 2002 malgré deux processus de paix tentés en 1991-92 (Bicesse) et en1994 (Lusaka). Cette période de guerre civile a vu son dénouement le 22 février 2002, à la mort de Jonas Savimbi, leader de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), après une ultime offensive des Forces armées angolaises (Faa).
L’opposition armée entre ces deux mouvements politico-militaires (Mpla et Unita) a participé pleinement à la formation de l’État post-colonial et structuré l’organisation du pouvoir et sa relation avec la société. Alors que les années de guerre civile ont été marquées par une forte bipolarisation de la société, c’est maintenant l’hégémonie du parti-État Mpla qui règne, laissant confus les distinctions entre État, parti politique, et administration. Le président Dos Santos s’est de plus arrogé les bénéfices de sa victoire tant militaire que politique sur l’Unita, en se plaçant comme le « pacificateur de l’Angola ». Ces années de guerre lui ont permis de constituer un réseau de pouvoir politique et économique avec, autour de lui, une nomenklatura pétrolière « au service et dépendante » du pouvoir et un cercle restreint de conseillers (voir à ce sujet Peclard Didier [1].
Au sortir de la guerre, plusieurs défis attendaient le Mpla : unifier le pays, gérer la mémoire et (ré) écrire l’histoire. Des défis qui peuvent être considérés comme réussis au regard de sa victoire écrasante aux élections législatives de 2008 : 82% des voix contre seulement 10,40% pour l’Unita. Suite à ces résultats, Dos Santos a pu se permettre un « coup constitutionnel » en repoussant les élections présidentielles et en faisant adopter une importante réforme de la Constitution : sera désormais élu président la tête de liste du parti remportant la majorité des voix aux élections présidentielles.
C’est ainsi qu’en août 2012, face à une opposition toujours très faible, Dos Santos est élu président pour son cinquième mandat, et pour la première fois démocratiquement, à la faveur d’une nouvelle victoire du Mpla aux législatives. Ainsi, l’Angola donne l’image d’un pays pacifié, stabilisé économiquement et ouvert au multipartisme. Tout comme l’effort de guerre, la reconstruction a été financée en partie par l’exploitation du pétrole dont la production dépassera bientôt celle du Nigéria, premier producteur africain, complétée par la forte croissance des revenus du diamant (jusqu’à début 2009), l’augmentation des investissements étrangers dans la télécommunication, la banque, l’immobilier et le secteur foncier. La part du budget consacrée au secteur social n’a cessé d’augmenter depuis la fin de la guerre, atteignant le tiers des dépenses.
Néanmoins les besoins restent énormes et l’entourage de Dos Santos s’arroge la plupart des profits de tous ces secteurs économiques névralgiques, alors que la gestion des revenus pétroliers reste très opaque. Le nouveau paysage futuriste de la capitale Luanda ne doit pas faire oublier que 68,2 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour. L’état sanitaire fragile provoque régulièrement des épidémies de choléra (dont la plus virulente eut lieu en 2006). Enfin, l’Angola dispose d’un indice de développement encore très faible (0,508, soit au 148ème rang sur 186 pays en 2013, l’indice moyen mondial étant de 0.694) [2].
Face à ces inégalités, très peu de marge de manœuvre est laissée aux contre-pouvoirs. Premièrement parce que les années de guerre n’ont pas permis l’émergence d’une société civile capable de s’organiser. Ensuite parce que le régime ne tolère que peu les signes de mécontentement. Jouant sur la peur d’une résurgence d’un conflit, le régime s’attèle à décrédibiliser tout début de contestation, comme cela est le cas depuis 2011, et les mouvements de protestation qui naissent chez la jeunesse angolaise, mais aussi chez les anciens combattants qui réclament le paiement de leurs pensions. De même, la presse est verrouillée, les journalistes sont menacés et courent le risque de mauvais traitements en cas d’arrestations.
Depuis novembre 2013, de plus larges accusations pèsent sur le régime de Dos Santos et les forces de police. Un document interne prouverait en effet l’implication de ces dernières dans la disparition et le meurtre de deux militants anti-gouvernementaux en mars 2012, Isaias Cassule et Antonio Alves Kamulingue. Ces révélations ont entraîné de nouveaux appels à manifester contre la répression violente dont sont victimes les manifestants, pourtant peu nombreux. Le 26 novembre, un autre militant a été tué par la police, alors qu’il collait des affiches. Les arrestations arbitraires et les mauvais traitements sont régulièrement dénoncés, mais la stratégie du régime, qui consiste à faire passer ces militants pour des activistes menaçant la stabilité de l’État et risquant de faire entrer l’Angola dans une nouvelle guerre civile, fonctionne et fait que ces mouvements de contestation peinent à trouver un écho plus large au sein de la population.
De par son contexte historique et politique particulier, la province de Cabinda est un autre exemple des limites du régime à s’ouvrir au jeu politique, avec la persistance d’un climat de conflit sur fond d’intérêts financiers liés à la rente pétrolière.
NOTES
[1] « Les chemins de la « reconversion autoritaire » en Angola » in Politique Africaine, n°110, juin 2008)
[2] PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2013, L’essor du Sud : le progrès humain dans un monde diversifié, Paris : La Découverte, 2008
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